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29/12/2023 | FRANCE | N°23TL00710

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 23TL00710


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de la mesure d'éloignement.



Par une ordonnance n° 2206044 du 5 janvier 2023, le pré

sident de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de la mesure d'éloignement.

Par une ordonnance n° 2206044 du 5 janvier 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2023, M. B..., représenté par Me Labro, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 5 janvier 2023 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que les moyens soulevés au soutien de sa demande n'étaient pas assortis de précisions suffisantes ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas sérieusement examiné sa situation avant de prendre cet arrêté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur de droit, en raison de ce qu'il est titulaire d'une carte de résident en Espagne et ne peut donc être reconduit vers son pays d'origine ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est, dans son principe, entachée d'une erreur d'appréciation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle retient une durée d'interdiction d'une année.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 24 avril 1978, est entré sur le territoire français le 19 décembre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français, en conséquence de son mariage avec une ressortissante française le 17 novembre 2018. Il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " du 6 juillet 2020 au 6 juillet 2022. Cependant, par arrêté du 12 septembre 2022 le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler ce titre de séjour et a assorti ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours, d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant une durée d'un an et d'une décision fixant le pays de destination.

2. M. B... relève appel de l'ordonnance du 5 janvier 2023 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".

4. L'ordonnance attaquée a rejeté la demande de M. B... sur le fondement des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1, au motif que les moyens de cette demande n'étaient assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Cependant, si, effectivement, les moyens dirigés à l'encontre de l'arrêté litigieux n'étaient pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, s'agissant des moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen et de l'erreur de droit articulés à l'encontre de l'ensemble des décisions que comporte cet arrêté, ainsi qu'en ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français, il n'en allait pas de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, à l'appui duquel était invoquée la possession d'une carte de résident longue durée-CE. Dans ces conditions, c'est à tort que le premier juge a rejeté comme irrecevable, sur le fondement précité, la demande de M. B... en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi. L'ordonnance attaquée doit, en conséquence, être annulée dans cette mesure.

5. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2022 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'il fixe le pays de renvoi et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de l'intéressé.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

6. Aux termes de l'article L. 700-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent livre détermine les règles d'exécution : /1° Des décisions portant obligation de quitter le territoire français ; l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 711-2 du même code dispose : " Pour satisfaire à l'exécution d'une décision mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 700-1, l'étranger rejoint le pays dont il a la nationalité ou tout pays, autre qu'un État membre de l'Union européenne, la République d'Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège ou la Confédération suisse, dans lequel il est légalement admissible ". Enfin, aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : /1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; /3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible ".

7. Il résulte des travaux parlementaires de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France que le dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, repris à l'article L. 711-2 précité, transposant la directive " Retour " 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, a été adopté afin de reprendre la définition de la " décision de Retour " telle qu'elle résulte de ladite directive et de ne permettre à l'administration, lorsqu'elle entend obliger un ressortissant d'un pays tiers à quitter le territoire français, que de fixer comme pays de destination de cette mesure particulière d'éloignement le pays d'origine de l'étranger ou tout pays, autre qu'un État membre de l'Union européenne, la République d'Islande, la Principauté du Liechtenstein, le Royaume de Norvège ou la Confédération suisse, dans lequel il est légalement admissible, à l'exception du cas où l'étranger est accompagné d'un enfant mineur ressortissant d'un État membre et dont il assure seul la garde effective. Les dispositions de l'article L. 721-4 qui portent sur l'ensemble des mesures d'éloignement prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent, au demeurant, pas être lues comme remettant en cause la volonté du législateur, exprimée par la rédaction précitée du premier alinéa de l'article L. 711-2, d'aligner le champ de l'obligation de quitter le territoire français d'un ressortissant d'un État tiers sur celui de la " décision de Retour " définie par la directive " Retour ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est titulaire d'une carte de résident délivrée par les autorités espagnoles et valable jusqu'au 18 mai 2025. Cependant, l'Espagne étant un État membre de l'Union européenne, le préfet n'était pas tenu, en l'absence, du reste, d'une demande en ce sens de l'intéressé, d'examiner s'il y avait lieu de reconduire en priorité ce dernier vers cet État ou de l'y réadmettre. Dans ces conditions et en tout état de cause, les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi doivent être rejetées.

Sur les autres décisions que comporte l'arrêté litigieux :

9. Ainsi qu'il a été exposé au point 4, si M. B... a sollicité l'annulation des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, cette demande ne reposait que sur des moyens dépourvus de toute précision. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge l'a rejetée comme irrecevable.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, contenues dans l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 septembre 2022.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : L'ordonnance du 5 janvier 2023 est annulée en tant qu'elle rejette comme irrecevable la demande d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, contenue dans l'arrêté du 12 septembre 2022 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00710
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : LABRO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23tl00710 ?
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