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26/03/2013 | FRANCE | N°12BX00028

France | France, Cour administrative d'appel de, 2ème chambre (formation à 3), 26 mars 2013, 12BX00028


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me Trarieux ;

Mme C...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800548 du 3 novembre 2011 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a limité le montant des indemnités qui lui ont été allouées en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de l'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie à Saint-Chamant accordée par le préfet de la Corrèze ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 884 50

0 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) d...

Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me Trarieux ;

Mme C...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0800548 du 3 novembre 2011 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a limité le montant des indemnités qui lui ont été allouées en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de l'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie à Saint-Chamant accordée par le préfet de la Corrèze ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité totale de 884 500 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2013 :

- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me B...substituant Me Trarieux, avocat de MmeC... ;

1. Considérant que MmeC..., qui, depuis le 12 juillet 2002, exploitait une pharmacie à Saint-Chamant dans le département de la Corrèze, sur le fondement d'une autorisation d'ouverture de cette officine délivrée par un arrêté préfectoral du 27 septembre 2001, en a cessé l'exploitation après que cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 18 décembre 2003, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 20 juin 2006, au motif que cette création ne répondait pas à la condition de desserte optimale de l'ensemble de la population de la zone concernée prévue à l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ; que Mme C...a ensuite demandé, par lettre du 17 décembre 2007, que l'Etat l'indemnise du préjudice que lui a causé l'illégalité de l'autorisation d'ouverture ; qu'une décision implicite de rejet lui ayant été opposée, elle a demandé en référé au président du tribunal administratif de Limoges qu'une expertise soit ordonnée puis a saisi ce tribunal d'une demande indemnitaire ; qu'elle fait régulièrement appel du jugement rendu le 3 novembre 2011 qui a limité à la somme de 121 475,83 euros son indemnisation ;

2. Considérant que le ministre des affaires sociales et de la santé ne conteste pas, en appel, le principe de la responsabilité de l'Etat résultant de l'illégalité de la décision du préfet de la Corrèze autorisant l'ouverture d'une officine de pharmacie à Saint-Chamant ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était pas intervenue ; que si, dans ce cadre, l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2001 implique l'indemnisation des frais engagés en pure perte par Mme C... à la suite de cette autorisation ainsi que, le cas échéant, des troubles qui ont pu en résulter dans ses conditions d'existence, le motif d'annulation de cet arrêté fait obstacle à ce que, à la date de l'autorisation, l'intéressée ait pu légalement prétendre à la délivrance d'une autorisation d'ouverture d'une pharmacie à Saint-Chamant ; que, dans ces conditions, Mme C... ne saurait être indemnisée du préjudice résultant de la perte de toute valeur du fonds de commerce créé au bénéfice de l'autorisation illégale ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'illégalité de l'autorisation d'ouverture n'est pas la cause directe de la perte de revenus de MmeC..., postérieurement à la fermeture en mars 2004 de son officine, puisqu'elle pouvait alors rechercher un nouvel emploi ou une nouvelle activité, ce qu'elle n'établit pas avoir fait ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le tribunal, pour chiffrer le préjudice résultant de la perte sur les investissements réalisés en vue de l'ouverture de l'officine, a retenu le montant total des travaux exécutés et des frais d'installation, soit respectivement 122 861,01 euros et 25 421,82 euros, dont il a retranché la valeur vénale de l'ensemble immobilier dans lequel était implantée la pharmacie, soit 88 000 euros ; que, toutefois, il a omis de prendre en compte, dans le montant des investissements, la valeur d'acquisition et les frais d'acquisition de l'ensemble immobilier, soit 22 867,35 et 2 900 euros qu'il convient donc d'ajouter au préjudice qu'il a déterminé ; que si Mme C...soutient que le montant des dépenses d'investissement, effectuées en 2002, devrait être actualisé, une telle actualisation ne se justifie pas, en l'espèce, dès lors qu'elle se trouve compensée par la circonstance que les investissements ont été retenus pour leur valeur d'acquisition avant amortissement ; qu'ainsi il convient seulement de porter l'indemnisation de ce chef de préjudice de la somme de 60 282,83 euros à la somme de 86 050,18 euros ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'immeuble, en état de vétusté avancé et situé en face de l'officine, que Mme C...a acheté le 16 juillet 2002 n'a fait l'objet d'aucun aménagement, notamment professionnel ; qu'il n'est, en outre, pas établi qu'il ait subi une perte de valeur vénale depuis son acquisition par l'appelante ; qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges ne l'ont pas inclus dans le montant des dépenses devant donner lieu à indemnisation ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que les premiers juges ont pris en compte l'ensemble des conséquences extra-patrimoniales dont Mme C...fait état pour déterminer l'importance de son préjudice moral et qu'ils ont fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 10 000 euros ;

8. Considérant enfin que Mme C...n'établit pas que les sommes de 14 593 euros, 30 000 euros et 6 600 euros, proposées par le rapport d'expertise et accordées par le tribunal respectivement au titre des frais de résiliation de contrats de crédit-bail et de démontage d'équipements, de perte sur stock et de frais de justice répareraient insuffisamment les préjudices qu'elle a subis au titre de ces différents postes ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à demander que la somme de 121 475,83 euros que l'Etat a été condamné à lui verser par le jugement du 3 novembre 2011 soit portée à 147 243,18 euros et la réformation, dans cette mesure, de ce jugement ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

10. Considérant que, ainsi que l'a jugé le tribunal, Mme C...a droit aux intérêts de la somme déterminée ci-dessus à compter de la date de réception de sa demande préalable, soit le 21 décembre 2007 et à la capitalisation des intérêts à compter du 20 décembre 2010, date à laquelle elle était demandée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 85 % ; que, d'autre part, l'avocat de Mme C...n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le remboursement à Mme C...de la seule part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;

DECIDE

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme C... par l'article 1er du jugement du 3 novembre 2011 du tribunal administratif de Limoges est portée à 147 243,18 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2007. Les intérêts échus à la date du 20 décembre 2010 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges 2011 est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la part des frais exposés par elle non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 26 mars 2012 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

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N° 12BX00028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00028
Date de la décision : 26/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Patrice LERNER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : TRARIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-03-26;12bx00028 ?
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