Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2203813 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, Mme B... A..., représentée par Me Coupard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, au besoin, sous astreinte et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation dès lors qu'elle a également sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les articles 3 et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 8 février 2023.
Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 13 février 1996, déclare être entrée sur le territoire français le 9 avril 2016. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 novembre 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 juin 2017. La demande de réexamen de sa demande d'asile, présentée le 10 juillet 2017, a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de l'Office du 17 juillet 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 septembre 2017. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français. La nouvelle demande de réexamen de sa demande d'asile, présentée le 23 juillet 2019, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2019. Le 20 septembre 2018, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité de ressortissante étrangère victime de la traite des êtres humains. Le préfet de l'Hérault lui a délivré un titre de séjour temporaire sur le fondement des dispositions désormais codifiées à l'article 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 20 septembre 2018 au 19 septembre 2019, renouvelé jusqu'au 19 septembre 2021. Le 18 octobre 2021, Mme A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 22 avril 2022, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Mme A... se prévaut de son entrée en France depuis plus de cinq ans à la date de la décision en litige, de son installation à Montpellier où elle est accompagnée depuis le mois de septembre 2018 par l'association l'Amicale du Nid dans le cadre du parcours de sortie du circuit prostitutionnel dans lequel elle s'est engagée. Elle soutient, en outre, s'être engagée dans une démarche d'insertion socio-professionnelle à travers le suivi d'une formation dans le secteur de la restauration et indique poursuivre son apprentissage de la langue française dans le cadre de son inscription au sein d'une école de la deuxième chance. L'intéressée précise, enfin, avoir fui sa proxénète en déposant une plainte auprès des services de police ce qui l'expose à une prise de risque importante. Toutefois, par ces éléments, l'appelante, qui se déclare célibataire, ne démontre pas l'ancienneté et l'intensité des liens qu'elle a développés en France où elle vit de manière précaire et isolée au regard de ceux conservés dans son pays d'origine où réside sa mère et dans lequel elle passé la majeure partie de son existence jusqu'à l'âge de 26 ans. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de la durée du séjour de l'intéressée en France, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".
5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour précédemment délivré à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur le motif tiré de ce que la plainte qu'elle a déposée des chefs de proxénétisme a été classée sans suite au mois de juillet 2021. Dès lors que le classement sans suite de la plainte déposée par Mme A... était effectif à la date de l'arrêté en litige, ce qui a mis un terme à la procédure judiciaire en cours, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à en refusant le renouvellement du titre de séjour détenu par Mme A....
6. En troisième lieu, il ressort du formulaire souscrit par Mme A... en préfecture, que sa demande de séjour était fondée à la fois sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur celles de l'article L. 423-23 du même code ainsi qu'en atteste la mention " titre humanitaire exceptionnel / L. 435-1 du CESEDA " et le motif " vie privée et familiale " entouré par l'intéressée au sein de la rubrique " motif de la demande ". Eu égard aux textes visés et aux motifs contenus dans l'arrêté en litige, le préfet de l'Hérault n'a examiné la situation de l'appelante qu'au regard des seules dispositions des articles L. 423-23 et L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans examiner si l'intéressée pouvait se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour, ce fondement ne correspondant pas à la délivrance d'un titre de séjour pour motifs humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en s'abstenant d'examiner la possibilité d'admettre exceptionnellement au séjour Mme A..., le préfet de l'Hérault a entaché la décision d'une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 22 avril 2022. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... étant ainsi entachée d'illégalité, il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les décisions faisant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ". Faute d'avoir examiné le droit au séjour de Mme A... sur l'ensemble de ces fondements dont il était saisi, le préfet de l'Hérault ne pouvait légalement faire obligation à l'intéressée de de quitter le territoire français, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 22 avril 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
11. Eu égard aux motifs retenus par le présent arrêt et seuls susceptibles de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme A.... Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
12. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Coupard, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Coupard de la somme de 1 200 euros.
DÉCIDE:
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2203813 du 17 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de la situation de Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'État versera à Me Coupard une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Coupard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance de Mme A... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de l'Hérault, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Coupard.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00504