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09/01/2024 | FRANCE | N°23BX01014

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 09 janvier 2024, 23BX01014


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2201958 du 20 mai 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2023 et le 1er ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2201958 du 20 mai 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2023 et le 1er décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Samb-Tosco, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 20 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la préfète de la Gironde s'est crue en situation de compétence liée au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pauline Reynaud, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante nigériane née le 22 septembre 1995, est entrée sur le territoire français au mois de janvier 2019. L'intéressée a sollicité le bénéfice de son admission au titre de l'asile le 5 mars 2021. Par des décisions rendues le 10 novembre 2021 et le 10 mars 2022, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont rejeté sa demande. Par un arrêté du 21 mars 2022, la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 mars 2022. L'intéressée relève appel du jugement n° 2201958 du 20 mai 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 mars 2022 :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

2. Ainsi que l'a relevé le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté mentionne également la durée et les conditions de séjour de Mme A... sur le territoire, le rejet de sa demande d'asile, ainsi que la présence de l'un de ses enfants sur le territoire français. Il précise enfin, pour justifier la décision portant interdiction de retour, que si Mme A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, elle se maintient toutefois sur le territoire en méconnaissance d'une précédente mesure d'éloignement et ne justifie pas de liens anciens en France. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que la préfète n'a pas fait mention de la grossesse de Mme A... ni de son suivi médical, la préfète de la Gironde doit être regardée comme ayant suffisamment motivé l'arrêté attaqué. En outre, cette motivation ne révèle pas un défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A.... Par suite, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3 En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. D'une part, si Mme A... soutient résider en France depuis 2019, les éléments qu'elle produit ne permettent pas d'établir sa présence régulière en France depuis cette date, mais seulement depuis la date d'enregistrement de sa demande d'asile, le 5 mars 2021. Si l'intéressée soutient par ailleurs que sa présence en France est indispensable, dès lors que son enfant âgé de trois ans se trouve en situation de handicap et nécessite des soins psychologiques et psychiatriques, et qu'elle-même subit un état traumatique lié à des évènements survenus dans son pays, il est toutefois constant que Mme A... n'a pas sollicité de titre de séjour en qualité d'étranger malade, et l'intéressée ne produit pas suffisamment d'éléments de nature à établir qu'elle et son fils ne pourraient bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine. La requérante ne produit enfin pas d'éléments suffisants afin de justifier de son intégration sur le territoire national. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale en prenant les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

6. Mme A... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié pour elle et son fils, et se prévaut notamment de plusieurs certificats médicaux établis les 21 février 2022, 29 avril 2022, 1er janvier 2023 et 26 juin 2023, relatifs à son état de santé et ses traumatismes psychiques, ainsi qu'à l'état de santé de son fils, de la fiche MedCoi relative à l'accès aux soins au Nigéria, et d'une fiche pays de l'organisation mondiale de la santé du 15 avril 2022 relative à l'accessibilité de la prise en charge de la santé mentale au Nigéria. Il est toutefois constant que la requérante n'a pas formé de demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade ou de parent d'enfant malade, et les éléments produits ne suffisent en tout état de cause pas à établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement adapté en cas de retour dans son pays d'origine, ni que l'absence de suivi serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ou sur celui de son fils. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, les éléments produits par la requérante, qui n'a au demeurant pas formé de demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, ne permettent pas d'établir que son fils ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en prenant la décision attaquée, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Mme A... soutient que le retour dans son pays d'origine aura pour effet de raviver ses traumatismes, et d'interrompre son suivi psychologique en France, dont la nécessité est attestée par des certificats médicaux établis les 21 février 2022 et 29 avril 2022. Toutefois, d'une part, il est constant que Mme A... n'a pas sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, et, d'autre part, les éléments produits par l'intéressée ne sont en tout état de cause pas suffisants pour établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, la requérante n'apporte pas d'élément de nature à démontrer qu'elle encourt des risques actuels et personnels de persécutions. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Gironde aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la décision attaquée. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

12. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde se serait crue en situation de compétence liée pour prendre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

14. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... ne constitue pas une menace à l'ordre public, l'intéressée n'a toutefois pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, et, eu égard à ce qui a été dit au point 4, ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions précitées en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.

La rapporteure,

Pauline Reynaud La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01014
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SAMB-TOSCO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;23bx01014 ?
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