Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mars 2020 et 25 janvier 2021, la société Cholet AF Extension, représentée par Me Renaux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le maire de Cholet a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour un projet d'extension de 10 864 m² de la surface de vente de l'ensemble commercial " L'autre faubourg ", situé au sein du parc d'activités de l'Ecuyère, afin de porter sa surface de vente totale à 33 860 m² ;
2°) d'enjoindre au maire de Cholet de lui délivrer le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un nouvel avis dans le même délai de deux mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sa requête est recevable ;
l'arrêté portant refus de permis de construire est illégal pour être insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;
l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé pour être laconique et stéréotypé ;
l'avis de la Commission est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle a entendu l'association " Cholet Vitrines " alors que son recours a été jugé irrecevable ;
s'agissant de l'objectif de l'aménagement du territoire, les motifs retenus par la commission nationale et tirés de la localisation du projet et de son intégration urbaine, de l'animation de la vie urbaine, des flux de circulation automobiles et des flux de transport ainsi que de l'accessibilité du site par les transports collectifs et les modes de déplacement doux sont entachés d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation ;
s'agissant de l'objectif de développement durable, le motif tiré de l'imperméabilisation des sols est entaché des mêmes vices en ce qu'il est retenu que le projet porterait atteinte à l'habitat écologique et qu'il aurait pour effet une consommation excessive de l'espace alors que, contrairement à ce qu'a retenu la Commission, des mesures compensatoires sont bien prévues pour limiter l'impact du projet sur l'imperméabilisation des sols ;
ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dirigées contre l'Etat sont recevables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
la requête de la société Cholet AF Extension est irrecevable faute pour la société d'établir son existence juridique et, par suite, sa capacité à agir en justice ;
elle n'a commis aucune erreur de droit ou de fait de nature à entacher son avis d'irrégularité ; elle n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L.752-6 du code de commerce ;
les conclusions de la société requérante tendant à ce qu'il soit mis une somme de 8 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables dès lors que la décision ayant été prise au nom de la commune, l'Etat n'est pas partie à l'instance.
Par un mémoire en observations, enregistré 3 décembre 2020, la commune de Cholet, représentée par Me Blin, demande à la cour de faire droit à la requête de la société Cholet AF Extension.
Elle soutient que :
le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté de refus de permis de construire est inopérant ;
les autres moyens de la requête de la société Cholet AF Extension sont fondés.
Par un arrêt n° 20NT00862 du 26 février 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du maire de Chollet du 9 janvier 2020 et enjoint à la CNAC de procéder à un nouvel examen du dossier dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Par une décision n° 451688 du 7 octobre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 22NT03263.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2022, la commune de Cholet, représentée par Me Blin, conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures.
Par un mémoire, enregistré le 6 janvier 2023, la société Cholet AF Extension, représentée par Me Renaux, conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens, sauf en ce qui concerne sa demande d'injonction à titre subsidiaire à l'égard de la CNAC, dont elle porte le délai d'exécution à un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me de Cirugeda, substituant Me Renaux, pour la société Cholet AF Extension et de Me Blin pour la commune de Cholet.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cholet AF Extension a déposé le 7 juin 2019, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour un projet d'extension de l'ensemble commercial dit " L'autre faubourg ", situé au sein du parc d'activités de l'Ecuyère au Nord-Est de la commune de Cholet, par création de dix cellules de plus de 300 m² et deux cellules de plus de 1 000 m², représentant une surface totale de vente supplémentaire de 10 864 m², la faisant passer ainsi de 22 996 m² à 33 860 m². La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de Maine-et-Loire a émis, le 16 juillet 2019, un avis favorable à ce projet. Saisie par l'association Cholet Vitrines et le préfet de Maine-et-Loire de deux recours distincts contre cet avis, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a, lors de sa séance du 7 novembre 2019, déclaré irrecevable le recours formé par l'association, admis celui formé par le préfet et a émis un avis défavorable sur le projet porté par la société Cholet AF Extension. Par un arrêté du 9 janvier 2020, le maire de Cholet, prenant acte de cet avis défavorable, a refusé de délivrer le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Cholet AF Extension a demandé à la cour d'annuler cet arrêté. Par un arrêt du 26 février 2021, la cour a fait droit à sa demande. Par une décision du 28 mars 2022, sur recours en cassation du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la CNAC, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la CNAC :
2. Aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes ; (...) ". Aux termes de l'article R. 752-5 du même code : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale précise la qualité en laquelle le demandeur agit et la nature du projet. (...) ".
3. La société Cholet AF Extension produit, dans la présente instance, l'extrait K bis la concernant. Par suite, la CNAC n'est pas fondée à soutenir que la société Cholet AF Extension ne dispose d'aucune personnalité juridique lui donnant capacité à agir en justice.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. ". Aux termes de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, le permis de construire ne peut être délivré en cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ".
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme, que le maire de Cholet ayant compétence liée pour refuser le permis de construire sollicité dès lors que la CNAC avait émis un avis défavorable au projet, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté est inopérant.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-38 du code de commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions ". Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables.
7. La CNAC, après avoir cité les dispositions des articles R. 752-32 et R. 752-36 du code de commerce sur lesquelles elle fonde son avis, a décrit la situation de la commune de Cholet au regard du commerce ainsi que les caractéristiques principales du projet et sa localisation. Elle retient que ce projet, en renforçant un pôle d'attraction commerciale de périphérie situé à 4,5 kilomètres du centre-ville, contribuera à accentuer le processus de dévitalisation urbaine et commerciale du centre de Cholet et est de nature à priver substantiellement de leurs effets les diverses politiques publiques mises en œuvre localement pour rééquilibrer le tissu commercial du territoire dans lequel il doit s'implanter. Elle précise, en outre, que le pétitionnaire n'avait pas présenté d'éléments permettant d'établir quelle sera la contribution du projet à l'animation, à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de Cholet. La Commission indique, par ailleurs, qu'en raison d'une incompatibilité entre les données retenues dans l'étude d'impact sur le trafic moyen journalier constaté sur l'avenue d'Angers et celles fournies par le conseil départemental de Maine-et-Loire telles que retranscrites par les services de la direction départementale des territoires de Maine-et-Loire, et eu égard à la nature du projet, celui-ci est susceptible de provoquer des engorgements en certaines périodes de la semaine et de l'année sur les giratoires proches. Elle note également que les quartiers les plus proches étant situés à 850 mètres du projet, la fréquentation par les modes de transport doux par ses habitants s'en trouvera limitée, ce qui entraînera un usage prépondérant de la voiture pour accéder au site. Enfin, la Commission relève que l'opération devant s'implanter sur un terrain non artificialisé avec un reste de structure bocagère et la présence de milieux humides abritant des reptiles, des amphibiens et des espèces d'oiseaux protégées, cet habitat écologique sera détruit par le projet qui, en outre, sera fortement consommateur d'espaces. Ce faisant, la CNAC a suffisamment motivé son avis.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce : " La commission nationale peut recevoir des contributions écrites. / La commission nationale entend toute personne qui en fait la demande écrite au secrétariat, en justifiant les motifs de son audition, au moins cinq jours avant la réunion. / Sont dispensés de justifier les motifs de leur audition : l'auteur du recours devant la commission nationale, le demandeur, le membre de la commission départementale d'aménagement commercial mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 752-19, le maire de la commune d'implantation, le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont est membre la commune d'implantation et le président de l'établissement public compétent en matière de schéma de cohérence territoriale dont est membre la commune d'implantation. / La commission nationale peut entendre toute autre personne qu'elle juge utile de consulter. Elle peut entendre en deux groupes distincts les personnes défavorables et favorables au projet (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du 7 novembre 2019, que bien que la CNAC ait considéré que le recours de l'association Cholet Vitrines était irrecevable faute de communication au pétitionnaire de ce recours, elle a décidé de l'auditionner dans le cadre du recours du préfet de Maine-et-Loire contre le même avis du 16 juillet 2019 de la CDAC, afin de lui permettre d'apporter toutes précisions orales et fournir des informations sur la situation des commerçants du centre-ville de la commune d'implantation du projet comme elle avait sollicité de pouvoir le faire, sans que son recours ne soit pris en compte ni analysé. Il résulte des dispositions précitées du code de commerce que la CNAC pouvait entendre l'association Cholet Vitrines dans ce cadre, quand bien même son recours était irrecevable, comme elle l'a constaté aux termes de son avis du 7 novembre 2019. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'avis contesté est entaché d'un vice de procédure ne peut être qu'écarté.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
10. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine./ Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".
11. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.
S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :
12. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Cholet AF Extension, qui porte sur la surface de vente conséquente de 10 864 m², est implanté à seulement 4,5 kms du centre-ville de Cholet, commune qui a connu un recul de sa population de 1,67% entre 2006 et 2016, qui enregistre un taux de vacance commerciale de plus de 15% et a fait l'objet de divers dispositifs d'aide publique, comme son inclusion dans le plan " Action Cœur de ville " et des contributions du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) depuis 2008, avec notamment 207 212 euros alloués entre 2012 et 2014 et une décision d'attribution de 28 134 euros le 8 mars 2017. A cet égard, le ministre chargé de l'urbanisme a estimé, dans son avis défavorable du 6 novembre 2019, que " La zone de l'Ecuyère est un pôle d'attraction commerciale de périphérie. Ce projet d'extension contribuera à le renforcer et accentuer le processus de dévitalisation urbaine et commerciale du centre de Cholet. " tandis que celui chargé du commerce, dans son avis défavorable du 31 octobre 2019, a considéré que " Le projet n'aura pas d'effet positif pour le centre urbain de Cholet, car il contribuera à renforcer ce pôle d'attraction commercial de périphérie et à accentuer le processus de dévitalisation urbaine et commerciale du centre de Cholet ... ". Ce constat est corroboré par l'avis défavorable de la chambre de commerce et d'industrie du 26 juillet 2019 qui expose que " l'augmentation continue des surfaces de vente s'effectue au profit des zones commerciales localisées en périphérie alors que le commerce de proximité en centralité, et plus précisément en centre-ville est particulièrement touché et diminue au fil du temps. A Cholet, le centre-ville commerçant se trouve réellement fragilisé avec le risque de se retrouver prochainement exsangue. Le développement des zones commerciales périphériques contribue à son dépérissement... ", quand bien même il ressort des pièces du dossier que le taux de vacance dans le périmètre du cœur de ville est sensiblement plus faible que sur l'ensemble de la commune et de son centre-ville et que l'offre de périphérie répond à une demande qui n'est pas ou ne peut être assurée dans ce centre-ville.
13. Il ressort certes des pièces du dossier que le projet, en continuité du tissu urbain de Cholet, le long d'un axe routier structurant, est de nature à limiter l'évasion commerciale vers d'autres agglomérations telles qu'Angers et Nantes et à répondre aux besoins d'un bassin de vie de l'ordre de 250 000 habitants. Toutefois, en se bornant à faire valoir qu'elle fait partie d'un groupe qui réalise d'importants investissements immobiliers contribuant à dynamiser le centre-ville de Cholet, circonstance inopérante au regard des critères légaux mentionnés aux points 10 et 11, la société Cholet AF Extension n'établit pas la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation. Dans ces conditions, la CNAC a pu, sans être tenue de demander à la société Cholet AF Extension de compléter sa demande, qui était suffisante sur ce point pour lui permettre de se prononcer, et sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que le projet ne contribue pas à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et faire un bilan négatif de son effet sur l'animation de la vie urbaine.
14. En outre, le projet qui porte sur une surface de vente de 10 864 m² à implanter sur des espaces non artificialisés à ce jour est peu économe de l'espace, alors même que des efforts ont été faits pour limiter l'emprise du parc de stationnement (parking en silo, mutualisation...) comme l'a constaté la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Maine-et-Loire, qui a estimé dans son avis défavorable qu'à " l'échelle de la totalité de l'équipement (existant et à venir), l'offre semble surdimensionnée par rapport au centre commercial ... ".
15. Toutefois, si la CNAC, sur la base de l'analyse produite par la DDTM, a mis en cause le caractère probant de l'étude des flux de circulation réalisée, pour son compte, par le cabinet Btrafic et estimé que le projet était susceptible, à certaines périodes de la semaine et de l'année, de provoquer des engorgements et conduire à terme à une saturation du trafic, la société Cholet AF Extension produit une étude d'un autre cabinet qui confirme le niveau moyen de circulation relevé dans cette première étude. Le caractère probant de ces études n'est pas sérieusement remis en cause par la seule référence faite par la CNAC à l'avis de la DDTM renvoyant aux relevés effectués par les services du département de Maine-et-Loire sur le même site et dont l'analyse reste imprécise et peu circonstanciée. Il en résulte que les deux giratoires qui desservent le projet pourront absorber le surplus de circulation que ce dernier génère. Le rapport Btrafic produit conclut à un trafic relativement dense sur les giratoires mais compatible avec un écoulement fluide de la circulation aux heures de pointe du fait d'un large dimensionnement des ouvrages en présence. En outre, le projet porte, sur une extension limitée d'une zone commerciale existante, qui est desservie par un axe majeur de circulation, et les ronds-points bénéficient d'un niveau de réserve des capacités de 46%. Dans ces conditions, alors même que la zone commerciale dans laquelle s'inscrit le projet a pour objectif de limiter l'évasion commerciale vers les communes d'Angers et de Nantes, la Commission a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en retenant le motif tiré de ce qu'en certaines périodes de la semaine et de l'année, le projet est susceptible de faire apparaître des engorgements du fait de la concentration des fonctions routières d'entrée de ville et de dessertes commerciales et artisanales sur les giratoires proches de nature à entraîner, à terme, une saturation du trafic aux alentours du site du projet.
16. Enfin, il ressort des pièces du dossier, comme l'ont au demeurant souligné dans leurs avis les ministres en charge de l'urbanisme et du commerce, que le site est desservi par une ligne de bus et que plusieurs arrêts sont situés à proximité immédiate ou à 250 mètres avec une fréquence correcte d'un passage toutes les quinze minutes en semaine et toutes les trente minutes le samedi. Le site est, par ailleurs, accessible par voies piétonnes sécurisées et piste cyclable. La société Cholet AF Extension est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission a retenu que le projet serait de nature à compromettre les objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qu'il tendrait à favoriser l'usage de la voiture et à limiter la fréquentation des modes de transport doux du fait que les quartiers d'habitation les plus proches sont situés à environ 850 mètres du projet.
17. Il résulte de l'instruction que la CNAC aurait rendu le même avis défavorable en se fondant sur les seuls critères relatifs à la consommation économe de l'espace, à l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine et sa contribution à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la CNAC a commis une erreur d'appréciation en considérant que son projet portera atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant de l'objectif de développement durable :
18. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande a été produite une étude écologique réalisée par la société ARP-Astrance du fait que le site d'implantation est susceptible de présenter des potentialités écologiques en raison de la proximité de deux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), l'une de type 1 " Etang des Noues ", l'autre de type II " Massif forestier de Nuaille-Chanteloup ", situées à 1,2 kilomètre de la zone d'étude. Selon cette étude, aucun habitat ou espèce végétale remarquable n'a été recensé sur le site. Si le projet va conduire à la destruction d'environ 5 000 m2 de surfaces arborées et arbustives, ses impacts sur les habitats et la flore demeureront faibles dans la mesure où les lisières seront traitées avec des arbres et arbustes d'essences locales sélectionnées afin de maximiser le potentiel écologique du traitement paysager et il ressort des pièces du dossier que 8 430 m² d'espaces verts seront aménagés, 246 places de stationnement seront en revêtement perméable et 2 977 m² de panneaux photovoltaïques seront installés en toiture. Par ailleurs, le site abrite une diversité en espèces avifaunistiques relativement faible même si a été notée la présence d'espèces protégées telles que le verdier d'Europe, le troglodyte mignon et le rougegorge familier. Si le projet entraînera la destruction d'habitats de nourrissage, de refuge et de sites potentiels de nidification, son impact sur les populations avifaunistiques fréquentant le site sera néanmoins limité du fait des mesures de réduction tenant à un phasage des travaux, au traitement paysager et à la mise en place de nichoirs adaptés aux espèces recensées envisagées. Si trois espèces de mammifères ont été identifiées, aucune ne bénéficie d'une protection particulière. Si le lézard des murailles ainsi que, aux abords du bassin de rétention situé au Sud du site, plusieurs individus de grenouilles communes ont été recensés, qui sont des espèces protégées au niveau national, les impacts du projet les concernant seront nuls avec la mise en place de pierriers pour les reptiles et de protections type filet géotextile pour les batraciens afin d'éviter leur dispersion. Le pétitionnaire s'étant engagé à mettre en œuvre les mesures compensatoires mentionnées dans l'étude, il ne ressort pas des pièces du dossier que si le projet doit s'implanter sur un terrain non artificialisé avec un reste de structure bocagère et une zone humide abritant des reptiles, des amphibiens et des espèces d'oiseaux protégées, il soit de nature à porter atteinte à l'habitat écologique. Par suite, la CNAC a commis une erreur d'appréciation en considérant que la qualité environnementale du projet était insuffisante.
19. Enfin, si la CNAC soutient devant la cour que le projet semble " contredit par la conception même de l'ensemble commercial, conception circulaire qui le recentre sur lui-même et sur un parc de stationnement ", eu égard à la création des espaces verts mentionnée au point précédent et en l'absence de tout caractère remarquable des alentours, il ne ressort pas des pièces du dossier que son insertion paysagère et architecturale soit insatisfaisante.
20. Par suite, la CNAC a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet de la société Cholet AF Extension portera atteinte à l'objectif de développement durable mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce.
21. Il résulte de tout ce qui précède, dès lors que le projet contesté compromet la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire énoncé par la loi, que la CNAC pouvait légalement, pour ce motif et dans le cadre de l'appréciation globale qui lui incombe, émettre un avis défavorable sur ce projet. Par suite, la requête de la société Cholet AF Extension doit être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
22. Les conclusions présentées par la société Cholet AF Extension au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors qu'elle a la qualité de partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Cholet AF Extension est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cholet AF Extension, à la commune de Cholet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au préfet de Maine-et-Loire en ce qui les concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03263