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09/01/2024 | FRANCE | N°22DA01154

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 09 janvier 2024, 22DA01154


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société d'architectes " Auer Weber Assoziierte ", la société à responsabilité limitée (SARL) " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) " Atelier Villes et Paysages " et la société par actions simplifiée (SAS) " Betom Ingénierie " ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer l'achèvement de la mission de maîtrise d'œuvre qui leur a été confiée par un acte d'engagement du

17 juillet 2012 conclu avec la communauté d'agglomération du Douaisis, devenue Douaisis Agglo, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'architectes " Auer Weber Assoziierte ", la société à responsabilité limitée (SARL) " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) " Atelier Villes et Paysages " et la société par actions simplifiée (SAS) " Betom Ingénierie " ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer l'achèvement de la mission de maîtrise d'œuvre qui leur a été confiée par un acte d'engagement du 17 juillet 2012 conclu avec la communauté d'agglomération du Douaisis, devenue Douaisis Agglo, dans le cadre de la réalisation d'un centre aquatique sur le site de l'écoquartier du Raquet à Sin-le-Noble et, d'autre part, de condamner la communauté d'agglomération Douaisis Agglo à leur verser la somme de 62 991,90 euros toutes taxes comprises (TTC), majorée des intérêts moratoires et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1902532 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juin 2022 et 21 février 2023, les sociétés " Auer Weber Assoziierte ", " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie ", représentées par Me Alexandre Labetoule, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer l'achèvement de leur mission de maîtrise d'œuvre ;

3°) de condamner la communauté d'agglomération Douaisis Agglo à leur verser la somme de 62 991,90 euros TTC, majorée des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que la minute soit signée par l'ensemble des personnes visées à l'article R. 741-7 du code de justice administrative et, s'il s'agit de signatures électroniques, que celles-ci aient été régulièrement apposées ;

- il est également irrégulier pour ne pas répondre au moyen tiré de ce que les réserves qui subsistent ont été énoncées postérieurement à la réception et de ce qu'il n'est pas possible pour un maître d'ouvrage de prolonger la mission de maîtrise d'œuvre au-delà d'un délai raisonnable ;

- contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération Douaisis Agglo, le différend n'est apparu qu'à l'expiration du délai d'un mois courant à compter de la réception de leur mise en demeure du 15 novembre 2018, de sorte que leur réclamation formée le 20 décembre suivant n'est pas tardive, au regard de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales ;

- contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération Douaisis Agglo, les sociétés " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie ", en tant que membres du groupement de maîtrise d'œuvre, justifient d'une qualité donnant intérêt pour agir, quand bien même les autres sociétés membres du groupement ne se seraient pas jointes à l'instance ;

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, l'inertie fautive dont a fait preuve la communauté d'agglomération Douaisis Agglo en s'abstenant de faire réaliser par une entreprise tierce les travaux correspondant aux réserves qu'elle avait énoncées à la réception de l'ouvrage n'a pu avoir pour effet de prolonger indéfiniment la mission de maîtrise d'œuvre ;

- la plupart des 1 649 réserves émises à la réception de l'ouvrage n'étaient, dès le départ, aucunement justifiées ; elles présentent un caractère abusif ; des réserves ont été ajoutées postérieurement à la réception ; si la communauté d'agglomération Douaisis Agglo a réduit la liste des réserves à l'occasion de l'expertise judiciaire qui a été diligentée, aucune décision officielle de levée des réserves n'a jamais été prise ;

- l'absence de levée des réserves au terme du délai de garantie de parfait achèvement n'a pu suffire à prolonger automatiquement la mission de maîtrise d'œuvre et la communauté d'agglomération Douaisis Agglo n'a pris aucune décision expresse de prolongation, ainsi que le prévoit l'article 19 du cahier des clauses administratives particulières ;

- les véritables réserves émises à la réception ont toutes été levées ; les réserves restantes dont se prévaut la communauté d'agglomération Douaisis Agglo soit n'étaient dès le départ pas justifiées, soit ont même été énoncées postérieurement à la réception ; la société " Auer Weber Assoziierte " n'a jamais reconnu le contraire, y compris dans sa lettre du 15 novembre 2018 ;

- dès lors qu'il n'existe aucun obstacle au constat judiciaire de l'achèvement de la mission de maîtrise d'œuvre, elles sont fondées à solliciter le règlement de l'intégralité de leur note d'honoraires conformément au marché, soit 62 991,90 euros TTC, majorés des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;

- les intérêts moratoires ont commencé à courir le 16 décembre 2018, au taux de 7% ; les intérêts seront dus au moins pour quatre années entières à la date de l'arrêt à intervenir et devront donc être capitalisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2023, la communauté d'agglomération Douaisis Agglo, représentée par Me Rodolphe Piret, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 5 000 euros soit mis à la charge des sociétés appelantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- en l'absence de levée de l'ensemble des réserves, dont les sociétés appelantes ne démontrent pas le caractère abusif, la mission de maîtrise d'œuvre ne peut être regardée comme achevée et les sociétés appelantes n'ont pas droit au solde du marché, conformément à ce que prévoit l'article 6-2-1 du cahier des clauses administratives particulières ;

- la requête en paiement de la maîtrise d'œuvre est tardive au regard de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché considéré dès lors que le différend est apparu dès le 18 novembre 2017 et que la réclamation n'a été formée que le 5 novembre 2018 ;

- à la différence de la société " Auer Weber Assoziierte " qui est le mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, les sociétés " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie " n'ont pas qualité donnant intérêt pour agir alors que les autres sociétés qui auraient elles aussi vocation à percevoir des sommes ne se sont pas jointes à l'instance ;

- le quantum de la demande présentée par les sociétés appelantes n'est pas justifié ; une éventuelle demande des sociétés appelantes tendant à l'obtention d'une rémunération supplémentaire au titre de prestations supplémentaires serait non seulement irrecevable mais aussi et en tout état de cause infondée.

Par ordonnance du 21 février 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 27 mars 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Alexandre Labetoule, représentant les sociétés appelantes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 17 juillet 2012, la communauté d'agglomération du Douaisis, devenue Douaisis Agglo, a confié la maîtrise d'œuvre de la réalisation du centre aquatique " Sourcéane ", situé sur le site de l'écoquartier du Raquet à Sin-le-Noble (Nord), à un groupement conjoint composé de la société " Auer Weber Assoziierte ", mandataire solidaire du groupement, et de neuf autres sociétés, parmi lesquelles " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie ". Les sociétés " BC Nord ", " Jean Lefebvre Nord ", " Bouygues énergies et services " et " Satelec Fayat " se sont vu attribuer respectivement les lots " gros œuvre ", " VRD, espace vert, aménagements extérieurs ", " chauffage, ventilation, traitement de l'air, plomberie, traitement de l'eau, sauna, hammam " et " électricité, éclairage, scénographie ". Les opérations préalables à la réception des travaux se sont déroulées le 15 novembre 2016. Par une décision du 13 décembre 2016, le maître d'ouvrage a décidé de prononcer la réception des lots avec et sous réserves, en retenant, outre les réserves proposées par la maîtrise d'œuvre, une liste de 1 649 réserves ou observations. Par un courrier du 15 novembre 2018, la société " Auer Weber Assoziierte " a, en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, demandé à la communauté d'agglomération de prononcer l'achèvement de sa mission et sollicité le paiement de sa note d'honoraires n° 32 d'un montant de 62 991,90 euros toutes taxes comprises (TTC). En l'absence de réponse de la maîtrise d'ouvrage pendant un délai d'un mois, elle lui a adressé le 20 décembre 2018 une réclamation, rejetée le 22 janvier 2019. Les sociétés " Auer Weber Assoziierte ", " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie " relèvent appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à ce que l'achèvement de la mission de maîtrise d'œuvre soit prononcé et, d'autre part, à la condamnation de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo à leur verser la somme de 62 991,90 euros TTC, majorée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du solde de la rémunération prévue pour la mission " assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception " (AOR).

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, au terme de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort du dossier de première instance que, conformément aux dispositions précitées, le jugement attaqué a été signé par M. Bauzerand, président, Mme Piou, rapporteure, et Mme Nicodeme, greffière. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux sociétés appelantes ne soit pas revêtue des signatures manuscrites de ces personnes est sans incidence sur la régularité du jugement. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, de ce fait, entaché d'irrégularité doit être écarté.

3. En second lieu, si les sociétés appelantes ont soutenu, en première instance, qu'une mission de maîtrise d'œuvre ne peut être prolongée au-delà d'un délai raisonnable, ce moyen a été écarté par les premiers juges au point 4 du jugement qui interprète les dispositions et stipulations applicables au marché en litige et en retient que la mission de maîtrise d'œuvre ne peut être regardée comme achevée tant que les réserves émises lors de la réception des travaux n'ont pas toutes été levées. En outre, la circonstance que certaines des réserves dont se prévaut la communauté d'agglomération Douaisis Agglo auraient été formulées postérieurement à la réception n'a été évoquée qu'au soutien du moyen tiré du comportement abusif de cette dernière. Ce moyen a été écarté par des motifs suffisants au considérant 6 du jugement attaqué, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties. Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont omis de statuer sur des moyens et entaché ce faisant leur jugement d'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions tendant au prononcé de l'achèvement de la mission de maîtrise d'œuvre :

4. La réception, dans un marché public de prestations intellectuelles, est la décision par laquelle le pouvoir adjudicateur reconnaît la conformité des prestations aux stipulations du marché. Le juge du contrat peut prononcer la réception en cas de refus de la personne responsable du marché d'y procéder.

5. Aux termes de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 : " (...) / Le maître de l'ouvrage peut confier au maître d'œuvre tout ou partie des éléments de conception et d'assistance suivants : / (...) / 8° L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement. / (...) ". Aux termes de l'article 11 du décret du 29 novembre 1993 : " L'assistance apportée au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement a pour objet : / a) D'organiser les opérations préalables à la réception des travaux ; / b) D'assurer le suivi des réserves formulées lors de la réception des travaux jusqu'à leur levée ; / c) De procéder à l'examen des désordres signalés par le maître de l'ouvrage ; / d) De constituer le dossier des ouvrages exécutés nécessaires à leur exploitation ".

6. Aux termes de l'article 19 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu le 17 juillet 2012 entre la communauté d'agglomération Douaisis Agglo et le groupement de maîtrise d'œuvre : " La mission du maître d'œuvre s'achève à la fin du délai de ''garantie de parfait achèvement'' ou après la prolongation de ce délai si les réserves signalées lors de la réception ne sont pas toutes levées à la fin de cette période. Dans cette hypothèse, l'achèvement de la mission intervient lors de la levée de la dernière réserve. / (...) ". Aux termes de l'article 27-1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, approuvé par l'arrêté susvisé du 16 septembre 2009 : " Le pouvoir adjudicateur prononce la réception des prestations si celles-ci répondent aux stipulations du marché. La réception prend effet à la date de notification de la décision de réception au titulaire. / (...) ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions et stipulations citées aux deux points précédents que, dans le cas du marché de maîtrise d'œuvre conclu le 17 juillet 2012 entre la communauté d'agglomération Douaisis Agglo et le groupement conjoint formé, entre autres, par les sociétés appelantes, la mission du maître d'œuvre ne peut être regardée comme étant achevée, et par suite la décision de réception ne peut intervenir, qu'à la fin du délai de la garantie de parfait achèvement ou, dans le cas où toutes les réserves énoncées lors de la réception des travaux n'ont pas été levées à cette date, qu'après la levée de la dernière de ces réserves. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, ni l'article 19 du cahier des clauses administratives particulières précitées ni aucune autre stipulation ou disposition applicable ne conditionne cette prolongation de la mission du maître d'œuvre à la notification par le maître de l'ouvrage d'une décision explicite de prolongation du délai de la garantie de parfait achèvement, laquelle est automatique. Contrairement à ce que soutiennent également les sociétés appelantes, aucune disposition ou stipulation ni aucun principe applicable ne limite cette prolongation de la mission du maître d'œuvre par un quelconque délai, la prévention et la sanction des éventuels comportements dilatoires et abusifs du maître d'ouvrage étant assurées par la faculté, rappelée au point 4, qu'a tout cocontractant qui s'estime fondé à le faire de saisir le juge du contrat de conclusions tendant à ce qu'il prononce la réception judiciaire des prestations.

8. En l'espèce, lors de la réception des travaux de construction du centre aquatique " Sourcéane ", le 13 décembre 2016, la communauté d'agglomération Douaisis Agglo a, comme il lui était loisible de le faire, décidé d'ajouter aux réserves proposées par le maître d'œuvre une liste de 1 649 réserves, qui identifie précisément leurs localisations, leurs objets et les entreprises responsables. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, ces réserves ne présentent ni un caractère général, ni un caractère fantaisiste, dès lors que bon nombre d'entre elles porte notamment sur des problèmes de structure de l'ouvrage, des dysfonctionnements de ses équipements ou même des éléments prévus aux marchés et non réalisés.

9. La communauté d'agglomération justifie par les pièces qu'elle produit, notamment par les courriers des 23 février 2017, 10 mars 2017, 30 mai 2017, 11 août 2017, 13 octobre 2017, 5 janvier 2018, 18 avril 2018 et 4 juin 2019, avoir multiplié les démarches auprès de l'équipe de maîtrise d'œuvre et auprès des titulaires des différents lots pour rechercher la levée de ces réserves en priorité avec eux. Elle n'a pas exclu pour autant de recourir à terme à des entreprises tierces, ce qu'elle n'était pas tenue de faire en première intention et ce que le maître d'œuvre lui a même au demeurant déconseillé. La communauté d'agglomération n'a pas non plus manqué de prononcer, le 10 avril 2017, la levée des réserves qui avaient été énoncées initialement à l'initiative du maître d'œuvre et, si elle n'a à ce stade pas pris de décision explicite de levée partielle des autres réserves, elle a bien admis en cours de procédure que de nombreuses réserves de la liste qu'elle avait annexée à la décision de réception ont depuis lors été levées, à la suite notamment de réinterventions des titulaires des lots litigieux obtenus dans un premier temps par le maître d'œuvre. Il s'ensuit que la communauté d'agglomération ne peut, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, pas être regardée comme ayant adopté un comportement abusif ou une inertie fautive.

10. Enfin, si la communauté d'agglomération a, dans le délai de la garantie de parfait achèvement, signalé de nombreux désordres, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait conditionné la levée des dernières réserves à la résolution de ces désordres et qu'elle puisse ainsi être regardée comme ayant irrégulièrement ajouté des réserves à celles énoncées lors de la réception. En tout état de cause, plusieurs de ces désordres, notamment les nombreux problèmes de condensation, infiltrations et fuites constatés, ne sont pas sans lien avec les réserves énoncées par la communauté d'agglomération et les sociétés appelantes n'établissent pas en avoir obtenu la résolution par les titulaires des lots. Dans ces conditions, et bien que l'ouvrage ait été mis dans cet état en exploitation, son fonctionnement ne peut être regardé, eu égard au nombre, à la nature et à l'importance des malfaçons relevées, comme étant conforme aux prescriptions des marchés publics de travaux et de maîtrise d'œuvre conclus pour sa réalisation.

11. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Douaisis Agglo est fondée à refuser de lever les dernières réserves et que cette circonstance s'oppose, en vertu des principes rappelés au point 7 et sans que soit opposable à la communauté d'agglomération un quelconque délai raisonnable ou le fait qu'elle n'aurait pas pris une décision explicite de prolongation du délai de la garantie de parfait achèvement, à ce que la mission du maître d'œuvre puisse être regardée comme achevée et, par suite, au prononcé de la réception de ses prestations. Les conclusions en ce sens des sociétés appelantes doivent, dès lors, être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération au versement aux sociétés appelantes d'une somme de 62 991,90 euros TTC :

12. L'article 6-2-1 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d'œuvre conclu le 17 juillet 2012 stipule, d'une part, que la rémunération due au groupement de maîtrise d'œuvre au titre de la mission AOR sera versée sous la forme d'acomptes et, d'autre part, que le dernier d'entre eux, représentant 30 % de la rémunération due à ce titre, sera versé " à l'achèvement des levées de réserves ". La somme de 62 991,90 euros TTC que les sociétés appelantes demandent à la cour, par leur requête, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo correspond, selon elles, à la rémunération qui leur est due au titre de ce dernier acompte sur leur mission AOR. Dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 11 que toutes les réserves énoncées par le maître d'ouvrage lors de la réception des travaux le 13 décembre 2016 ne sont pas en état d'être levées et que la mission du maître d'œuvre ne peut pas être regardée comme étant encore achevée, la demande des sociétés appelantes présente un caractère prématuré. Elles ne sont donc pas fondées à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo à leur verser une somme correspondant au montant de ce dernier acompte pour leur mission AOR et leurs conclusions en ce sens doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la communauté d'agglomération Douaisis Agglo, que les sociétés " Auer Weber Assoziierte ", " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie " ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur requête en toutes ses conclusions. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées en appel, tendant à l'annulation de ce jugement et à ce qu'il soit fait droit à leurs conclusions à fin de constatation de l'achèvement de leur mission de maîtrise d'œuvre et à fin de condamnation de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo au versement d'une somme de 62 991,90 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation, doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présente instance ait généré des dépens, de sorte que les conclusions de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo tendant à ce que les dépens soient mis à la charge des sociétés appelantes doivent être rejetées.

15. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par les sociétés " Auer Weber Assoziierte ", " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie ", au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à ce titre à la charge de ces dernières le versement à la communauté d'agglomération Douaisis Agglo d'une somme de 750 euros chacune.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés " Auer Weber Assoziierte ", " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie " est rejetée.

Article 2 : Les sociétés " Auer Weber Assoziierte ", " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", " Atelier Villes et Paysages " et " Betom Ingénierie " verseront à la communauté d'agglomération Douaisis Agglo une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la communauté d'agglomération Douaisis Agglo est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'architectes " Auer Weber Assoziierte ", à la société à responsabilité limitée " Coldefy et associés - Architectes urbanistes ", à la société par actions simplifiée unipersonnelle " Atelier Villes et Paysages ", à la société par actions simplifiée " Betom Ingénierie " et à la communauté d'agglomération Douaisis Agglo.

Délibéré après l'audience publique du 12 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA01154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01154
Date de la décision : 09/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-09;22da01154 ?
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