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29/12/2023 | FRANCE | N°23NC02297

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 29 décembre 2023, 23NC02297


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... E... et Mme A... B..., épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nancy, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 24 janvier 2023 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300589-2300590 du 4 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy, après l

es avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté leurs demandes.





Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... et Mme A... B..., épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Nancy, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 24 janvier 2023 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300589-2300590 du 4 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy, après les avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, M. et Mme E..., représentés par Me Lévi-Cyferman, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 4 avril 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 24 janvier 2023 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de leur situation administrative et, durant cette attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé et rédigé de manière stéréotypé ;

- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés tant en droit qu'en fait : leurs deux enfants qui sont scolarisés depuis quatre années en France ne sont pas mentionnés ; le préfet n'explique pas les motifs qui l'ont conduit à écarter les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les arrêtes contestés ne pouvaient pas être pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car la demande de titre de séjour déposée pour leur enfant mineur, en raison de son état de santé, était toujours en cours d'instruction ;

- le préfet de la Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen approfondi de leur situation personnelle ;

- la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respectée ;

- le signataire des arrêtés était incompétent ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée en n'examinant pas s'il y avait lieu de prolonger le délai de départ volontaire d'un mois ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de leur droit à être entendu ;

- les arrêtés contestés méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de titre de séjour sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et les décisions portant obligation de quitter le territoire français devront être annulées en conséquence de cette illégalité ;

- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 11 août 2023 et 13 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses premières écritures et soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants kosovars, sont entrés en France en janvier 2019, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 29 mai 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmées par des décisions du 4 novembre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Leurs demandes de réexamen ont été rejetées comme irrecevables par des décisions de l'OFPRA du 10 février 2020. A la suite de ces décisions, par deux arrêtés du 24 janvier 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront, le cas échéant, être reconduits. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu, avec une motivation suffisante et qui n'est pas stéréotypée, à l'ensemble des moyens soulevés par les requérants. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité des arrêtés préfectoraux contestés :

4. En premier lieu, les requérants reprennent dans des termes similaires les moyens tirés de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués, de l'insuffisance de leur motivation, de la méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, de la méconnaissance de leur droit à être entendu et du défaut d'examen approfondi de leur situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus aux points 3, 5, 4, 6, 7 et 8 par la première juge.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. ( ...)". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) ".

7. Si le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une mesure d'éloignement d'un étranger, y compris si un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour, il en va autrement lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.

8. Si les requérants font valoir qu'ils ont sollicité le 11 février 2021 un titre de séjour en raison de l'état de santé de leur fils et que le préfet ne pouvait donc pas prendre à leur encontre les arrêtés litigieux tant que cette demande était toujours en cours d'instruction, il résulte de ce qui vient d'être dit que le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne pouvait empêcher l'autorité préfectoral de prendre une mesure d'éloignement. Par ailleurs et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré dans son avis du 2 juin 2022 que si l'état de santé de leur enfant nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, les requérants ne remplissaient pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en raison de l'état de santé de leur fils. Ils ne sont donc, par suite, pas fondés à soutenir que le préfet ne pouvait pas prendre à leur encontre une décision d'éloignement sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

9. En troisième lieu, les requérants reprennent en appel les moyens invoqués en première instance tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus aux points 9, 10, 12 et 13, à juste titre, par la première juge.

10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, nonobstant les attestations de bonne intégration produites en appel, au regard de la durée et des conditions de séjour des requérants, qu'en prenant les mesures contestées, le préfet aurait apprécié de manière manifestement erronée la situation des requérants.

11. En cinquième lieu, la méconnaissance des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants à l'appui des conclusions d'annulation des arrêtés du 24 janvier 2023 qui ne comporte aucun refus de titre séjour. Par suite le moyen tiré de l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour est également inopérant.

12. En sixième lieu, les requérants reprennent en appel, sans apporter d'éléments nouveaux et dans des termes similaires le moyen tiré de ce que le préfet s'est estimé en compétence liée en fixant le délai de départ volontaire sans examiner la possibilité de le prolonger. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par la première magistrate au point 16 du jugement contesté.

13. En septième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

14. Si les requérants soutiennent qu'en cas de retour au Kosovo, ils seraient exposés à des traitements contraires à ces stipulations en raison des menaces et violences dont ils ont fait l'objet du fait des soupçons d'espionnage pesant sur un membre de la famille de M. E..., les éléments produits ne permettent pas d'établir la réalité des risques ainsi invoqués. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également leurs conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Mme A... B... épouse E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Levi-Cyferman.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition du greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S.RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. C...

2

N° 23NC02297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02297
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23nc02297 ?
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