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28/12/2023 | FRANCE | N°21TL03725

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 21TL03725


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile d'exploitation agricole Château de la Font du Loup a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (F...) a fait état d'un paiement de 3 617,28 euros au titre de l'aide aux investissements vitivinicoles 2014-2018 et la " lettre d'information paiement complémentaire " du 2 avril 2019 par laquelle le même établi

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole Château de la Font du Loup a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (F...) a fait état d'un paiement de 3 617,28 euros au titre de l'aide aux investissements vitivinicoles 2014-2018 et la " lettre d'information paiement complémentaire " du 2 avril 2019 par laquelle le même établissement a annoncé le versement d'une somme supplémentaire de 564,12 euros, d'autre part, d'enjoindre à F... de lui verser une somme de 34 581,60 euros, enfin, de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901936 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018, enjoint au directeur général de F... de prendre, dans un délai de deux mois, une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup, incluant certaines dépenses invoquées et prenant en compte l'absence de plafonnement des dépenses d'investissement, mis à la charge de F... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2021 sous le n° 21MA03725 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03725 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 29 avril 2022 et le 1er juillet 2022, F..., représenté par Me Vandepoorter, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il fait droit à la demande de la société Château de la Font du Loup ;

2°) de rejeter la demande de la société Château de la Font du Loup, ainsi que ses conclusions d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge de la société Château de la Font du Loup une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la signataire de la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 bénéficiait à ce titre d'une délégation de signature ;

- les travaux relatifs aux regards n'étaient pas éligibles à l'aide en cause ;

- la facture n° 21619 a fait l'objet d'un paiement tardif ;

- la suppression du plafonnement des dépenses de rénovation prévue par le b) de l'article 2.2.1. de la décision du directeur général du 30 décembre 2015 n'était pas applicable au dossier de la société Château de la Font du Loup ;

- les moyens soulevés au soutien des conclusions d'appel incident sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 31 mai 2022, la société Château de la Font du Loup, représentée par Me Becquevort, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il se borne à enjoindre au directeur général de F... de prendre une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée incluant seulement certaines dépenses invoquées et qu'il ne prononce pas d'astreinte ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la directrice générale de F... de prendre une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée, incluant l'ensemble des dépenses invoquées et impliquant le versement d'une somme de 34 581,60 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de F... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par F... ne sont pas fondés ;

- les dépenses invoquées sont éligibles à l'aide sollicitée.

Par ordonnance du 10 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2022.

Des pièces complémentaires ont été produites par la société Château de la Font du Loup par Me Becquevort, le 14 novembre 2023, et communiqués au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code civil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 ;

- la décision FILITL/SEM/D 2013-76 du directeur général de F... du 4 décembre 2013 ;

- la décision INTV-GPASV-2015-80 du directeur général de F... du 30 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- les observations de Me Goachet pour F...,

- et les observations de Me Guerrier, substituant Me Becquevort, pour la société Château de la Font du Loup.

Considérant ce qui suit :

1. La société Château de la Font du Loup, qui exploite un domaine viticole sur le territoire de la commune de Courthézon (Vaucluse), a sollicité le 16 avril 2014 une aide aux investissements vitivinicoles dans le cadre de l'organisation commune de marché 2014-2018, en vue de la rénovation de bâtiments de production et de l'acquisition d'équipements de vinification et de conditionnement. Par une décision " d'éligibilité à une aide aux investissements vitivinicoles " du 14 octobre 2014, le directeur général de F... lui a accordé une aide d'un montant de 77 526 euros, à partir de dépenses éligibles s'élevant à 193 815 euros. Après un contrôle sur place réalisé les 8 et 9 février 2018, F... a adressé à la société, le 13 juin 2018, une " lettre d'information solde ", faisant état d'un montant total de 42 380,28 euros d'aide liquidée, comprenant une réfaction de 4 708,92 euros et impliquant un paiement complémentaire de 3 617,28 euros. Après avoir partiellement admis le recours gracieux de la société Château de la Font du Loup, F... lui a adressé, le 2 avril 2019, une " lettre d'information paiement complémentaire " annonçant le versement d'un complément de subvention de 564,12 euros. La société a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer l'annulation de ces deux lettres et d'enjoindre à F... de lui verser une somme de 34 581,60 euros. Par un jugement du 6 juillet 2021, le tribunal a annulé la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018, enjoint au directeur général de F... de prendre, dans un délai de deux mois, une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup, incluant certaines dépenses invoquées et prenant en compte l'absence de plafonnement des dépenses d'investissement, mis à la charge de F... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande. F... fait appel de ce jugement, en tant qu'il fait droit à la demande de la société Château de la Font du Loup. Par la voie de l'appel incident, cette dernière doit être regardée comme se bornant à demander l'annulation de ce jugement, en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne les moyens retenus par le tribunal :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-6 du code rural et de la pêche maritime : " (...) Le préfet de région est le représentant territorial de l'établissement [national des produits de l'agriculture et de la mer (F...)]. Des personnels de l'établissement peuvent être affectés dans les services déconcentrés de l'Etat mis à disposition. Le préfet a autorité hiérarchique sur ces personnels. Le directeur général de l'établissement peut lui déléguer sa signature ". L'article R. 621-28 du même code dispose que : " (...) Le représentant territorial peut donner délégation au directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt pour signer les actes nécessaires à l'accomplissement des missions de l'établissement. Ce directeur peut lui-même déléguer sa signature aux personnels des services déconcentrés de l'Etat, qui apportent leur concours à l'établissement en vertu de la convention prévue ci-dessus, ainsi qu'aux agents de l'établissement affectés au sein des services déconcentrés de l'Etat (...) ". Aux termes enfin de l'article 1er du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " (...) le directeur général de F... détermine (...) : / 1°) Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement (...) ".

3. Par décision du 24 octobre 2017, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture, accessible tant au juge qu'aux parties, la directrice générale de F... a donné délégation à M. G... B..., préfet des Alpes-Maritimes, à l'effet de signer toutes décisions, instructions, correspondances et conventions nécessaires à l'accomplissement des missions de l'établissement dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par arrêté du 22 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région du 23 novembre 2017, également accessible tant au juge qu'aux parties, cette autorité a elle-même donné délégation à M. C... I..., directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, à fin de signer, notamment toutes décisions, instructions, correspondances nécessaires à l'accomplissement des missions de F... dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Enfin, par arrêté du 23 novembre 2017, régulièrement publié le 28 novembre 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture de région, M. I... a donné délégation à Mme A... D..., inspectrice F... à la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Provence-Alpes-Côte d'Azur, à fin de signer, dans le cadre de son domaine d'activité et concernant les mesures prévues au plan des aides communautaires, " toutes décisions, instructions et correspondances nécessaires à l'accomplissement des missions de l'établissement à l'exception des actes normatifs ou interprétatifs de portée générale et des notifications d'aides aux bénéficiaires ". La " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 ne constitue pas une notification d'aide au sens des décisions FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 et INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 portant sur la mise en œuvre d'une aide aux programmes d'investissement des entreprises dans le cadre de l'organisation commune de marché vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 et prises par le directeur général de F... sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 25 février 2013. Mme D... bénéficiait donc d'une délégation régulière, laquelle n'était pas trop générale et n'avait pas, comme les précédentes, à être transmise au contrôle de légalité, pour signer la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le point 2.2. de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 prise par le directeur général de F... sur le fondement de ces dispositions prévoit que : " Conditions liées au projet d'investissement / 2.2.1. Investissements éligibles / Sous réserve de respecter les conditions précisées ci-après, les types d'investissements éligibles sont les suivants : / - construction et rénovation de biens immeubles (...) / a) Construction de biens immeubles / Sont éligibles : / - La construction d'un bâtiment neuf et l'extension d'un bâtiment existant lorsque leur destination est la production de vins. La réception des vendanges, la transformation, le conditionnement et le stockage, y compris le stockage de produits finis conditionnés, sont ainsi concernés (...) / c) Rénovation de biens immeubles / La rénovation de biens immeubles (...) est éligible uniquement pour les investissements suivants : / (...) / - aménagement du bâtiment de production en vue d'une réception gravitaire (...) / 2.2.2. Investissements inéligibles / Les investissements n'entrant pas dans les catégories précédentes sont inéligibles et notamment à titre d'exemples (liste non exhaustive) : / (...) / - Les aménagements extérieurs, aménagements paysagers et parkings ; / (...) - La voirie et les réseaux divers (VRD) à l'extérieur du bâtiment et les réseaux à l'intérieur du bâtiment lorsqu'ils ne sont pas clairement identifiables sur les devis et factures (...) ".

5. Les travaux de création d'accès pour la pose de regards sur les cuves et de pose de regards hydrauliques, mentionnés dans une facture n° 21503 établie par l'entreprise E... le 4 février 2015, qui comporte l'intitulé " travaux dans cave à foudres " et dont il ne ressort pas que les équipements en cause seraient installés à l'extérieur de cette cave, ont été réalisés pour permettre le remplissage des cuves par gravité, ainsi que le travail du raisin durant la fermentation. Ils s'apparentent ainsi à des travaux de construction ou de rénovation de biens immeubles dont la destination est la production de vins au sens du point 2.2. de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015. Les dépenses correspondantes, justifiées par la société Château de la Font du Loup à hauteur de la somme totale de 3 285 euros, constituent en conséquence des investissements éligibles à l'aide sollicitée. Par suite et en tout état de cause, c'est à tort que F... les a rejetées pour servir de base au calcul de cette aide.

6. En troisième lieu, aux termes du point 5.6 de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 prise par le directeur général de F... et applicable en l'espèce en vertu de son article 13 : " Délai de réalisation des travaux / (...) / A la date limite de réalisation des travaux, toutes les factures doivent être émises. (...) / Pour être éligibles à l'aide à l'investissement, les factures doivent être acquittées au plus tard 2 mois après la date limite de réalisation des travaux (telle que définie à cet article) et enregistrées en comptabilité. / L'acquittement au-delà du délai de 2 mois suivant la date limite de réalisation des travaux ou le non acquittement rend la facture concernée intégralement non éligible à l'aide, sauf si la part acquittée hors délai ou non acquittée est inférieure ou égale à 5% du montant TTC (sous réserve de l'émission des factures dans les délais prescrits et du respect de la date de fin des travaux) (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la facture n° 21619 établie par l'entreprise E... le 10 octobre 2016, d'un montant total de 79 902,30 euros, a été acquittée par trois lettres de change successives. Le dernier règlement, d'un montant de 20 902,30 euros, a été opéré par une lettre de change émise le 14 décembre 2016 et mentionnant une date d'échéance au 15 mars 2017. Il en résulte que cette somme a été acquittée plus de deux mois après la date limite de réalisation des travaux, fixée au 14 octobre 2016. Dès lors qu'elle est supérieure à 5 % du montant toutes taxes comprises de la facture, qui constitue un ensemble indissociable, et alors même qu'elle représenterait moins de 5 % du coût des travaux de la " tranche fonctionnelle " en cause, c'est à bon droit que F... a écarté l'intégralité des dépenses correspondantes comme non éligibles. Dans ces conditions, la circonstance que le montant de 30 000 euros, mentionné dans la deuxième lettre de change, puisse être regardé comme ayant été acquitté dans les délais requis, par une remise d'escompte du 8 octobre 2016, est en tout état de cause sans incidence sur son éligibilité.

8. En quatrième lieu, le b) du point 2.2.1. de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 prise par le directeur général de F... dispose que : " Plafonnement des investissements relatifs à la construction de biens immeubles / Les dépenses éligibles en construction de biens immeubles, hors création d'un caveau, sont plafonnées à 400 €/m² (suppression du plafonnement sur la rénovation pour les dossiers déposés à compter du 1er janvier 2015). / Les dépenses éligibles au titre de la rénovation ne sont pas plafonnées. / (...) / Si l'écart est supérieur à 5 % de la surface déclarée réalisée ou si le total des factures présentées dans la demande de paiement ne couvre pas les dépenses éligibles après plafond déterminées lors de l'instruction de la demande d'aide, alors la surface déterminée est retenue pour le calcul du plafond ". Aux termes de l'article 13 de la même décision : " Date d'application de la présente décision / (...) / Les dispositions de la présente décision s'appliquent aux dossiers pour lesquels le versement du solde n'a pas été effectué à la date du 1er juillet 2015 ". Il résulte de ces dispositions que la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 du directeur général de F... s'applique aux dossiers pour lesquels le versement du solde n'a pas été effectué au 1er juillet 2015, mais que la suppression du plafonnement des investissements relatifs à la rénovation de biens immeubles ne concerne que les dossiers déposés à compter du 1er janvier 2015.

9. Il ressort des pièces du dossier que, lors du contrôle sur place, le contrôleur a relevé un écart de 42,89 % entre la surface déclarée par la société Château de la Font du Loup lors du dépôt de sa demande d'aide, soit 479,50 mètres carrés, et celle réellement utilisée pour la réalisation de l'opération, de 273,84 mètres carrés. D'une part, il résulte des surfaces mentionnées dans les documents présentés à l'appui de la demande d'aide de la société que cette dernière totalisait une superficie de 479,50 mètres carrés. Les annotations manuscrites apposées sur certains de ces documents ne permettaient pas de considérer que la demande portait sur une superficie inférieure. D'autre part, la société Château de la Font du Loup n'apporte aucun élément permettant de justifier que les travaux auraient porté en réalité sur une surface supérieure à celle qui a été retenue lors du contrôle sur place. Enfin, il est constant que son dossier a été déposé antérieurement au 1er janvier 2015. Il en résulte que la suppression du plafonnement des investissements relatifs à la rénovation de biens immeubles ne lui était pas applicable. Dans ces conditions, alors même que la société a reçu le solde de l'aide postérieurement au 1er juillet 2015, c'est à bon droit que F... a appliqué un plafonnement à raison de la différence de surface constatée.

10. Il résulte de ce qui précède que F... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a accueilli les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, du caractère éligible des dépenses visées au point 7 et de l'illégalité de l'application du plafonnement des dépenses d'investissement pour annuler la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018.

11. Toutefois, dès lors que les moyens retenus par le tribunal administratif ne permettent d'annuler la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 qu'en tant qu'elle a exclu les dépenses visées au point 5 pour le calcul du solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par cette société devant le tribunal administratif et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la dépense de travaux d'enduits correspondant à une partie de la facture n° 21503 établie par l'entreprise E... le 4 février 2015, bien que remise en cause dans le rapport de contrôle sur place, a été finalement admise par F....

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 prise par le directeur général de F... : " Recettes à déduire des dépenses éligibles / Pour les appels à projets 2014 et 2015, constituent des recettes à déduire des dépenses éligibles les ventes, locations, et autres ressources équivalentes de biens immobiliers et de matériels directement en lien avec l'investissement financé, dans la mesure où ces recettes sont perçues avant la fin de l'exercice comptable de l'opérateur au cours duquel les travaux ont été achevés. Cette règle s'applique aux biens immobiliers et aux matériels amortis ou non amortis / (...) / Toute constatation de recettes non déclarées donne lieu à déduction de l'assiette des dépenses éligibles (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la facture n° F15/5469 établie par la société H... le 8 septembre 2015, que cette dernière a offert deux fûts à la société Château de la Font du Loup à la suite de l'achat de foudres, qui constituaient un équipement subventionné. En se bornant à se prévaloir de ce que cet achat avait fait l'objet d'une facture distincte, plus de trois mois auparavant, la société intimée ne démontre pas que la recette en cause relevait d'un geste commercial de fidélisation. F... a donc pu regarder cette recette comme directement en lien avec l'investissement financé et la déduire des dépenses éligibles à l'aide sollicitée en application des dispositions citées au point 13.

15. En troisième lieu, dès lors que la dépense de 30 000 euros, correspondant à une partie de la facture n° 21619 établie par l'entreprise E..., a été à bon droit écartée comme non éligible au motif que cette facture a été en partie acquittée plus de deux mois après la date limite de réalisation des travaux, fixée au 14 octobre 2016, en méconnaissance du point 5.6 de la décision INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015, la société Château de la Font du Loup ne peut utilement se prévaloir de son éligibilité au regard du point 2.2. de cette décision.

16. Il résulte de tout ce qui précède que F... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 en tant qu'elle a exclu des dépenses autres que celles visées au point 5 et a appliqué un plafonnement des dépenses d'investissement à raison de la différence de surface constatée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

17. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, d'une part, que F... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a enjoint à son directeur général de prendre une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup prenant en compte la dépense de 30 000 euros mentionnée au point 7 et l'absence de plafonnement des dépenses d'investissement, d'autre part, que cette dernière n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, à ce que cette injonction inclue l'ensemble des dépenses invoquées et implique le versement d'une somme de 34 581,60 euros. Il s'ensuit que l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nîmes doit être limitée à la prise d'une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup incluant les dépenses visées au point 5. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction, en ce qu'elle est confirmée, d'une astreinte et de censurer le jugement sur ce point.

Sur les intérêts et la capitalisation :

18. D'une part, ainsi que le réclame, par la voie de l'appel incident, la société Château de la Font du Loup, la somme due en exécution du présent arrêt portera intérêt au taux légal à compter du 17 mai 2018, date du premier versement opéré par F..., et jusqu'à la date d'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes.

19. D'autre part, la capitalisation des intérêts a été demandée le 21 février 2022. A cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés au litige de première instance :

20. Il résulte de ce qui précède que F... n'est pas la partie perdante pour l'essentiel devant le tribunal administratif de Nîmes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font donc obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à sa charge au titre des frais liés au litige de première instance. Par suite, F... est fondé à demander l'annulation du jugement contesté en tant qu'il a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de ces dispositions.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de F..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de F....

D E C I D E :

Article 1er : La " lettre d'information solde " du 13 juin 2018 est annulée en tant seulement qu'elle a exclu les dépenses visées au point 5 pour le calcul du solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup.

Article 2 : L'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nîmes est limitée à la prise d'une nouvelle décision rectifiant le solde de l'aide attribuée à la société Château de la Font du Loup incluant les dépenses visées au point 5.

Article 3 : La somme due en exécution du présent arrêt portera intérêt au taux légal à compter du 17 mai 2018 et jusqu'à la date d'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes.

Article 4 : Ces intérêts, échus à la date du 21 février 2022, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 5 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Nîmes par la société Château de la Font du Loup sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus de la demande de la société Château de la Font du Loup présentée devant le tribunal administratif de Nîmes est rejeté.

Article 7 : Le jugement n° 1901936 du 6 juillet 2021 du tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de F... est rejeté.

Article 9 : Le surplus des conclusions de la société Château de la Font du Loup présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (F...) et à la société Château de la Font du Loup.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL03725 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03725
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. - Litiges relatifs au versement d`aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : ARCAMES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;21tl03725 ?
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