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29/12/2023 | FRANCE | N°23TL00786

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 23TL00786


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2205800 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa dema

nde.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2205800 du 14 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril et 1er septembre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Barbot-Lafitte, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la procédure pénale était achevée à la date à laquelle le préfet s'est prononcé sur sa demande alors qu'elle n'a jamais été destinataire de l'avis de classement sans suite, intervenu le 10 août 2021, de sa plainte pour des faits de proxénétisme déposée le 12 mars 2021 auprès du commissariat de police de Toulouse de sorte que la procédure pénale pour les faits de proxénétisme qu'elle a dénoncés était toujours en cours ;

- sa plainte pour proxénétisme aggravé contre son ancienne proxénète a été rouverte à la suite du recours motivé qu'elle a exercé devant le procureur général près la cour d'appel de Toulouse, sur le fondement de l'article 40-3 du code de procédure pénale, contre la décision prononçant son classement sans suite et cette procédure pénale a fait l'objet d'une jonction avec l'enquête du chef de menaces de mort pendante devant le parquet de Bobigny, désormais en charge de sa plainte du fait du lieu de résidence de la mise en cause, ce qui emporte le dessaisissement du parquet de Toulouse ;

- cette circonstance l'a conduite à solliciter l'abrogation de l'arrêté en litige ainsi que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la jonction ainsi opérée des deux enquêtes, qui ne constitue qu'une simple mesure d'administration judiciaire destinée à respecter les règles de compétence territoriale prescrivant la transmission des enquêtes vers le parquet du lieu de résidence de la personne mise en cause en application de l'article 43 du code de procédure pénale, n'emporte pas l'absorption d'une qualification pénale au profit de l'autre de sorte que l'enquête est désormais instruite des chefs de proxénétisme et de menaces de mort commis à son encontre par son ancienne proxénète ;

- l'enquête pour proxénétisme aggravé est toujours en cours ainsi que cela ressort du courrier du procureur général près la cour d'appel de Toulouse du 12 juillet 2023 et elle a été de nouveau menacée sur les réseaux sociaux par sa proxénète, sa mère résident au Nigéria ayant également fait l'objet de menaces et d'actes de vandalisme dans son commerce à l'initiative de celle-ci ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 et 23 août 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures et en se référant également à ses écritures de première instance, d'une part, que la procédure pénale dont se prévaut Mme B... ne porte que sur le chef de menaces de mort, infraction n'entrant pas dans le cadre des infractions limitativement fixées à l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, que les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 4 octobre 2023.

Par une ordonnance du 4 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- et les observations de Me David, substituant Me Barbot-Lafitte, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, née le 22 juin 1994, déclare être entrée sur le territoire français le 10 janvier 2016. Sa demande d'asile, présentée le 25 mai 2016, a été définitivement rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 juillet 2017. Par un arrêté du 29 janvier 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français. La première demande de réexamen de sa demande d'asile, présentée le 25 septembre 2020, a été rejetée par une décision de l'Office du 30 septembre suivant, confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 22 janvier 2021. La seconde demande de réexamen de sa demande d'asile, présentée le 22 octobre 2021, a été rejetée par une décision de l'Office du 21 décembre 2021, confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 22 avril 2022. Le 6 mai 2021, Mme B... a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de sa qualité d'étranger victime de faits constitutifs de l'infraction de proxénétisme. Le préfet de la Haute-Garonne lui a délivré un titre de séjour temporaire valable du 9 juin 2021 jusqu'au 8 juin 2022 sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle a sollicité le renouvellement, le 9 mai 2022. Par un arrêté du 8 septembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun à l'arrêté en litige :

2. Mme B... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 3 du jugement attaqué.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 40-2 du code de procédure pénale : " Le procureur de la République avise les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, ainsi que les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement. / Lorsque l'auteur des faits est identifié mais que le procureur de la République décide de classer sans suite la procédure, il les avise également de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient ". L'article 40-3 de ce code dispose que : " Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut, dans les conditions prévues à l'article 36, enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. S'il estime le recours infondé, il en informe l'intéressé ". L'article 10-2 du même code, dispose, dans sa rédaction applicable à la date du dépôt de plainte de l'appelante, que : " Les officiers et les agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit : / 1° D'obtenir la réparation de leur préjudice, par l'indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s'il y a lieu, une mesure de justice restaurative ; / 2° De se constituer partie civile soit dans le cadre d'une mise en mouvement de l'action publique par le parquet, soit par la voie d'une citation directe de l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou d'une plainte portée devant le juge d'instruction ; / 3° D'être, si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées d'un avocat qu'elles peuvent choisir ou qui, à leur demande, est désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge des victimes sauf si elles remplissent les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ou si elles bénéficient d'une assurance de protection juridique (...) ".

5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour précédemment délivré à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur le motif tiré de ce que la plainte déposée, le 12 mars 2021, auprès du commissariat central de police de Toulouse pour des faits de proxénétisme aggravé commis à Toulouse en 2017 a été classée sans suite. Il ressort des pièces du dossier que la première plainte déposée par Mme B..., le 12 mars 2021, des chefs de menaces de mort et de proxénétisme aggravé, a donné lieu à un soit transmis du 26 juillet 2021 par lequel la brigade de répression de la délinquance astucieuse de la sûreté départementale de Toulouse, en charge de l'examen de sa plainte, a transmis la procédure mettant en cause une femme pour des faits de proxénétisme aggravé et menaces de mort commis à Paris et au Nigéria entre 2015 et le mois de novembre 2020 à la section proxénétisme du tribunal judiciaire de Toulouse pour éventuelles suites à donner en mentionnant que la mise en cause était inconnue des fichiers de police et qu'un classement sans suite de l'affaire avait été demandé suivant le motif de la rubrique 71 de la nomenclature de classement sans suite correspondant au motif " auteur inconnu ". La réalité de ce classement sans suite est corroborée par les pièces du dossier, en particulier par la fiche du parquet de Toulouse du 10 août 2021 classant sans suite sa plainte au motif que l'auteur de l'infraction était inconnu. Il ressort également des pièces du dossier, d'une part, que Mme B..., a déposé une nouvelle plainte, cette fois-ci du chef de menaces de mort, contre la même personne qu'elle accuse d'être sa proxénète et, d'autre part, que par un courrier du 19 décembre 2022, son conseil saisi le procureur général près la cour d'appel de Toulouse d'un recours, sur le fondement de l'article 40-3 du code de procédure pénale, tendant à contester la décision du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulouse de classer sans suite sa première plainte du 12 mars 2021. En réponse à ce recours, le procureur général près la cour d'appel de Toulouse a, par une lettre du 12 juillet 2023, informé le conseil de l'appelante qu'après vérifications, il était apparu qu'une procédure pénale était pendante, devant le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis), du chef de menaces de mort à l'encontre de la même personne de sorte que la procédure initiée à Toulouse fera l'objet d'un dessaisissement au profit du parquet de Bobigny en raison du lieu de commission des faits et du lieu de résidence de la mise en cause, aux fins de jonction avec l'enquête en cours dans ce département.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il doit être tenu pour établi que Mme B... a déposé une plainte pour proxénétisme aggravé à l'encontre de la personne qu'elle présente comme sa proxénète au plus tôt le 12 mars 2021. Toutefois, la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle elle n'a pas été informée des suites réservées à sa première plainte est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors que sa plainte avait, en tout état de cause, fait l'objet d'un classement sans suite le 10 août 2021, soit bien avant le 8 septembre 2022, date à laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, si l'intéressé soutient avoir déposé une nouvelle plainte du chef de menaces de mort à l'encontre de sa proxénète le 18 novembre 2022, cet élément, postérieur à la décision en litige, est sans incidence sur sa légalité. Dès lors que le classement sans suite de la plainte déposée par Mme B... était effectif à la date de l'arrêté en litige, ce qui a mis un terme à la procédure judiciaire en cours, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date à laquelle il a refusé le renouvellement du titre de séjour de Mme B..., décision dont la légalité doit être appréciée à la date de son édiction. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal dressé lors de son premier dépôt de plainte que l'intéressée a été expressément informée des dispositions précitées de l'article 10-2 du code de procédure pénale lui donnant droit de citer directement l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou de porter plainte devant le juge d'instruction. De même, et en l'état des informations portées à la connaissance de la cour à la date du présent arrêt, dès lors que l'instruction de sa plainte par le parquet de Bobigny est susceptible de constituer un changement de circonstance de fait et de droit dans sa situation, il est, en tout état de cause, loisible à Mme B..., si elle s'y croit fondée, de solliciter à nouveau la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, le cas échéant, de saisir le tribunal administratif compétent, en la forme des référés, d'une demande tendant à la suspension de son éloignement.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme B... indique avoir désormais établi le centre de ses intérêts en France. Elle soutient résider en France depuis sept ans en présence de son jeune fils, né le 14 juin 2022. Elle se prévaut, en outre, de sa forte volonté d'intégration socio-professionnelle à travers le suivi de cours de français, l'obtention d'un logement à Toulouse nonobstant son long et difficile parcours de victime d'un réseau de prostitution dont elle a su se distancier afin de fonder une famille et trouver un emploi en qualité d'agent de nettoyage. Toutefois, par ces éléments, qui sont peu étayés, Mme B... ne démontre pas, en dehors de la seule présence de son enfant, l'intensité et la stabilité des liens privés et familiaux développés en France alors qu'elle a vécu au Nigéria la majeure partie de sa vie, jusqu'à l'âge de 28 ans, pays où réside sa mère. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France en premier lieu, en vue d'y solliciter l'asile et qu'elle s'y est maintenue en dépit du rejet définitif de sa demande d'asile et des différentes demandes de réexamen de sa demande de protection internationale dans les conditions rappelées au point 1 et qu'elle a fait l'objet d'une mesure précédente mesure d'éloignement en 2018 à laquelle elle n'a pas déféré. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 8, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence illégale, ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 9 et 10, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence illégale, ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ". Les conditions de son entrée en France et les risques, au demeurant non étayés, dont fait état Mme B... en cas de retour au Nigéria ne constituent pas une circonstance suffisante de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante aurait informé les services préfectoraux de tout élément lui paraissant approprié concernant sa situation personnelle en sollicitant, le cas échéant, la prolongation du délai de départ volontaire pour une durée appropriée. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en accordant à Mme B... le délai de départ volontaire de droit commun de trente jours pour organiser son départ.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme B... soutient qu'elle encourt des persécutions en cas de retour au Nigéria, pays qu'elle indique avoir été contrainte de fuir précipitamment pour échapper à ses bourreaux dans lequel elle a subi une excision. Elle indique être exposée, ainsi que sa famille, à des représailles pour avoir fui un réseau de prostitution. Toutefois, par ces éléments, l'intéressée ne se prévaut d'aucune autre circonstance précise et circonstanciée, autre que celles dont elle a déjà fait part aux autorités en charge de l'asile qui ont été, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, saisies à plusieurs reprises de sa demande de protection internationale, de nature à établir qu'elle était, à la date de la décision en litige, personnellement exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements contraires à ces stipulations tandis que, ainsi qu'il a été dit, sa demande d'asile a été rejetée de manière définitive. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant le pays à destination duquel Mme B... est susceptible d'être éloignée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 8 septembre 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00786
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BARBOT - LAFITTE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23tl00786 ?
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