Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) A... Jean-Pierre a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 10 janvier 2022, en tant qu'il lui a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées n° YK9, YK8J, YK8K, YK5J, YK5K, YK7J, YK7K, YK7L et YK7M situées à Noyal-Muzillac pour une surface de 9 hectares 93 ares et 90 centiares.
Par un jugement no 2201096 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2023, l'EARL A... Jean-Pierre, représentée par Me Matel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 10 janvier 2022, en tant qu'il lui a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles n° YK9, YK8J, YK8K, YK5J, YK5K, YK7J, YK7K, YK7L et YK7M situées à Noyal-Muzillac pour une surface de 9 hectares 93 ares et
90 centiares ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, dès lors que sa demande sur ces parcelles relevait de la priorité n° 2 de ce schéma relative aux parcelles de proximité ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation, dès lors que son élevage manque de surfaces d'épandage et d'approvisionnement en fourrage.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EARL A... Jean-Pierre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 4 mai 2018 fixant le schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 octobre 2021, l'EARL A... Jean-Pierre a déposé une demande d'autorisation d'exploiter plusieurs parcelles précédemment mises en valeur par l'EARL Le Maignan, situées à Marzan (Morbihan), ainsi que des parcelles situées à Noyal-Muzillac (Morbihan), d'une surface totale de 29 hectares 8 ares et 31 centiares. Par un arrêté du 10 janvier 2022, le préfet de la région Bretagne a fait partiellement droit à la demande de l'EARL A... Jean-Pierre et l'a rejetée en tant qu'elle portait sur les parcelles cadastrées n° YK9, YK8J, YK8K, YK5J, YK5K, YK7J, YK7K, YK7L et YK7M situées à Noyal-Muzillac, d'une superficie totale de 9 hectares 93 ares et 90 centiares. L'EARL A... Jean-Pierre a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté en ce qu'elle porte refus d'autorisation d'exploiter ces parcelles. Par un jugement du 12 janvier 2023, le tribunal a rejeté cette demande. L'EARL A... Jean-Pierre relève appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes du III de l'article L. 312-1 : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération ". En vertu du 1° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, sont soumises à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles mentionnés à cet article. Le second alinéa de l'article L. 331-3 du même code dispose que l'autorité administrative " vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée. ". Aux termes du I de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / (...) ". Enfin, aux termes du II de l'article R. 331-6 de ce code : " La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi de demandes d'autorisation concurrentes par un preneur en place ou un candidat à la reprise répondant à des ordres de priorités différents au regard des prescriptions du schéma directeur régional, le préfet fait en principe application de l'ordre de priorité fixé par le schéma pour rejeter la demande placée à un ordre de priorité inférieur. Il peut toutefois délivrer une autorisation concurrente à une demande de rang inférieur si l'intérêt général ou des circonstances particulières, en rapport avec les objectifs du schéma directeur, le justifient.
4. D'autre part, aux termes du II de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de Bretagne : " Les priorités : (...) / Priorité 2 : (...) / Parcelles ou îlot de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage du demandeur : / Dans un objectif de restructuration parcellaire des exploitations agricoles, priorité sera donnée pour les demandes de parcelles de proximité de bâtiment d'élevage telle que définie à l'article 1 du présent arrêté.
/ Dans le cas où un îlot cultural constitué de plusieurs parcelles cadastrales répond à la définition relative à la parcelle de proximité à l'exception du critère de surface, d'une superficie supérieure à 5 hectares, cet îlot cultural peut, après avis favorable motivé de la CDOA, être considéré comme un îlot de parcelles de proximité. / Lorsque l'îlot de parcelles fait plus de
5 hectares il peut être décidé de n'attribuer aucune parcelle de proximité. / Dans le cas où le demandeur peut prétendre à plusieurs îlots de parcelle de proximité, la décision d'attribuer un ou plusieurs îlots sera soumise à l'avis motivé de la CDOA. (...). "
5. L'article 1er du SDREA de Bretagne définit les parcelles de proximité du bâtiment d'élevage du demandeur comme : " parcelle ou îlot de parcelles cadastrales d'une superficie maximale de 5 hectares, situé(e) à proximité immédiate du bâtiment d'élevage ou en continuité d'un parcellaire exploité par le demandeur jouxtant le bâtiment d'élevage, à une distance maximale de 500 mètres à vol d'oiseau de son bâtiment d'élevage (logement des animaux). La présence d'une voie intercalaire accessible aux engins agricoles pourra être admise comme ne faisant pas obstacle à la continuité décrite ci-dessus. Est considéré comme bâtiment d'élevage tout bâtiment d'élevage en fonction ou mis en fonction dans le cadre d'une installation. Le bâtiment d'élevage doit être mis en évidence sur un plan transmis avec la demande d'autorisation. ".
6. L'administration s'est fondée, pour prendre l'arrêté contesté, sur la circonstance que la demande de l'EARL A... Jean-Pierre pour les parcelles en litige ne pouvait être regardée comme relevant de la priorité 2 du SDREA de Bretagne, dès lors qu'après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) du Morbihan, ces parcelles ne pouvaient être classées comme parcelles de proximité compte tenu de la présence d'une voie intercalaire entre elles et le bâtiment d'élevage de l'exploitation.
7. Il ressort des pièces du dossier que, bien que respectant la condition de distance maximale du bâtiment d'élevage fixée à 500 mètres par les dispositions précitées de l'article
1er du schéma directeur qui définissent la notion de parcelle de proximité, l'îlot composé par les parcelles en litige dépassait en superficie le seuil de 5 hectares fixé par ces mêmes dispositions. Ces parcelles ne pouvaient, dans ces conditions, être classées comme parcelles de proximité qu'après un avis motivé favorable de la CDOA en application de l'article 3 du SDREA. Or, il est constant qu'une voie intercalaire sépare les parcelles en cause et le bâtiment d'élevage de l'exploitation. Une telle circonstance pouvait légalement être prise en compte par la CDOA et le préfet pour ne pas regarder cet îlot comme présentant une continuité avec le parcellaire exploité par le demandeur jouxtant le bâtiment d'élevage et comme ne relevant pas, dès lors, de la priorité 2 du SDREA. Il ne ressort pas, enfin, des pièces du dossier qu'en regardant cette voie intercalaire comme rompant la continuité entre ce parcellaire et les terres en litige, l'administration aurait commis une erreur d'appréciation, alors même que cette voie dessert aussi les autres terres de l'exploitation de l'EARL. Par suite, compte tenu du caractère défavorable de l'avis de la CDOA sur le classement de cet îlot en parcelles de proximité par rapport à celles de la société requérante et de la présentation par un autre agriculteur, M. B... A..., pour ces terres agricoles, d'une demande concurrente relevant de la priorité 2 du SDREA après avis favorable de cette même commission, le préfet de la région Bretagne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et du SDREA.
8. En dernier lieu, l'Earl A... Jean-Pierre soutient que le refus d'autorisation en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que cette exploitation, qui comprend un élevage de bovins, manque de surface d'épandage et de fourrage, et que les parcelles demandées et situées à proximité immédiate de son exploitation lui permettraient de désenclaver la parcelle YK3, alors que son concurrent dispose déjà de 38 hectares et d'une activité d'élevage de canards. Toutefois, les éléments qu'il fait ainsi valoir ne permettent pas d'établir que l'intérêt général ou des circonstances particulières, en rapport avec les objectifs du SDREA, auraient justifié que le préfet lui délivre à lui aussi, en dépit du rang inférieur de sa demande par rapport aux autres demandes dont l'administration était saisie, une autorisation d'exploiter, concurrente à celle accordée à l'exploitant mieux classé. Par suite, le moyen ainsi soulevé ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que l'EARL A... Jean-Pierre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 10 janvier 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'autorisation d'exploitation des parcelles en litige. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être écartées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL A... Jean-Pierre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée A... Jean-Pierre et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Bretagne.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Vergne, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 12 janvier 2024.
Le rapporteur,
X. CATROUXLe président,
G.-V. VERGNE
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00681