La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2023 | FRANCE | N°23PA01761

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 23PA01761


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société Sepimo a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la maire de Paris a rejeté sa demande de permis de construire, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 2 février 2021.



Par un jugement n° 2111432 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées et a enjoint à la maire de Paris de délivrer à la so

ciété Sepimo un permis de construire dans un délai de trois mois.





Procédure devant la Cour :





...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sepimo a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la maire de Paris a rejeté sa demande de permis de construire, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux formé le 2 février 2021.

Par un jugement n° 2111432 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées et a enjoint à la maire de Paris de délivrer à la société Sepimo un permis de construire dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 avril et 8 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 février 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de la société Sepimo devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la société Sepimo le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute pour la minute de respecter les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- elle pouvait refuser de délivrer le permis sollicité, pour le motif opposé, même si l'avis de l'architecte des Bâtiments de France était favorable ;

- le tribunal a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 621-32 du code du patrimoine en jugeant que la maire ne pouvait requalifier le sens de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, alors qu'elle ne peut former de recours devant le préfet qu'en cas d'avis défavorable ;

- cet avis de l'architecte des Bâtiments de France doit être regardé comme défavorable, dès lors que les recommandations qu'il comporte ne peuvent être respectées que par la présentation d'un nouveau projet ;

- si cet avis la liait et qu'elle ne puisse pas le requalifier, il serait alors illégal et devrait être écarté ;

- les premiers juges ne pouvaient prononcer une injonction de délivrance du permis de construire, dès lors que les recommandations de l'architecte des Bâtiments de France entraineraient des modifications substantielles du projet, justifiant le dépôt d'un nouveau projet ;

- les autres moyens soulevés par la société en première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 août et 22 septembre 2023, la société Sepimo, représentée par Me Claude, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la Ville de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris,

- et les observations de Me Deubelle substituant Me Claude, représentant la société Sepimo.

Une note en délibéré a été présentée par la Ville de Paris le 7 décembre 2023.

Une note en délibéré a été présentée par la société Sepimo le 14 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sepimo a déposé une demande de permis de construire le 31 octobre 2019 pour la réalisation de 24 logements collectifs et de 7 maisons sur une parcelle cadastrée section AB n° 5, située au 9, rue d'Alleray à Paris (15ème arrondissement). Par un arrêté du 27 novembre 2020, la maire de Paris a refusé de délivrer à la société Sepimo le permis de construire sollicité. Le 2 février 2021, la société a formé contre cette décision un recours gracieux, qui a été rejeté implicitement. Par un jugement du 23 février 2023, dont la Ville de Paris relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions contestées et a enjoint à la maire de Paris de délivrer un permis de construire à la société Sepimo dans un délai de trois mois.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen de la minute du jugement qu'elle comporte les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Sur la légalité du refus de permis de construire :

3. Aux termes de l'article L. 621-32 du code du patrimoine : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Aux termes de l'article L. 632-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. Tout avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France rendu dans le cadre de la procédure prévue au présent alinéa comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et sur les modalités de ce recours. / Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager, l'absence d'opposition à déclaration préalable, l'autorisation environnementale prévue à l'article L. 181-1 du code de l'environnement ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du même code tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I. / (...) / L'autorisation délivrée énonce, le cas échéant, les prescriptions motivées auxquelles le demandeur doit se conformer. / II. - En cas de désaccord avec l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l'autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir approuvé ce projet de décision. La décision explicite de l'autorité administrative est mise à la disposition du public. En cas de décision tacite, l'autorisation délivrée par l'autorité compétente en fait mention. / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-68 du code de l'urbanisme : " Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir approuvé le projet de décision transmis par l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme en cas de désaccord avec l'architecte des Bâtiments de France, dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, est de deux mois. / Le recours doit être adressé au préfet de région par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans le délai de sept jours à compter de la réception par l'autorité compétente de l'accord, de l'accord assorti de prescriptions ou du refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France. (...) / Le préfet de région statue après consultation de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-1 du même code : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées, ou son avis pour les projets mentionnés à l'article L. 632-2-1 du code du patrimoine ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 111-27 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

4. Il résulte de ces dispositions que si, lorsqu'un avis négatif a été émis sur une demande de permis de construire par l'architecte des Bâtiments de France, cet avis s'impose au maire, sauf à saisir le préfet de région, le maire conserve, en cas d'avis favorable, la possibilité d'apprécier plus généralement si les travaux envisagés sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales et, le cas échéant, de refuser le permis sollicité ou de l'assortir de prescriptions spéciales.

5. Il ressort des pièces du dossier que, le 11 septembre 2020, l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord au projet, qui entrait dans le champ de l'article L. 621-32 du code du patrimoine, en émettant des " recommandations ou des observations " en vue d'une modification du projet " à la marge ", portant sur le volume des deux derniers étages sous combles, sur le dessin et la proportion des lucarnes, sur la proportion des verrières, la facture et le dessin des balcons et, le cas échéant, sur la réalisation d'un pignon maçonné. Ces mentions ne sont pas de nature à remettre en cause l'accord qu'a expressément donné l'architecte des Bâtiments de France, sans formuler aucune réserve ni condition. Il s'ensuit que la Ville de Paris ne pouvait regarder cet avis comme constituant un refus d'accord et en déduire qu'elle était tenue, en application de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme, de refuser le permis de construire sollicité. Si la Ville soutient en appel qu'à supposer qu'elle ne puisse requalifier cet avis, celui-ci serait alors illégal et que, en tout état de cause, elle pouvait rejeter la demande de permis de construire dont elle était saisie, elle ne précise pas quel motif, autre que celui initialement indiqué, serait de nature à justifier légalement la décision critiquée. Par suite, la Ville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 27 novembre 2020 portant refus de permis de construire et la décision implicite confirmant ce refus.

Sur l'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.

8. La Ville de Paris soutient que les recommandations mentionnées dans l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, à savoir la modification du volume des deux derniers étages sous combles, de la toiture ainsi que du dessin et de la proportion des lucarnes, la réduction des surfaces des verrières, la redéfinition de la ligne des balcons et l'éventuelle création d'un mur pignon contre lequel la couvertine sera accolée et non superposée, imposent, par leur importance, la définition d'un nouveau projet, susceptible d'avoir une incidence sur le respect de certaines dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, et le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire soumis à une nouvelle instruction, ce qui justifierait le prononcé d'une simple injonction de réexamen. Elle se borne cependant à mentionner les articles UG.10, UG.7 et UG.11 du règlement du plan local d'urbanisme, sans assortir ses affirmations de précisions suffisantes, alors, ainsi qu'il a été dit, que l'avis de l'architecte des Bâtiments de France est un avis favorable assorti de simples recommandations et observations. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent d'accueillir la demande pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du présent arrêt y ferait obstacle. Dans ces conditions, et alors que l'injonction, eu égard aux termes dans lesquels elle a été prononcée, ne fait pas obstacle à ce que la maire de Paris assortisse le permis de construire qu'elle délivrera des prescriptions utiles au vu des recommandations de l'avis, sous réserve de n'entraîner des modifications que sur des points précis et limités et de ne pas nécessiter la présentation d'un nouveau projet, la Ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris lui a enjoint de délivrer un permis de construire.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Sepimo, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser à la société Sepimo au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée.

Article 2 : La Ville de Paris versera à la société Sepimo une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à la société Sepimo.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2023.

Le rapporteur, La présidente,

J.-F. GOBEILL P. FOMBEUR

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01761
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;23pa01761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award