Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2202560 du 6 mai 2022 le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 16 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Canadas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté du 14 avril 2022 est entaché d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'un défaut de motivation, ne comportant aucune référence à sa situation privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire est également affectée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, compte tenu du fait qu'il bénéficie d'attaches personnelles et familiales en France, alors qu'il serait au contraire totalement isolé en cas de retour en Algérie ;
-l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
-la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit au regard des critères de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée ;
-la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est entachée d'illégalité par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; cette décision n'est pas motivée et se trouve totalement disproportionnée au regard notamment de sa qualité de père d'un enfant français, que l'interdiction de retour sur le territoire, l'empêchera de voir alors que par ailleurs son comportement ne peut être regardé comme constituant une menace à l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 9 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de nationalité algérienne, né le 24 novembre 1992, est entré irrégulièrement en France, selon lui au cours de l'année 2017. Il a fait l'objet d'un premier arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai du 29 août 2018, et d'une peine d'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans le 11 avril 2019, puis d'un deuxième arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour d'une durée de trois ans le 23 août 2019. Par un nouvel arrêté du 14 avril 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a, de nouveau, fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour pour une durée de trois ans.
2. M. A... relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2022.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :
3. Par un arrêté du 6 avril 2022 publié le même jour au recueil administratif spécial de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration, en matière de police des étrangers, notamment concernant les mesures d'éloignement ainsi que les décisions les assortissant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaquée ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
S'agissant de la légalité externe :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la décision portant obligation de quitter le territoire français fait état de façon détaillée de sa situation personnelle et familiale, rappelle les conditions de son séjour en France et les condamnations dont il a fait l'objet et précise que l'intéressé serait marié religieusement avec une ressortissante franco-algérienne avec laquelle il a eu un enfant le 12 janvier 2012, et pour lequel il ne justifierait pas participer à son éducation et à son entretien. Ainsi que l'a estimé à bon droit le premier juge, cette décision, au regard des éléments portés à la connaissance du préfet, est suffisamment motivée, notamment quant à la vie privée et familiale. Pour les mêmes raisons, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation.
S'agissant de la légalité interne :
6. En premier lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si M.A... se prévaut d'une présence en France depuis l'année 2017, il n'en justifie pas, et à supposer qu'il soit regardé comme ayant séjourné en France entre 2017 et la date du 6 mai 2022, qui est celle de la décision en litige, il a fait l'objet au cours de cette période de plusieurs condamnations et de mesures d'éloignement non exécutées. De plus, s'il se prévaut de la présence en France de sa compagne et de son fils, né le 12 janvier 2022 à Toulouse, les pièces du dossier ne permettent cependant d'établir ni l'ancienneté de la vie commune, ni l'existence d'un lien effectif avec l'enfant depuis sa naissance. En outre, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale de M. A... se reconstitue hors de France et en particulier en Algérie, pays dont l'appelant détient la nationalité et où sa conjointe est légalement admissible au regard de sa double nationalité. De plus, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet de trois condamnations à des peines d'emprisonnement entre 2018 et 2021 pour des faits de vol et de trafic de stupéfiants. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'autorité préfectorale aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire quant à ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écartée.
8. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protections sociales, des tribunaux, des autorités administratives ou organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. M. A..., pas plus en appel qu'en première instance, n'établit la réalité de liens entretenus avec son fils né le 12 janvier 2022 alors que, comme il est indiqué au point 7 du présent arrêt, rien ne s'oppose, en tout état de cause, à ce que la cellule familiale puisse se reconstruire dans son pays d'origine. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Et selon l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 5o L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes (...) ". Contrairement à ce que fait valoir l'appelant, le préfet, pour lui refuser un délai de départ volontaire, ne s'est pas placé en situation de compétence liée et a pu valablement se fonder sur le fait que l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public et sur le fait qu'il risquait de ne pas se conformer à la mesure d'éloignement, dès lors notamment qu'il entrait dans le champ d'application des 1°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par voie de conséquence, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un tel délai procèderait d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
10. La décision portant fixation du pays de destination vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique, de plus, que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
11. En premier lieu, compte tenu du rejet des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, le moyen invoqué contre l'interdiction de retour sur le territoire français par voie d'exception de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
13. Il résulte de ce qui précède que, lorsque le préfet prend une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, il est tenu d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de l'interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire national.
14. En l'espèce, ainsi qu'il est indiqué au point 1 du présent arrêt, M. A..., qui serait présent en France depuis 2017, s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement et à une interdiction du territoire français prononcée par le juge pénal et, ainsi qu'il est indiqué au point 7 du présent arrêt, a manifesté à plusieurs reprises un comportement contraire à l'ordre public. Dans ces conditions et alors que comme il est indiqué au point 8 du présent arrêt, l'appelant n'établit pas la réalité de liens entretenus avec son fils, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL22570
2