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28/12/2023 | FRANCE | N°23MA01522

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 23MA01522


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI La Colombière a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le maire d'Antibes-Juan-les-Pins ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la SCI Juan-Les Pins portant sur le remplacement de deux portes-fenêtres par des portes-fenêtres à galandage dans un appartement situé au deuxième étage de la villa Stella Maris, 21 boulevard Edouard Baudouin à Juan-les-Pins.



Par un jugement

n° 1904567 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.





Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI La Colombière a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le maire d'Antibes-Juan-les-Pins ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la SCI Juan-Les Pins portant sur le remplacement de deux portes-fenêtres par des portes-fenêtres à galandage dans un appartement situé au deuxième étage de la villa Stella Maris, 21 boulevard Edouard Baudouin à Juan-les-Pins.

Par un jugement n° 1904567 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juin 2023, la SCI La Colombière, représentée par Me Sapira, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 mai 2023 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 du maire d'Antibes-Juan-les-Pins ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune d'Antibes-Juan-les-Pins et de la SCI Juan-les-Pins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir en sa qualité de propriétaire d'un appartement dans une villa protégée au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine d'Antibes s'agissant de travaux qui portent atteinte à l'harmonie de ce bâtiment ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 9 du règlement du plan local d'urbanisme d'Antibes-Juan-Les-Pins ;

- les plans de la déclaration de travaux ne correspondent pas à la réalité des travaux effectués, la déclaration qui a pour objet de régulariser ces travaux revêt dans ces conditions un caractère frauduleux ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le règlement du site patrimonial remarquable d'Antibes-Juan-les-Pins.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2023, la commune d'Antibes-Juan-Les-Pins, représentée par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI La Colombière la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 9 du règlement du plan local d'urbanisme d'Antibes-Juan-Les-Pins et du règlement du site patrimonial remarquable d'Antibes-Juan-les-Pins sont irrecevables en application de l'article R. 611-7-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2023, la SCI Juan-les Pins, représentée par Me Soler-Couteaux, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI La Colombière la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 9 du règlement du plan local d'urbanisme d'Antibes-Juan-les-Pins et règlement du site patrimonial remarquable d'Antibes-Juan-les-Pins sont irrecevables en application de l'article R. 611-7-1 du code de l'urbanisme ;

Par une lettre en date du 20 juillet 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu au cours de la période comprise entre octobre et novembre 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 septembre 2023.

Par ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Un mémoire a été enregistré pour la SCI La Colombière le 29 septembre 2023, après que son conseil ait accusé réception sur l'application télérecours de l'ordonnance portant clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail, président ;

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;

- et les observations de Me Sapira, représentant la requérante, de Me Durand, représentant la commune d'Antibes-Juan-Les-Pins et de Me Vilchez, représentant la SCI Juan-les-Pins.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Colombière a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le maire d'Antibes-Juan-les-Pins ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la SCI Juan-Les Pins portant sur le remplacement de deux portes-fenêtres par des portes-fenêtres à galandage dans un appartement situé au deuxième étage de la villa Stella Maris, 21 boulevard Edouard Baudouin à Juan-les-Pins. Par un jugement du 10 mai 2023, dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme irrecevable en raison de son défaut d'intérêt à agir.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Selon l'article R. 600-4 de ce même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. D'une part, la SCI La Colombière justifie par une attestation notariale être propriétaire d'un lot de copropriété de l'immeuble dénommé " villa Stella Maris ", situé 21 boulevard Edouard Baudouin à Juan-les-Pins, correspondant à un appartement situé au deuxième étage.

5. D'autre part, il est constant que la villa Stella Maris, caractéristique de l'art-déco moderniste des années 30 du littoral de Juan-Les-Pins, située entre la mer et la pinède de Juan-Les-Pins, est répertoriée au plan local d'urbanisme d'Antibes-Juan-les-Pins parmi les éléments remarquables du patrimoine paysager et architectural, et est protégée au titre du règlement de l'aire plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) d'Antibes-Juan les Pins.

6. Enfin, la SCI La Colombière soutient que les travaux objet de la non opposition contestée sont de nature à affecter la façade de cet immeuble prestigieux de par son architecture et sa localisation, en portant atteinte à son unité. Elle justifie ainsi que l'atteinte alléguée est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, et ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de cet arrêté. Elle est dès lors fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt à agir est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les moyens soulevés par la requérante en première instance et en appel.

8. En premier lieu, une déclaration de travaux n'a d'autre objet que d'autoriser la réalisation de travaux conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés ou affectés à un usage non conforme aux documents et aux règles générales d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci.

9. D'une part l'article 9 du règlement du plan local d'urbanisme d'Antibes dispose que les immeubles répertoriés comme devant être protégés et mis en valeur, au nombre desquels figure la villa Stella Maris, ainsi qu'il a été dit au point 4, ne doivent faire l'objet d'aucun travaux susceptibles d'entraîner une modification des caractéristiques esthétiques ou historiques, à l'exception des travaux de sécurité et de salubrité.

10. Aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative ".

11. Si la commune d'Antibes-Juan-les-Pins soutient que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 9 du règlement du plan local d'urbanisme a été soulevé tardivement en première instance dans un mémoire du 17 mars 2021 alors que le premier mémoire en défense avait été produit le 25 octobre 2019, la SCI La Colombière est recevable à soulever le même moyen en appel sans que puisse leur être opposée la tardiveté de la première instance.

12. D'autre part, il ressort de la notice de présentation des travaux jointe au dossier de déclaration que l'encadrement des baies en maçonnerie et plâtre seront d'aspect et de teintes identiques à l'existant, que les volets battant en bois à persiennes seront remplacés à l'identique et que les dimensions en façades des ouvertures seront identiques à l'existant. Toutefois, il est constant que la déclaration de travaux avait pour objet de régulariser des travaux déjà effectués. Il ressort des photographies jointes au dossier avant et après travaux que ceux-ci ont entraîné notamment la réduction de la largeur des maçonneries encadrant les fenêtres et donc une modification des caractéristiques esthétiques de la façade de la ville Stella Maris. La SCI Juan-les-Pins s'est ainsi livrée à une manœuvre frauduleuse destinée à obtenir une décision indue. Elle a ainsi commis une fraude, alors même que la commune n'aurait pas ignoré l'illégalité des travaux réalisés. La fraude étant ainsi établie, les travaux objet de la déclaration devaient être regardés comme modifiant les caractéristiques esthétiques de la villa Stella Maris, en méconnaissance de l'article 9 précité du règlement du plan local d'urbanisme d'Antibes.

13. En deuxième lieu, le règlement de l'AVAP d'Antibes Juan-les-Pins dispose que les immeubles de grand intérêt patrimonial ne peuvent être altérés ni en volume, ni en percement ni en ornements et devront, en tant que de besoin, être restitués dans leur état d'origine connu ou conforme à leur typologie. L'arrêté de non opposition à travaux a méconnu ces dispositions pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 à 11.

14. La requérante est dès lors fondée à soutenir que l'arrêté de non opposition à travaux est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la requérante, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune d'Antibes et la SCI Juan Les Pins. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Antibes et de la SCI Juan Les Pins respectivement une somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1904567 du 10 mai 2023 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 25 juillet 2019 du maire d'Antibes-Juan-les-Pins sont annulés.

Article 2 : La SCI Juan-les-Pins versera à la SCI La Colombière une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La commune d'Antibes-Juan-les-Pins versera à la SCI La Colombière une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Colombière, à la commune d'Antibes-Juan-les-Pins et à la SCI Juan Les Pins.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Grasse.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

2

N° 23MA01522

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01522
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Introduction de l'instance. - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SAPIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;23ma01522 ?
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