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28/12/2023 | FRANCE | N°22MA02858

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 22MA02858


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... C..., Mme F... D..., Mme B... A... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la délibération du 17 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal d'Enchastrayes a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ensemble la décision implicite rejetant leurs recours gracieux, et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe leurs parcelles cadastrées section D nos 230 et 240

en zone agricole, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., Mme F... D..., Mme B... A... et M. G... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'annuler la délibération du 17 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal d'Enchastrayes a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ensemble la décision implicite rejetant leurs recours gracieux, et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe leurs parcelles cadastrées section D nos 230 et 240 en zone agricole, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1902264 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 novembre 2022 et le 30 août 2023, Mme C..., Mme D... et M. et Mme A..., représentés par Me Py, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 septembre 2022 ;

2°) à titre principal, d'annuler la délibération du 17 septembre 2018 du conseil municipal d'Enchastrayes, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe leurs parcelles en zone agricole, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Enchastrayes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'incohérence du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) avec l'orientation n° 1 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) " Renforcer la vie permanente " et avec l'orientation de " modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain " de ce même projet ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la dérogation à la règle de l'urbanisation en continuité ;

- la procédure d'élaboration du PLU contesté est irrégulière, en l'absence de consultation du syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pays de Serre-Ponçon, de l'Ubaye et de la Durance et du Centre national de la propriété forestière, en méconnaissance des articles L. 153-16, L. 132-9 et R. 153-6 du code de l'urbanisme ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard du moyen tiré de l'absence de consultation de certaines personnes publiques associées ;

- le dossier d'enquête publique est incomplet, au regard des dispositions des articles R. 153-8 et L. 103-6 du code de l'urbanisme et R. 123-8 du code de l'environnement, en l'absence de bilan de la concertation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard du moyen tiré de l'incomplétude du dossier d'enquête publique ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisamment motivées au regard des dispositions des articles L. 123-15 et R. 123-19 du code de l'environnement ;

- le classement de leurs parcelles en zone A est incohérent par rapport à l'orientation n° 1 du PADD " Renforcer la vie permanente ", et méconnaît les dispositions de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme ;

- ce classement est incohérent par rapport à l'orientation du PADD " de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain " ;

- ce classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme ;

- ce classement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 122-5 et L. 122-10 du code de l'urbanisme ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré des incohérences entre le PADD et le règlement du PLU ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la dérogation à la règle de l'urbanisation en continuité.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2023, la commune d'Enchastrayes, représentée par Me Fiat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de Mme C... et autres la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... et autres ne sont pas fondés.

Par une lettre du 21 novembre 2023, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations présentées pour Mme C... et autres ont été enregistrées le 24 novembre 2023.

Des observations présentées pour la commune d'Enchastrayes ont été enregistrées le 6 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Py, représentant Mme C... et autres, et de Me Vincent, représentant la commune d'Enchastrayes.

Une note en délibéré présentée pour Mme C... et autres a été enregistrée le 14 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 28 avril 2000, le conseil municipal de La-Fare-en-Champsaur a prescrit la révision générale du plan d'occupation des sols de la commune valant élaboration du plan local d'urbanisme (PLU). Par une délibération du 16 juin 2017, il a arrêté le projet de PLU et dressé le bilan de la concertation. Par une délibération du 17 septembre 2018, il a approuvé le PLU de la commune. Mme C..., Mme D... et M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cette délibération du 17 septembre 2018, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux. Ils relèvent appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les requérants ont soulevé, pour la première fois dans leur deuxième mémoire daté du 14 juillet 2021, un moyen tiré de " l'erreur manifeste d'appréciation tirée de la dérogation à la règle d'urbanisation en continuité ", au regard des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Il ressort des motifs du jugement attaqué que ce moyen, auquel il n'a pas été répondu, n'a pas davantage été visé. Par suite, le jugement attaqué, qui est irrégulier, doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens portant sur sa régularité.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... et autres devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan arrêté est soumis pour avis : / 1° Aux personnes publiques associées à son élaboration mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 (...) ". Aux termes de l'article L. 132-9 du même code : " Pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme sont (...) associés, dans les mêmes conditions : (...) 2° L'établissement public chargé de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation du schéma de cohérence territoriale lorsque le territoire objet du plan est situé dans le périmètre de ce schéma (...) ". Selon l'article R. 153-6 de ce code : " Conformément à l'article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, le plan local d'urbanisme ne peut être approuvé qu'après avis de la chambre d'agriculture, de l'Institut national de l'origine et de la qualité dans les zones d'appellation d'origine contrôlée et, le cas échéant, du Centre national de la propriété forestière lorsqu'il prévoit une réduction des espaces agricoles ou forestiers. / Ces avis sont rendus dans un délai de trois mois à compter de la saisine. En l'absence de réponse à l'issue de ce délai, l'avis est réputé favorable ".

6. D'une part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier que le périmètre du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pays Serre-Ponçon Ubaye Durance a été fixé par arrêté préfectoral du 17 novembre 2016, en recouvrant le territoire de quatre communautés de communes, en charge de l'élaboration d'un tel document, dont la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon incluant la commune d'Enchastrayes. Par arrêté du 9 juin 2017, devenu exécutoire par sa publication au recueil des actes administratifs de la préfecture le 17 juillet suivant, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a créé le syndicat mixte du SCoT du pays de Serre-Ponçon, de l'Ubaye et de la Durance recouvrant le même territoire et en charge de cette même compétence. Ce syndicat mixte n'a pas été consulté sur le projet de PLU arrêté par la délibération du 16 juin 2017 citée au point 1 mais, consulté sur le PLU approuvé par la délibération attaquée du 17 septembre 2018, a émis un avis favorable sans réserve, le 25 juin 2021. Dans les circonstances de l'espèce, l'absence de consultation sur le projet de PLU arrêté, au titre de l'article L. 153-16 du code de l'urbanisme, de ce même syndicat mixte ou de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon, alors qu'il est constant qu'aucun SCoT n'était alors en vigueur ou en cours d'élaboration, n'a pas eu d'influence sur le sens de la délibération attaquée et n'a privé le public ou les collectivités concernées d'aucune garantie.

8. D'autre part, le Centre national de la propriété forestière, auquel le projet de PLU arrêté avait été transmis par courrier du 26 juin 2017, en a accusé réception par courrier du 30 juin 2017, en précisant qu'il ne formulait aucune remarque. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de consultation de certaines personnes publiques associées doit être écarté dans toutes ses branches.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 153-8 du code de l'urbanisme : " Le dossier soumis à l'enquête publique est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-8 du code de l'environnement et comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. / Il peut, en outre, comprendre tout ou partie des pièces portées à la connaissance de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune par le préfet ". Selon l'article L. 103-6 de ce même code : " (...) Lorsque le projet fait l'objet d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le bilan de la concertation est joint au dossier de l'enquête ". Enfin, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date du 4 mai 2018 à laquelle le maire d'Enchastrayes a décidé l'ouverture de l'enquête publique : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : (...) 5° Le bilan de la procédure de débat public organisée dans les conditions définies aux articles L. 121-8 à L. 121-15, de la concertation préalable définie à l'article L. 121-16 ou de toute autre procédure prévue par les textes en vigueur permettant au public de participer effectivement au processus de décision. Il comprend également l'acte prévu à l'article L. 121-13. Lorsque aucun débat public ou lorsque aucune concertation préalable n'a eu lieu, le dossier le mentionne (...) ".

10. La délibération du 16 juin 2017 par laquelle le conseil municipal d'Enchastrayes a arrêté le projet de PLU et approuvé le bilan de la concertation confirme que le maire a présenté ce bilan au cours de la séance. Le rapport de présentation rappelle ce bilan. Le commissaire-enquêteur a visé ces deux documents dans son rapport ou ses conclusions, ce qui atteste de leur présence au dossier d'enquête publique. Dès lors, le moyen tiré de l'incomplétude de ce dossier doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. (...) Le rapport doit faire état des observations et propositions qui ont été produites pendant la durée de l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage. / Le rapport et les conclusions motivées sont rendus publics par voie dématérialisée sur le site interne de l'enquête publique et sur le lieu où ils peuvent être consultés sur support papier. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que, si celles-ci n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

13. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a recensé dans son rapport et analysé les 61 observations formulées au cours de l'enquête, exprimées par courrier ou directement inscrites sur le registre d'enquête. Il a reproduit les réponses apportées par la commune d'Enchastrayes à ces observations en constatant que les explications fournies par celle-ci et les dispositions arrêtées pour chacune des observations lui paraissaient suffisamment claires et ne justifiaient pas de complément d'investigation ou de justificatif et en recommandant de vérifier avant l'approbation du PLU que les points ayant conduit le préfet à émettre un avis défavorable avaient bien fait l'objet de modifications. Le commissaire enquêteur a rappelé dans ses conclusions datées du 1er août 2018 le cadre juridique de la procédure et le déroulement de l'enquête publique, en relevant que les observations formulées au cours de celle-ci se rattachaient à cinq thèmes principaux. Il a préconisé à nouveau qu'il soit tenu compte avant l'approbation du PLU des avis émis par les personnes publiques associées et notamment de celui émis par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence. Il a alors émis un avis favorable " sous réserve de cette dernière vérification " en ajoutant que dans l'hypothèse où ce PLU serait approuvé, il conseille aux élus d'étudier ou de réétudier dans l'avenir les problèmes liés à la circulation et au stationnement sur l'ensemble de la commune car selon lui des problèmes de sécurité ne manqueront pas de se poser dans un très proche avenir avec l'urbanisation future. Ce faisant, il n'a pas indiqué les raisons qui ont déterminé le sens de cet avis, et n'a donc pas rendu des conclusions motivées. Ainsi son rapport et ses conclusions ont méconnu les exigences des articles L. 123-15 et R. 123-19 du code de l'environnement. Cette irrégularité, qui a eu pour conséquence de priver d'une garantie le public intéressé par la procédure et qui a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise à l'issue de l'enquête publique, entache d'illégalité la délibération attaquée du 17 septembre 2018.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

15. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

16. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du PLU contesté fixe quatre orientations, visant à renforcer la vie permanente, renouveler l'économie touristiques, préserver et mettre en valeur le cadre naturel et bâti, et, enfin, à se doter d'outils de maîtrise du développement. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le document graphique inclus au sein du PADD n'est pas suffisamment précis pour permettre de déterminer avec certitude l'orientation dans laquelle seront identifiées leurs parcelles. En tout état de cause, à supposer même que lesdites parcelles soient identifiées au sein de l'orientation n° 1 visant à renforcer la vie permanente, les objectifs opérationnels de mise en œuvre de cette orientation générale n'impliquent nullement l'ouverture à l'urbanisation de tous les secteurs concernés. D'autre part, l'orientation générale n° 3 du PADD vise à préserver et mettre en valeur le cadre naturel et bâti, notamment en préservant l'agriculture et en mettant en valeur les espaces naturels. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles litigieuses sont dénuées de toute construction et s'ouvrent, au nord et à l'est, sur de vastes espaces à l'état naturel, puis sur un grand secteur boisé. En outre, si les requérants se prévalent de la proximité de leurs parcelles avec un hameau construit, les orientations générales et objectifs opérationnels du PADD visent seulement à renforcer l'identité des hameaux, sans en augmenter l'emprise au sol. La seule circonstance que certaines parcelles voisines supportent des constructions ne traduit pas, alors même que les parcelles litigieuses constituent la limite de ce hameau, une incohérence. Enfin, la circonstance que les parcelles concernées soient desservies par les réseaux reste sans incidence sur ce point. Le moyen tiré d'une incohérence entre le règlement du PLU et les objectifs du PADD ne peut donc être accueilli.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

18. D'une part, il résulte de ces dispositions ainsi que des articles L. 151-5, L. 151-9 et R. 151-23 du code de l'urbanisme qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

19. D'autre part, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement retenu pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a été reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils entendent soustraire pour l'avenir des parcelles à l'urbanisation ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

20. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles des requérants s'ouvrent, au nord et à l'est, sur des champs. Ces parcelles sont elles-mêmes d'une superficie d'environ 4500 m² et ne supportent aucune construction. Ainsi qu'il a été exposé au point 16, si les requérants se prévalent de la présence d'un hameau à proximité immédiate de leurs parcelles, celles-ci en constituent toutefois la limite et n'y sont pas incluses. Dès lors, la circonstance que certaines parcelles voisines soient classées en zone urbaine ne traduit pas une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ces parcelles ne relèvent pas de la même situation objective que les parcelles litigieuses. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que leurs parcelles aient été antérieurement classées en zone urbaine ne fait pas obstacle à leur classement, par la délibération contestée, en zone agricole. A cet égard, la circonstance qu'aucune exploitation agricole ne soit exercée sur leurs parcelles reste sans incidence sur la légalité du classement, les arguments relatifs à la viabilité d'une telle exploitation restant en outre sans incidence sur la légalité du document d'urbanisme contesté. Il en va de même de la circonstance que les parcelles appartenant aux requérants soient viabilisées et desservies par les réseaux. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme doit être écarté.

21. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existantes, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ". Selon l'article L. 122-10 de ce même code : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition ".

22. Par les dispositions précitées de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, qui prescrit que l'urbanisation en zone de montagne doit en principe être réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, le législateur a entendu interdire, dans ces zones, toute construction isolée, sous réserve des dérogations qu'il a limitativement énumérées. Le législateur ne peut toutefois être regardé comme ayant entendu imposer aux autorités administratives locales l'urbanisation des parcelles situées à proximité immédiate de parcelles déjà construites. En outre, il n'appartient pas au juge administratif de vérifier si un autre classement aurait été possible, mais seulement de s'assurer que le classement retenu n'est pas illégal. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant une prétendue dérogation à la règle de l'urbanisation en continuité au regard des dispositions précitées des articles L. 122-5 et L. 122-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à soutenir que la délibération du 17 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal d'Enchastrayes a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune est entachée d'illégalité qu'en ce qu'elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, en raison de l'insuffisance de motivation des conclusions du commissaire-enquêteur.

Sur la mise en œuvre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

24. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : (...) 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ". Le vice caractérisé au point 13 tenant à la méconnaissance des dispositions des articles L. 123-15 et R. 123-19 du code de l'environnement porte sur une irrégularité survenue postérieurement au débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. La commune d'Enchastrayes a fait valoir que l'article R. 123-20 du code de l'environnement permet à l'autorité compétente pour organiser l'enquête publique de saisir le président du tribunal administratif pour qu'il demande au commissaire enquêteur ou à la commission d'enquête de compléter ses conclusions. Toutefois, l'existence de cette procédure, susceptible d'être mise en œuvre à la suite de la réception des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, ne fait pas obstacle à l'application de la procédure de régularisation prévue par l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme quand, ultérieurement, le juge administratif saisi d'une demande tendant à l'annulation du plan local d'urbanisme, estime fondé le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'avis du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête. Par ailleurs, si ce vice est susceptible de régularisation en complétant l'avis émis par le commissaire enquêteur le 1er août 2018, ce dernier ne figure plus sur la liste d'aptitude à ces fonctions établie au titre de l'année 2023 par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence par son arrêté du 16 décembre 2022 librement consultable sur le site internet de la préfecture. Ainsi, à moins que l'intéressé soit à nouveau inscrit sur cette liste au titre de l'année 2024, la régularisation de ce vice ne peut intervenir qu'après l'organisation d'une nouvelle enquête publique. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt afin que le conseil municipal d'Enchastrayes approuve le PLU après cette régularisation.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 septembre 2022 est annulé.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la demande de Mme C... et autres devant le tribunal administratif de Marseille jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt imparti à la commune d'Enchastrayes pour notifier à la Cour une délibération de son conseil municipal confirmant l'approbation du plan local d'urbanisme.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., représentante unique des requérants, et à la commune d'Enchastrayes.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023

2

N° 22MA02858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02858
Date de la décision : 28/12/2023

Analyses

68-01-01-01-01-05 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans. - Procédure d'élaboration. - Enquête publique.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CDMF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;22ma02858 ?
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