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09/01/2024 | FRANCE | N°22DA02419

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 09 janvier 2024, 22DA02419


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile d'exploitation agricole (SCEA) " Centre équestre La Bonde " a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 5 mars 2020 par laquelle la présidente du comité de programmation du groupe d'action locale (GAL) du Vexin Normand l'a informée du classement sans suite de la demande de subvention qu'elle a présentée dans le cadre du programme intitulé " Liaison entre actions de développement de l'économie rurale " (A...), pour son projet de c

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) " Centre équestre La Bonde " a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 5 mars 2020 par laquelle la présidente du comité de programmation du groupe d'action locale (GAL) du Vexin Normand l'a informée du classement sans suite de la demande de subvention qu'elle a présentée dans le cadre du programme intitulé " Liaison entre actions de développement de l'économie rurale " (A...), pour son projet de création d'un centre de formation professionnelle agréé pour les métiers de la filière équine, ensemble la décision du 16 avril 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2003212 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 novembre 2022 et 29 septembre 2023, la SCEA " Centre équestre La Bonde ", représentée par Me Laurence Marot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions des 5 mars et 16 avril 2020 ;

3°) de mettre à la charge du GAL du Vexin Normand le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable, ayant été enregistrée moins de deux mois après la notification du jugement attaqué ;

- la décision du 5 mars 2020, qui constitue le refus d'un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir au sens du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, et celle du 16 avril 2020, qui rejette un recours administratif au sens du 8° du même article, ne sont pas suffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait dès lors que, contrairement à ce qu'elles retiennent, son dossier de demande de subvention a été adressé dans le délai de trois mois prévu à l'article 9 bis du règlement intérieur du GAL du Vexin Normand et il était complet ; il comportait en particulier un arrêté de permis de construire et un récépissé de dépôt d'une déclaration préalable ; à cet égard, aucune disposition applicable n'imposait que celle-ci soit délivrée dans le délai de trois mois précité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2023, la communauté de communes du Vexin Normand, représentée par Me Philippe Huon, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 3 500 euros soit mis à la charge de la SCEA " Centre équestre La Bonde " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête et l'ensemble de la procédure ont été communiqués à la région Normandie qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 3 octobre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 novembre 2019, la société civile d'exploitation agricole (SCEA) " Centre équestre La Bonde " a déposé, dans le cadre du programme " Liaison entre actions de développement de l'économie rurale ", dit " A... ", une demande de subvention d'un montant prévisionnel de 32 000 euros pour la création d'un centre de formation professionnelle des métiers de la filière équine d'une superficie de 60 m² comprenant une salle de cours accessible aux personnes à mobilité réduite et un bureau pour l'accueil et le secrétariat du centre. Lors de la séance du 4 décembre 2019, le groupe d'action locale (GAL) du Vexin Normand, structure portée par la communauté de communes du Vexin Normand en lien avec la région Normandie et l'Agence de services et de paiement, a émis un avis d'opportunité favorable au projet. Par une décision du 5 mars 2020, la présidente du comité de programmation du GAL du Vexin Normand a informé la SCEA " Centre équestre La Bonde " du classement sans suite de sa demande. La SCEA " Centre équestre La Bonde " a formé un recours gracieux qui a été rejeté par une lettre du 16 avril 2020. Elle relève appel du jugement n° 2003212 du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation des deux décisions des 5 mars et 16 avril 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la motivation des décisions attaquées :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / (...) / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. D'une part, eu égard au large pouvoir d'appréciation que conserve l'autorité administrative pour accorder ou refuser la subvention sollicitée par un porteur de projet bénéficiant d'un avis d'opportunité favorable ainsi qu'au caractère limitatif des crédits alloués au programme " A... ", les décisions de refus opposées aux demandes de subvention ainsi que celles prononçant leur classement sans suite ne sont pas au nombre de celles qui, au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir.

4. D'autre part, il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe général applicables que les recours contentieux contre les décisions de refus de subvention au titre du programme " A... " ou de classement sans suite doivent être précédés, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif préalable obligatoire. La décision du 16 avril 2020 par laquelle la présidente du GAL du Vexin Normand a rejeté le recours gracieux formé par la SCEA " Centre équestre La Bonde " le 7 avril précédent n'est donc pas au nombre de celles visées par les dispositions précitées du 8° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les vices propres dont elle serait entachée ne sont en outre pas utilement invocables pour contester la décision du 5 mars 2020, contre laquelle les conclusions de la SCEA doivent être regardées comme étant tout entières dirigées.

5. Il s'ensuit que les décisions des 5 mars et 16 avril 2020 ne sont pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement motivées et que le moyen de la SCEA " Centre équestre La Bonde ", tiré de leur insuffisante motivation, doit dès lors être écarté, dans ses deux branches, comme inopérant.

En ce qui concerne l'erreur de fait :

6. Aux termes de l'article 9 bis du règlement intérieur du comité de programmation du GAL du Vexin Normand, dans sa rédaction résultant de la délibération du 28 novembre 2019 du conseil communautaire de la communauté de communes du Vexin Normand : " Les porteurs de projet bénéficient d'un délai maximal d'un an à partir de la date de délivrance de l'avis d'opportunité du projet pour adresser le formulaire de demande d'aide 19.02 et ses annexes complétés au GAL du Vexin Normand. Passé ce délai, le montant attribué pour avis d'opportunité au projet sera classé sans suite et re-crédité sur la fiche concernée lors du COPROG suivant. A partir du COPROG du 2 octobre 2019, le délai maximal est réduit à 3 mois (sans rétroactivité pour les projets sélectionnés précédemment) afin de transmettre les derniers engagements comptables et juridiques à l'autorité de gestion avant le 1er octobre 2020, comme stipulé dans l'article 4.6 de la Convention GAL/AG/OP du 22 décembre 2016. Cette modification permet également de réaffecter des montants attribués à d'autres projets en cas d'abandon ou de sous-réalisation de ces projets ".

7. Par ailleurs, il ressort du formulaire de demande d'aide 19.02 que, pour les projets de travaux, la demande d'aide doit être accompagnée, selon les cas, notamment de la pièce suivante : " Permis de construire/d'aménager/toute autre autorisation préalable ". Contrairement à ce que soutient la SCEA " Centre équestre La Bonde ", il en résulte que l'octroi de la subvention est conditionné à l'obtention préalable de l'ensemble des autorisations d'urbanisme rendues nécessaires par le projet et que ces dernières sont au nombre des pièces qui doivent être obligatoirement jointes au dossier de demande de subvention à adresser au GAL du Vexin Normand dans le délai prévu par l'article 9 bis du règlement intérieur cité au point précédent. En outre, et pour l'application des dispositions précédentes, si le silence conservé par l'autorité administrative sur les dossiers de demande d'autorisation d'urbanisme est susceptible de faire naître une décision implicite d'accord, il résulte de la combinaison des articles R. 423-23 et R. 424-1 du code de l'urbanisme que ces accords interviennent au terme d'un délai d'un mois pour les déclarations préalables, de deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle et de trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager.

8. Il ressort des pièces du dossier que la demande de subvention présentée par la SCEA " Centre équestre La Bonde " au titre du programme " A... " porte sur la création d'un centre de formation professionnelle des métiers de la filière équine d'une superficie de 60 m² comprenant une salle de cours accessible aux personnes à mobilité réduite et un bureau pour l'accueil et le secrétariat du centre. À la suite de l'avis d'opportunité favorable à son projet émis par le comité de programmation du GAL du Vexin Normand le 4 décembre 2019, la SCEA a été rendue destinataire, dès le lendemain, du formulaire de demande d'aide 19.02, lui demandant de produire notamment, au titre des pièces justificatives, la pièce suivante : " Permis de construire/d'aménager/toute autre autorisation préalable ". La SCEA avait été préalablement informée de cette formalité par des courriels des services du GAL du Vexin Normands les 3 et 4 décembre 2019. Elle lui a été ultérieurement rappelée par des courriels des mêmes services des 3 janvier, 23 janvier, 10 février et 24 février 2020. Or, à la date d'expiration du délai de trois mois imparti par les dispositions de l'article 9 bis du règlement intérieur citées au point 6, la SCEA " Centre équestre La Bonde " avait seulement joint à sa demande, d'une part, un arrêté de permis de construire n° PC.27533.19.A004 du 7 janvier 2020 du maire de la commune de Saint-Denis-le-Ferment l'autorisant à réaliser " à partir de containers de[s] locaux de stockage et de travail pour les compétitions équestres " et à créer 179 mètres carrés de surface de plancher à usage de bureaux et, d'autre part, un récépissé de dépôt d'une déclaration préalable n° DP.027533.20.A0002 en mairie de Saint-Denis-le-Ferment le 21 février 2020 tendant à changer la destination du bâtiment dont la construction avait été précédemment autorisée en établissement recevant du public pour la formation, sur une surface de 146 mètres carrés. Dès lors qu'il n'est pas établi que cette déclaration ait donné lieu à une décision expresse de non-opposition avant la date du 3 mars 2020 avant laquelle la SCEA devait, en application des dispositions de l'article 9 bis du règlement intérieur, avoir déposé sa demande de subvention et dès lors que le délai d'instruction d'un mois au terme duquel nait automatiquement une décision implicite de non-opposition n'était pas encore expiré à cette date, la SCEA ne pouvait pas être regardée comme justifiant avoir obtenu l'ensemble des autorisations d'urbanisme rendues nécessaires par le projet pour lequel elle sollicite une subvention au titre du programme " A... ".

9. Il s'ensuit que c'est sans entacher sa décision d'erreur de fait que la présidente du GAL du Vexin Normand s'est fondée sur ce motif pour classer sans suite la demande de la SCEA " Centre équestre La Bonde ". Le moyen qu'elle soulève en ce sens doit, dès lors, être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA " Centre équestre La Bonde " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 5 mars et 16 avril 2020. Par suite, les conclusions qu'elle présente en appel, tendant à l'annulation de ce jugement et à l'annulation des mêmes décisions, doivent à leur tour être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes du Vexin Normand, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SCEA " Centre équestre La Bonde " au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à ce titre à la charge de cette dernière le versement à la communauté de communes du Vexin Normand d'une somme de 2 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA " Centre équestre La Bonde " est rejetée.

Article 2 : La SCEA " Centre équestre La Bonde " versera une somme de 2 000 euros à la communauté de communes du Vexin Normand au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole " Centre équestre La Bonde ", à la communauté de communes du Vexin Normand et à la région Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA02419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02419
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : FARTHOUAT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;22da02419 ?
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