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12/01/2024 | FRANCE | N°22PA04222

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 janvier 2024, 22PA04222


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° R/21-0095 du 10 novembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du paiement de cette amende.



Par un jugement n° 2200746 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa dem

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Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n° R/21-0095 du 10 novembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du paiement de cette amende.

Par un jugement n° 2200746 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2022 et le 9 décembre 2022, la société Air France, représentée par Me Pradon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- lors des opérations d'embarquement, le passager possédait un visa roumain en cours de validité, lequel correspondait à sa destination finale ;

- les informations renseignées sur la base de données ALTEA démontrent que le passeport présenté au moment de l'embarquement ne présentait aucune irrégularité manifeste ;

- le ministre ne saurait sérieusement, à l'heure du réchauffement climatique et de la préservation de la planète, lui opposer l'absence de production d'une photocopie du passeport présenté à l'embarquement ;

- elle ne peut se voir infliger une amende du fait de la perte ou de la destruction volontaire de ses documents de voyage par le passager ;

- la circonstance que l'intéressé a fait une demande d'asile quelques heures après son arrivée est de nature à faire présumer qu'il a détruit délibérément son passeport lors de son voyage ;

- à supposer qu'une irrégularité ait été commise, elle ne serait pas manifeste.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Air France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 ;

- le règlement (UE) 2016/399 du 9 mars 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- et les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 10 novembre 2021, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France, sur le fondement des articles L. 821-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une amende de 10 000 euros pour avoir, le 22 mars 2021, débarqué sur le territoire français un passager en provenance de Casablanca, de nationalité indéterminée, dépourvu de tout document de voyage. Par un jugement du 13 juillet 2022 dont la société Air France relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. " Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6... n'est pas infligée : (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. La société requérante soutient qu'elle a apporté la preuve que le passager en cause était correctement documenté pour atteindre sa destination finale, et qu'elle ne saurait être tenue responsable de la perte ou de la destruction volontaire par ce passager de ses documents de voyage et se voir infliger de ce fait une amende. Toutefois, ainsi que l'ont relevé pertinemment les premiers juges et à supposer même que le ministre de l'intérieur ne puisse utilement opposer à la société Air France l'absence de production d'une photocopie du passeport présenté à l'embarquement, cette dernière n'établit en tout état de cause pas, par la seule référence aux informations renseignées sur sa base de données ALTEA, que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. Il s'ensuit que le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement. Aucune circonstance particulière ne justifie par ailleurs une minoration du montant de l'amende prévue par ces dispositions.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction qui lui a été infligée le 10 novembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2024

Le rapporteur,

P. MANTZ

La Présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04222 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04222
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLYDE & CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;22pa04222 ?
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