Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel le préfet de Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de douze mois.
Par un jugement n° 2301422 du 2 juin 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en date du 19 janvier 2023, a enjoint au préfet de Seine-Saint-Denis de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à Mme B..., de réexaminer, dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, son droit au séjour et de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 20 juin 2023 sous le n° 23PA02705, le préfet de Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- la demande d'asile de Mme B... enregistrée au cours de sa rétention administrative présentait un caractère dilatoire ;
- le droit d'être entendu et le caractère contradictoire de la procédure n'ont pas été méconnus ;
- Mme B... ne justifie d'aucune circonstance de nature à faire obstacle aux mesures prises à son encontre.
La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2023.
II. Par une requête enregistrée le 20 juin 2023 sous le n° 23PA02711, le préfet de Seine-Saint-Denis demande à la Cour de suspendre l'exécution de ce jugement du 2 juin 2023 du Tribunal administratif de Montreuil.
La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Topin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 23PA02705 et n° 23PA02711 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Par un arrêté du 19 janvier 2023, le préfet de Seine-Saint-Denis a obligé Mme B..., ressortissante tunisienne née le 24 avril 1986, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays vers lequel elle pourrait être reconduite et lui a interdit le retour sur le territoire français durant une période de douze mois. Le préfet de Seine-Saint-Denis relève appel du jugement n° 2301422 du 2 juin 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces décisions du 19 janvier 2023, lui a enjoint de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à Mme B... et de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen et de lui verser 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le moyen d'annulation des décisions attaquées :
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement. " Aux termes de l'article L. 521-7 du même code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile (...) /
La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. " Ces dispositions de l'article L. 542-2 auxquelles il est ainsi renvoyé prévoient que le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin " (...) 2° Lorsque le demandeur : / (...) c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale (...) ". Par ailleurs, selon l'article R. 521-1 du même code : " (...) lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. ". Enfin, selon l'article R. 521-4 de ce même code, qui a repris les anciennes dispositions de l'article R. 741-2 : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) ".
4. Les dispositions précitées ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une première demande d'asile. Hors les cas d'un ressortissant étranger formulant sa demande d'asile à la frontière ou en rétention, et hors les cas prévus aux c) et d) du 2° de l'article L. 542-2 précité, le préfet saisi d'une première demande d'asile est ainsi tenu de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7. Ces dispositions font donc nécessairement obstacle à ce que l'autorité administrative prenne une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger qui, avant le prononcé d'une telle mesure, a clairement exprimé le souhait de former une demande d'asile devant les services de police lors de son interpellation, même s'il ne s'est pas volontairement présenté devant eux, et sans égard au caractère éventuellement dilatoire d'une telle demande.
5. Il ressort des pièces du dossier que lors de son audition le 19 janvier 2023 par les services de police, Mme B... a indiqué que : " Je suis venue en France pour les vacances. Je voulais retourner en Tunisie mais j'ai eu des problèmes là-bas ils m'ont dit que j'étais recherché là-bas, on m'a dit que j'avais des problèmes avec des islamistes de l'ancien gouvernement. Je voulais faire mes papiers pour faire l'asile mais ils m'ont bloqué mes papiers ". Elle a ainsi exprimé de manière non équivoque son intention de solliciter l'asile avant que le préfet de Seine-Saint-Denis ne prenne à son encontre la mesure d'éloignement contestée. Est à cet égard sans incidence la circonstance que postérieurement à l'enregistrement de sa demande d'asile le 17 février 2023, l'Office de protection des réfugiés et des apatrides ait procédé à la clôture de son dossier par une décision du 28 avril 2023. Par suite, le préfet n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les décisions du 19 janvier 2023.
Sur la requête n° 23PA02711 :
6. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA02705 du préfet de Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement n° 2301422 du 2 juin 2023 du Tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA02711 par laquelle le préfet de Seine-Saint-Denis sollicite de la Cour le sursis à exécution de ce jugement.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 23PA02705 du préfet de Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA02711 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, présidente,
- Mme Jayer, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.
La présidente-rapporteure,
E. TOPINL'assesseure la plus ancienne,
M-D. JAYER
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieure et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 23PA02705, 23PA02711 2