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29/12/2023 | FRANCE | N°23NC00524

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 29 décembre 2023, 23NC00524


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2207773 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée

le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207773 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 août 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui remettre une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ou de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont répondu à un moyen qui n'était pas soulevé ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il n'a fait l'objet que d'une seule mesure d'éloignement en 2018 ;

- il est entaché d'un défaut d'examen au regard du travail ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la scolarisation de ses trois enfants et aux efforts d'intégration de la famille sur le territoire français ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus d'admission au séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant.

La requête a été transmise à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale de protection des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais (République du Congo) né le 5 juin 1989, déclare être entré en France le 15 mars 2016 afin de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre 2017. Par une demande du 3 janvier 2018, il a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé. Ce titre lui a été refusé par un arrêté du 19 octobre 2018 dont la légalité a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juillet 2019. Le 19 mars 2021, M. B... a demandé à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour. Par un arrêté du 16 août 2022, la préfète du Bas-Rhin a rejeté cette demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. B... il ne ressort pas du jugement attaqué que les premiers juges auraient répondu à un moyen qu'il n'avait pas soulevé relatif à une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. En tout état de cause, une telle erreur, à la supposer établie, serait sans incidence sur la régularité de ce même jugement.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :

3. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté en litige que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen individuel et personnalisé de la situation de M. B.... Ni la circonstance que la préfète n'ait pas visé les attestations de formation et la seconde promesse d'embauche transmises par l'intéressé dans un envoi complémentaire à sa demande de titre, ni le fait qu'elle aurait d'abord examiné sa situation au regard du travail puis au regard de sa situation familiale, n'est de nature à démontrer qu'elle n'a pas pris en compte l'intégralité de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si la préfète du Bas-Rhin a mentionné par erreur dans son arrêté que M. B... avait fait l'objet de deux mesures d'éloignement en 2017 et 2018 alors qu'il n'a été visé par une telle mesure qu'en 2018, il n'est pas démontré que cette erreur aurait eu une quelconque incidence sur le sens de la décision édictée par la préfète. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., est entré sur le territoire français en 2016 accompagné de son épouse et de leur premier enfant. Il est également père de deux autres enfants nés en France en 2016 et 2018. Il n'établit pas ni même n'allègue avoir, outre son épouse également en situation irrégulière et leur trois enfants, d'autres attaches familiales sur le territoire français alors qu'il ressort de sa déclaration de situation familiale qu'il a rempli le 18 décembre 2017 que ses parents ainsi que ses frères et sœurs sont présents au Congo, son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où son épouse, ressortissante du même Etat, et leurs enfants pourraient le suivre. Par ailleurs, ni la scolarisation de ses deux ainés, ni les deux promesses d'embauche dont il se prévaut pour deux postes différents, la seconde étant en outre conditionnelle, ne sont de nature à démontrer la réalité de son intégration dans la société française alors que la famille est dépourvue de ressources et hébergée par une association caritative. Si le requérant se prévaut de ses activités en tant que bénévole dans deux associations à Strasbourg et de sa maîtrise de la langue française, ces circonstances ne sont pas de nature à justifier qu'il aurait fixé en France le centre de ses intérêts personnels. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. B... en France, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

8. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B... est présent en France depuis 2016, ses deux ainés sont scolarisés en France et il exerce des activités en qualité de bénévole dans deux associations. Toutefois, en dépit de ses efforts d'intégration, il ne peut être regardé comme présentant des circonstances humanitaires justifiant qu'ils bénéficient à titre exceptionnel d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". D'autre part, les deux promesses d'embauches dont la première en qualité d'agent de production et la seconde en tant qu'échafaudeur et les deux attestations de formation d'une journée pour le travail en hauteur et le montage et le démontage d'échafaudage, ne sont pas à elles seules de nature à démontrer la réalité et l'effectivité de l'intégration professionnelle de l'intéressé alors qu'il ne fait pas état d'une expérience professionnelle préalable et que la seconde offre est conditionnée à l'obtention de son permis B. Dans ces conditions, M. B... ne fait pas état d'un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées justifiant qu'ils soient admis au séjour à titre exceptionnel en qualité de salarié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

10. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si M. B... fait valoir que ses deux ainés sont scolarisés en France, il n'est pas démontré, eu égard à leur jeune âge, qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Congo. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Congo, pays dont sont également ressortissant son épouse, cette décision qui n'implique en elle-même aucune séparation des enfants d'avec leurs parents ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

12. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au points 6 et 10, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale de protection des droits de l'enfant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Gangloff.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC00524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00524
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GANGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23nc00524 ?
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