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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL21911

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL21911


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son renvoi.



Par un jugement n° 2104425 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2022, Mme B... représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son renvoi.

Par un jugement n° 2104425 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2022, Mme B... représenté par Me Chmani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'État le paiement au bénéfice de son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa requête de première instance n'était pas tardive ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi le collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de son état de santé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire préalable prévue à l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ;

- elle aurait dû être précédée du recueil préalable de ses observations ;

- la décision portant refus d'admission au séjour est entachée d'erreur de droit au regard du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des violences qu'elle a subies ;

- elle méconnaît le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et révèle que le préfet s'est cru en situation de compétence liée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 20 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 26 septembre 1965, est entrée sur le territoire français, le 9 juillet 2015, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable jusqu'au 26 décembre 2015. Elle a sollicité, le 5 septembre 2017, son admission exceptionnelle au séjour mais sa demande a été rejetée par un arrêté du 10 octobre 2017 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 10 juillet 2018. Le 27 octobre 2020, Mme B... a sollicité à nouveau son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement d du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 19 février 2021, dont l'intéressée demande l'annulation, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de son renvoi.

2. Mme B... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

Sur la légalité externe de l'arrêté litigieux :

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application et notamment les articles 3 et 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les articles L. 511-1, L. 513-1 à L. 513-4 et R. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il expose, de plus, notamment, que l'intéressée est entrée en France à l'âge de 50 ans, a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée, qu'elle est séparée de son mari et sans ressources et qu'elle ne justifie pas des violences conjugales qu'elle allègue. Enfin, il précise qu'elle n'établit pas être exposée à des peine sou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, Mme B... reprend en appel les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi le collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de son état de santé, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et de ce que la décision de refus d'un délai de départ volontaire aurait dû être précédée du recueil de ses observations, sans assortir ces moyens d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

Sur la légalité interne de l'arrêté litigieux :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Et aux termes de l'article L. 313-14 du même code alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Dès lors que les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de semblables modalités d'amission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. Si Mme B... se prévaut des violences qu'elle aurait subies de la part de son époux, de nationalité irakienne et résidant en France en tant que réfugié, elle ne l'établit pas, notamment en raison de ce qu'aucune procédure judiciaire n'a abouti à cet égard. Si une ordonnance de non-conciliation entre époux a contraint Mme B... à quitter le domicile conjugal, à la suite de la demande de divorce formée par son mari, aucun document autre que ceux reprenant les déclarations de l'intéressée ne fait état de violences conjugales. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

7. En deuxième lieu, aux termes des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait entendu solliciter la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les stipulations précitées.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée sur le territoire français en juillet 2015 dans le cadre d'un visa de court séjour, à l'âge de cinquante ans, et qu'elle s'y est maintenue par la suite de manière irrégulière, en dépit notamment d'une mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée. Si elle se prévaut de la présence en France de deux de ses enfants majeurs, elle n'établit pas avoir de liens particulièrement intenses avec les intéressés. De plus, il ressort des pièces du dossier que sa mère et ses deux autres enfants résident en Algérie où elle a elle-même vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elles poursuivent et n'ont pas méconnu les dispositions et stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, elles ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant un délai de départ volontaire d'un défaut d'examen circonstancié de la situation de la requérante avant d'édicter la mesure en litige.

12. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en accordant à l'intéressée un délai de départ volontaire de trente jours, qui constitue le délai de droit commun, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'appréciation, Mme B... ne faisant état d'aucune circonstance rendant impossible le respect de ce délai.

13. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en accordant à l'intéressée un délai de départ volontaire de trente jours le préfet se serait estimé en situation de compétence liée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21911
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CHMANI MALIKA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl21911 ?
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