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27/12/2023 | FRANCE | N°22PA03976

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 27 décembre 2023, 22PA03976


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Royal Esbly a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger, en droits, intérêts de retard et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2013.



Par un jugement n° 2013812/7 du 29 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 août 2022 et 22 févrie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Royal Esbly a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger, en droits, intérêts de retard et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2013.

Par un jugement n° 2013812/7 du 29 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 août 2022 et 22 février 2023, la société Royal Esbly, représentée par Me Matthieu Lew demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2013812/7 du 29 juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la dissolution sans liquidation de la SCI D..., qui disposait d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, lui ouvre droit à la compensation intégrale des rappels en litige ;

- les avances sur compte courant d'associés effectuées par ses filiales correspondent à des opérations de trésorerie dans le cadre d'une convention orale et non au règlement des prestations de services qu'elle a effectuées ;

- le service n'a pas apporté la preuve qui lui incombe de ce que les avances en comptes courants constituaient des encaissements ;

- les sommes portées en compte courant ont une nature de prêts et ne peuvent être assimilées à des créances commerciales ;

- à titre subsidiaire, les rappels doivent être réduits à raison de l'annulation de certaines écritures comptables par la passation d'écritures en sens contraire ;

- il convient de tenir compte des écritures de débit ;

- s'agissant du compte courant de la SCI D..., le total des crédits portés en 2012 au compte courant d'associé est passé de 3 659 006,84 euros à 3 794 102,80 euros, soit une variation de 135 098 euros au sein de laquelle figure le montant d'une facture fournisseur payée par erreur pour une somme de 97,96 euros ;

- à la clôture de l'exercice 2012, le compte client B... était à zéro ;

- les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant d'un profit sur le Trésor sont infondés du fait du caractère infondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la pénalité pour manquement délibéré est par voie de conséquence infondée, l'administration ne rapportant en tout état de cause pas la preuve de l'intention d'éluder le paiement de l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Lew, représentant la société Royal Esbly.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Royal Esbly, qui exerce une activité de holding animatrice d'un groupe informel composé des SCI A..., C... et D..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices 2010, 2011 et 2012, étendue jusqu'au 31 mars 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 31 juillet 2013, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les salaires. Elle a notamment retenu que les comptes clients de ses filiales, à qui elle facture des prestations de service d'administration et de gestion commerciale, ne font l'objet d'aucun crédit alors que les SCI effectuent par ailleurs des virements en compte courant, sans qu'existe de contrat de prêt ou de convention de trésorerie. Elle en a déduit qu'en application du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts, la société était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur les virements bancaires reçus des trois SCI à concurrence des créances clients comptabilisées. La société Royal Esbly relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ces rappels.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible...c. Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que la SAS Royal Esbly, qui exerce une activité de prestataire de services au bénéfice de ses trois filiales, disposait, en contrepartie de ses prestations, de créances sur ces filiales. Elle a reçu de celles-ci des virements qui n'ont pas été comptabilisés au crédit des comptes clients mais en avances en compte courant d'associé. En l'absence de tout élément de nature à étayer les écritures comptables et permettant de regarder les virements en cause comme des avances financières, et compte tenu de la circonstance que les sociétés à l'origine des virements étaient débitrices de la société requérante du fait des prestations qu'elle leur avaient rendues et que les sommes correspondant à ces virements ont effectivement été perçues, c'est à bon droit que l'administration a pu, sur le fondement des dispositions précitées, estimer que la taxe était due du chef de ces virements dans la limite des comptes clients des sociétés filiales. En se bornant à faire valoir que des conventions de prêts peuvent avoir un caractère oral, la société requérante n'en n'établit pas l'existence. Par ailleurs, ni les explications de la société requérante sur le fonctionnement des comptes courants d'associé, ni la circonstance que la jurisprudence judiciaire qualifierait de prêts les avances en compte courant d'associé ne sont de nature à remettre en cause le raisonnement qui précède, fondé sur l'encaissement effectif des sommes facturées, indépendamment des modalités de leur comptabilisation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". L'article L. 205 de ce livre dispose : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". En matière de taxes sur le chiffre d'affaires, la compensation s'opère globalement pour l'ensemble de la période litigieuse.

5. En se bornant à invoquer un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 448 593,56 euros dont 239 511 euros correspondant à la taxe déductible générée par le rehaussement de taxe en litige, dont aurait disposé la SCI D... le 25 novembre 2021 lors de la transmission universelle de patrimoine au profit de l'intéressée, la société ne se prévaut d'aucun élément justifiant la réduction par voie de compensation du rappel de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle a fait l'objet au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 mars 2013. En tout état de cause, les pièces produites ne permettent pas d'établir l'existence du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en cause, ni de justifier, en l'absence de tout élément de comptabilité de la SCI reflétant le traitement comptable et fiscal des flux financiers correspondants, de ce que ce la taxe déductible en cause n'aurait pas déjà été portée en déduction.

6. En troisième lieu, la société requérante conteste le profit sur le Trésor en se référant à ses contestations précédentes en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Il résulte toutefois de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en sorte que le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

8. La société requérante soutient que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'étant pas fondés, les pénalités ne lui sont pas applicables. Elle ajoute que l'administration ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel du manquement. D'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société requérante n'est pas fondée à contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée. D'autre part, il résulte de la proposition de rectification du 31 juillet 2013 que la pénalité pour manquement délibéré est motivée par la circonstance que la société requérante a fait l'objet d'une rectification de même nature lors d'un précédent contrôle, par l'importance des rappels proposés alors que la société n'a déclaré aucune taxe collectée depuis le mois d'octobre 2010, par le fait que les insuffisances déclaratives correspondent à 84 % du chiffre d'affaires qui aurait dû être déclaré en 2010 et 100 % en 2011 et 2012 et enfin par le fait que les omissions concernent plusieurs exercices consécutifs. Par ces éléments, et alors que la société Royal Esbly ne rapporte pas la preuve que ses filiales n'auraient pas déduit la taxe acquittée au titre des prestations en litige, l'administration établit le caractère délibéré de la soustraction de la requérante à ses obligations fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Royal Esbly est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Royal Esbly et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Topin, présidente,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

E. TOPIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA03976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03976
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TOPIN
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LEW

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;22pa03976 ?
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