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18/04/2013 | FRANCE | N°12BX02062

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2013, 12BX02062


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2012 par télécopie, et régularisée le 20 août 2012, présentée pour M. C...D...demeurant..., par Me E...;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200469 du 9 mai 2012 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2011 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) de confirmer ce jugement en tant

qu'il a annulé la décision du 24 novembre 2011 par laquelle le préfet de la Gironde lui a...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2012 par télécopie, et régularisée le 20 août 2012, présentée pour M. C...D...demeurant..., par Me E...;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200469 du 9 mai 2012 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2011 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) de confirmer ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 24 novembre 2011 par laquelle le préfet de la Gironde lui avait interdit de revenir sur le territoire français durant deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant congolais né le 22 mai 1978, déclare être entré en France le 24 mai 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 septembre 2009 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 novembre 2010 ; qu'une mesure d'éloignement a été prise à son encontre le 17 janvier 2011, laquelle a été confirmée par un jugement n° 1100478 du 5 avril 2011 ; qu'il a présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 24 novembre 2011, le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire national durant deux ans ; que par un jugement n° 1200469 du 9 mai 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a uniquement annulé l'arrêté du 24 novembre 2011 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire national durant deux ans ; que M. D...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. D...reproche au tribunal d'avoir écarté le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, sans avoir motivé sa décision sur ce point ; que cependant, le jugement attaqué a énoncé les stipulations de cette convention et a écarté le moyen tiré de leur méconnaissance en rappelant la situation familiale de M.D..., dont les cinq premiers enfants résident au Congo, et en soulignant le caractère récent de sa relation avec la mère de son sixième enfant, né quelques mois avant l'édiction de l'arrêté en litige ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'une insuffisance de motivation ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit dès lors être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2011 :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté en date du 2 mai 2011, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du département de la Gironde n° 16 du 17 mars au 2 mai 2011, le préfet de la Gironde a donné délégation de signature à M. B...A..., préfet délégué pour la défense et la sécurité, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions dans les matières relevant du service de l'immigration et de l'intégration ; qu'en mentionnant ces matières, le préfet a nécessairement entendu inclure dans une telle délégation, qui est suffisamment précise, la signature des décisions de refus de séjour ainsi que des décisions portant obligation de quitter le territoire français ; qu'au demeurant, si l'article 10 de cette délégation précise que le préfet délégué pour la défense et la sécurité est notamment habilité à signer tous actes pour la mise à exécution des mesures d'éloignement, une telle mention, qui ne saurait être regardée comme limitative, n'a ni pour objet ni pour effet d'exclure l'édiction des mesures d'éloignement ; que l'auteur de l'arrêté était donc compétent pour le signer ;

4. Considérant en deuxième lieu, que M. D...reproche au tribunal administratif de n'avoir pas tenu compte de la modification apportée par l'article 27 de la loi du 16 juin 2011, lequel, en supprimant dans l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la référence au troisième alinéa de l'article L.313-10, ne subordonne plus la délivrance exceptionnelle d'un titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" à l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement définis par arrêté ministériel ; que s'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont en effet mentionné la version de l'article L.313-14 de ce code antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juin 2011, ils ont toutefois écarté la méconnaissance de ce moyen au motif principal que l'intéressé ne justifiait pas des circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires lui permettant de se prévaloir de ces dispositions ;

5. Considérant que le préfet de la Gironde ne s'était d'ailleurs pas fondé, pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour du requérant, sur le motif tiré de ce que la profession exercée par ce dernier ne serait pas mentionnée sur la liste des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement, mais sur le fait que M. D...ne justifiait pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant en effet, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 de ce code, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; qu'elle doit alors rechercher si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, notamment au regard du marché du travail et de la rareté des candidats aptes à exercer certains métiers qui sont recensés dans l'annexe à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008, constituent un motif exceptionnel d'admission au séjour ; qu'il appartient à cette autorité, pour porter cette appréciation, de rechercher l'ensemble des éléments de fait susceptibles de l'éclairer sur la réalité des motifs invoqués par le demandeur pour justifier sa demande, et au juge saisi d'un recours contre une décision de refus, de s'assurer que l'appréciation ainsi portée n'est pas manifestement erronée ;

7. Considérant qu'à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. D... faisait valoir qu'il était père d'un sixième enfant, né en France d'une relation avec une ressortissante angolaise et qu'il disposait d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée, en qualité de chauffeur-livreur ; que toutefois, ces circonstances ne constituent pas, alors qu'il est constant que résident dans son pays d'origine sa première compagne et ses cinq enfants, un motif humanitaire de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que la promesse d'embauche en qualité de chauffeur-livreur ne constituait pas un motif exceptionnel, le préfet ait entaché son refus de titre de séjour en qualité de salarié d'une erreur manifeste sur les conditions d'application de l'admission exceptionnelle au séjour ;

8. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ; qu'enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

9. Considérant que M. D...soutient qu'il partage une communauté de vie avec une ressortissante angolaise ayant la qualité de demandeur d'asile dont il a eu un enfant le 24 avril 2011 ; que cependant, il ressort de l'attestation produite par sa compagne que leur communauté de vie remonte au plus tôt au mois d'août 2010, soit quinze mois avant l'édiction de la décision en litige ; que si un enfant est né de cette union, M. D...ne produit aucun document de nature à établir qu'il s'investit dans son éducation et dans son entretien alors qu'il est constant que résident au Congo ses cinq premiers enfants ; que s'il fait valoir qu'il n'a plus aucun contact avec ces derniers, il ne l'établit pas ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, serait, ainsi qu'il le soutient, exposé à des risques de persécutions au Congo ni, en conséquence, qu'il ne pourrait reconstituer sa cellule familiale dans ce pays avec sa nouvelle compagne, bien que cette dernière ne soit pas de même nationalité que lui, et leur jeune enfant ; que, par suite, et nonobstant la circonstance qu'il soit bénéficiaire d'une promesse d'embauche, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et ne méconnaît donc pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ni ne méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, des moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant que M. D...se borne à indiquer, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, qu'il entend reprendre ses moyens de première instance ; que ce faisant, il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il a développée en première instance et ne critique pas les réponses qui lui ont été apportées par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2011 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. D...tendant à ce que le préfet de la Gironde lui délivre un titre de séjour ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'avocat de M. D...de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

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No 12BX02062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02062
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-04-18;12bx02062 ?
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