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29/12/2023 | FRANCE | N°22PA03240

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 29 décembre 2023, 22PA03240


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société SI Pro Roc Azur a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2010674 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société SI Pro Roc Azur, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisa

tions d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SI Pro Roc Azur a demandé au tribunal administratif de Montreuil de la décharger, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2010674 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société SI Pro Roc Azur, en droits, intérêts de retard et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2016 et 2017.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 juillet et 27 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour d'annuler le jugement du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil et de rétablir la société SI Pro Roc Azur aux cotisations d'impôt sur les sociétés dont la décharge a été prononcée par le tribunal au titre de l'exercice clos en 2017.

Il soutient que :

- eu égard aux articles 206 et 223 du code général des impôts, les déclarations d'impôt sur les sociétés ne sauraient être regardées comme ayant été souscrites à titre conservatoire ;

- l'administration n'avait pas, en application de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, à motiver le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés qui résultait du dépôt de la déclaration ;

- l'assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés n'a jamais été remis en cause par les juridictions compétentes.

Il se réfère pour le surplus à ses observations présentées en première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2022, la société SI Pro Roc Azur, représentée par Me Paul Duvaux, conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société SI Pro Roc Azur, société de droit suisse, propriétaire de biens immobiliers situés respectivement à Olmeto (Corse du Sud) et Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 31 décembre 2016 et 2017. A l'issue de cette vérification, l'administration a estimé que les amortissements des exercices 2007 à 2017, qui n'avaient pas été comptabilisés à l'expiration du délai de déclaration mais ont été globalement enregistrés au titre de l'exercice clos en 2017, n'étaient pas déductibles. Elle a, en conséquence, assujetti la société à des cotisations d'impôt sur les sociétés sur le fondement de l'article 38, 2 du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société SI Pro Roc Azur des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ainsi assujettie.

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

3. Il résulte de l'instruction que la société SI Pro Roc Azur a déposé le 28 juin 2018 ses déclarations de résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2017. Les rectifications dont la motivation était exigée par les dispositions précitées ne sauraient par suite être regardées comme devant porter sur le principe de l'assujettissement à l'impôt, alors même que le dépôt des liasses fiscales était accompagné d'un courrier par lequel la société précisait expressément que " la communication de ces documents ne vaut en aucune manière reconnaissance par la société qu'elle serait imposable à l'impôt sur les sociétés en France. Ils permettent simplement de préserver les droits de la société " et que le courriel du conseil de la société, adressé au vérificateur le 15 mai 2019, rappelait que le dépôt de ces liasses n'avait été effectué qu'à titre conservatoire. D'ailleurs, et contrairement à ce qui est soutenu par la société SI Pro Roc Azur, le dépôt de déclarations de résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ne prive pas le contribuable de la possibilité de contester ultérieurement le principe de son assujettissement à l'impôt. C'est par suite à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge litigieuse au motif que la proposition de rectification du 19 mai 2019 ne mentionnait pas les fondements légaux ni les motifs de fait justifiant le principe de l'imposition en France de la société et méconnaissait en conséquence les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

4. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la société SI Pro Roc Azur tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". Aux termes de l'article 209 du même code : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) ". Et aux termes de l'article 6 de la convention signée entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " 1. Les revenus provenant de biens immobiliers (...) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. (...) 4. Les dispositions des paragraphes 1 (...) s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise (...) ". Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

6. La société requérante, qui est une société anonyme de droit suisse, soit une société de capitaux dont la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports, et qui est au surplus imposable à l'impôt sur les sociétés en Suisse, présente ainsi les caractéristiques d'une société anonyme de droit français. Or il résulte des dispositions et stipulations citées au point précédent, d'une part, que l'imposition des revenus provenant de biens immobiliers situés sur le territoire français, possédés par une telle société, est attribuée à la France et, d'autre part que cette société relève de l'impôt sur les sociétés, alors même qu'elle ne dispose pas en France d'un établissement stable, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère lucratif de son activité. La seule circonstance qu'aucune recette n'a été perçue, au motif que les immeubles auraient été mis gratuitement à la disposition de tiers, n'est à elle seule pas de nature à remettre en cause le principe même l'assujettissement de l'intéressée à l'impôt sur les sociétés.

7. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserves des dispositions du 5, notamment : (...) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées que ne peuvent être déduits du bénéfice imposable d'un exercice que les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice. Il est constant que les amortissements réintégrés par l'administration dans le résultat de l'exercice clos en 2017 avaient été comptabilisés par la société requérante après l'expiration du délai de déclaration afférent aux exercices concernés. Ils n'étaient par suite pas déductibles, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir à cet égard de la circonstance qu'elle a toujours contesté son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ni des règles applicables dans le cas où un contribuable a omis de déduire fiscalement des amortissements régulièrement comptabilisés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge litigieuse. Il y a lieu par suite de remettre à la charge de la société SI Pro Roc Azur, en droits, intérêts de retard et majorations, les cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société SI Pro Roc Azur demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société SI Pro Roc Azur a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 sont remises, en droits, intérêts de retard et majorations, à la charge de l'intéressée.

Article 3 : Les conclusions de la société SI Pro Roc Azur présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique et à la société SI Pro Roc Azur.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

P. FOMBEUR

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03240 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03240
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-02-01 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Rectification (ou redressement). - Proposition de rectification (ou notification de redressement). - Motivation.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : DUVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22pa03240 ?
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