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27/12/2023 | FRANCE | N°19NC03625

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 27 décembre 2023, 19NC03625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La clinique de l'Orangerie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler :

- la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a rejeté sa demande tendant au retrait, d'une part, de la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) et, d'autre part, de celle attribuée au titre du fonds d'intervention ré

gional (FIR) au projet Rhéna ;

- la décision implicite du ministre des solidarités et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La clinique de l'Orangerie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler :

- la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a rejeté sa demande tendant au retrait, d'une part, de la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) et, d'autre part, de celle attribuée au titre du fonds d'intervention régional (FIR) au projet Rhéna ;

- la décision implicite du ministre des solidarités et de la santé rejetant sa demande de retrait de la subvention de 20 millions d'euros attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins à l'association Rhéna.

Par un jugement n° 1704504-1801828 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2019, le 17 janvier 2020 et le 21 octobre 2021, la clinique de l'Orangerie, représentée par Me Lorit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé et la décision implicite du ministre des solidarités et de la santé ;

3°) d'enjoindre aux structures juridiques de la clinique Rhéna de restituer lesdites sommes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du tribunal administratif doit être écartée ;

- la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité du recours doit être écartée dans la mesure où le courrier du 31 janvier 2014 relatif à la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins ne fait pas grief;

- la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir compte-tenu de la nature contractuelle de l'octroi des financements litigieux au projet Rhéna doit être écartée ; la clinique n'a pas attaqué les avenants conclus aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens mais la décision expresse de l'agence régionale de santé rejetant la demande de retrait des subventions; il en va de même de l'irrecevabilité invoquée de la requête du fait du caractère indivisible des clauses de financement prévues dans les CPOM ;

S'agissant de la décision implicite du ministre des solidarités et de la santé :

- elle n'a pas fondé son moyen d'annulation sur l'absence de communication des décisions et avenants attribuant les dotations contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal ; en revanche, l'absence de communication des arrêtés d'attribution des subventions ainsi que des avenants au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'association Rhéna permet de conclure qu'ils n'ont pas été conclus en méconnaissance des dispositions des

articles L. 162-22-13 et L. 162-23-8 du code de la sécurité sociale ; aucun compte-rendu financier n'a par ailleurs été établi en méconnaissance des dispositions de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, ce qui l'empêche de vérifier la bonne utilisation des fonds ;

- la constatation de manquements dans les conditions mises à l'octroi d'une subvention entraîne, pour l'autorité administrative, l'obligation de la retirer en application de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les documents communiqués sont par ailleurs insuffisamment motivés au regard de la réglementation applicable aux catégories composant la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins ;

- la subvention litigieuse a été attribuée dans des conditions constitutives d'une fraude à la loi ; elle était conditionnée à une gestion du futur établissement à but non lucratif ainsi qu'à un objectif d'égal accès aux soins constitué par une limitation des dépassements d'honoraires des praticiens exerçant au sein de ladite clinique ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la subvention accordée est une aide d'Etat ; la subvention constituait une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée à la commission européenne, dès lors que l'association Rhéna ne constitue pas un service d'intérêt économique général (SIEG) et que le financement reçu ne respecte aucune des exigences de la décision de la Commission relatives à ces services ;

S'agissant de la décision du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand-Est :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que seul le ministre pouvait retirer les subventions accordées, tout du moins pour la subvention attribuée au titre du fonds d'intervention régional ;

- elle n'a pas fondé son moyen d'annulation sur l'absence de communication des documents relatifs à cette subvention contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal ; en revanche, l'absence de communication de la décision attributive, de l'attestation de service fait et de l'ordre de paiement de cette subvention permet de conclure que ces documents n'existent pas et donc que les conditions mises à l'octroi de la subvention n'ont pas été respectées ;

- les documents communiqués sont par ailleurs insuffisamment motivés au regard des articles R. 1435-30 et R. 1435-34 du code de la santé publique applicable à cette subvention ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu que la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins était une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification à la Commission européenne ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré du non-respect de la condition mise à l'octroi de cette subvention relative à la limitation des honoraires des praticiens exerçant au sein de la clinique Rhéna.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 septembre 2021 et le 15 novembre 2021, le groupement de coordination sanitaire (GCS) Rhéna et l'association Rhéna concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la clinique de l'Orangerie une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le tribunal administratif et la cour ne sont pas compétents pour juger ce litige qui relève de la compétence du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- le recours est irrecevable dans la mesure où la lettre du 31 janvier 2014 ne fait pas grief ;

- le recours est irrecevable dans la mesure où la clinique de l'Orangerie n'est pas recevable à agir contre le refus de retrait de clauses contractuelles indivisibles auxquelles elle est tierce ; elle ne justifie par ailleurs pas d'un intérêt lésé ;

- les demandes de communication de documents relèvent de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et non du juge de l'excès de pouvoir ;

S'agissant de la décision implicite du ministre des solidarités et de la santé :

- l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration est inapplicable au courrier du 31 janvier 2014 qui n'attribue, en lui-même, aucune subvention, et n'est pas intervenu entre le public et l'administration ; en tout état de cause, le retrait n'est que facultatif le cas échéant ; aucun des moyens invoqués par la requérante pour justifier le retrait n'est fondé ;

- cette dernière ne justifie notamment pas que les documents relatifs aux dotations contestées aurait dû lui être communiqués, ce qui a été le cas en tout état de cause ; l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 n'est applicable qu'aux seules subventions de droit commun et non à celles dédiées au financement des équipements support d'activités sanitaires qui font l'objet, d'une part, d'un contrat fixant les obligations des parties et d'autre part, d'une revue des projets d'investissement prévue chaque année par circulaire ministérielle ; en l'espèce, les revues de projet d'investissement du projet Rhéna pour les années 2015 et 2016 lui ont été communiquées ;

- l'insuffisance alléguée des documents communiqués par l'agence régionale de santé n'est pas établie ; en tout état de cause, de simples manquements formels ne sauraient fonder une décision de retrait de subvention ;

- les engagements souscrits par les parties ont été respectés ; la clinique de l'Orangerie ne démontre pas que l'avis rendu par le comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins était assorti d'une condition liée à l'obligation d'interdire les dépassements d'honoraires, ni que cet avis imposait une forme de gestion plutôt qu'une autre ;

S'agissant de la décision du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand-Est :

- seul le ministre pouvait retirer la décision du 31 janvier 2014 relative à la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins ;

- les moyens tirés de l'insuffisance de contenu des documents et du non-respect des engagements doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés en lien avec la décision implicite du ministre ;

- la circonstance que la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins serait une aide d'Etat relève de la compétence de la Commission européenne et non du juge administratif français ;sur le fond, cette aide était dispensée de l'obligation de notification à la Commission ;

- si une décision d'annulation devait être envisagée, il y aurait lieu d'en différer la date d'effet au regard des conséquences considérables qui en résulteraient.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, l'agence régionale de santé conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la clinique de l'Orangerie une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- une décision d'octroi de subvention ne peut être retirée en application de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration passé un délai de 4 mois que lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées ; les moyens tirés de l'illégalité de l'octroi de la subvention sont inopérants ;

- la communication ou même l'existence des documents dont la requérante a sollicité la production ne constitue pas une condition mise à l'octroi des subventions en litige ; en tout état de cause, les financements accordés ont tous fait l'objet de décisions formellement matérialisées et les documents sollicités ont tous été transmis à la requérante ;

- s'agissant de l'insuffisance alléguée des documents communiqués, la requérante assimile les conditions mises à l'octroi des subventions en litige aux dispositions réglementaires qui régissent la procédure de versement des subventions ;

- la clinique requérante ne conteste pas le respect des conditions mises à l'octroi des subventions accordées au titre du fonds d'intervention régionale ;

- l'association Rhéna a respecté l'ensemble de ses engagements relatifs à la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins ; les crédits alloués ont été intégralement affectés au financement de l'opération de regroupement et le planning prévisionnel des travaux a été respecté ;

- cette subvention ne saurait être regardée comme une aide d'Etat soumise à une obligation de notification.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le ministère chargé de la santé a effectué de manière annuelle un suivi et un contrôle de l'avancée des travaux à l'occasion des revues de projets d'investissement (RPI) et s'est ainsi assuré du respect des critères d'octroi de la subvention ; les critères d'octroi de l'aide étaient le respect du coût du projet, du calendrier des travaux, des surfaces et du capacitaire, et ont tous été respectés par les promoteurs du projet Rhéna ; aucun motif ne justifiait donc que le ministère fasse usage de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'insuffisance alléguée du contenu des documents exigés par la règlementation n'est pas établie ; les motifs de non-conformité invoqués par la requérante sont purement formels et insusceptibles, à les supposer établis, de remettre en cause les conditions d'octroi de la subvention pouvant justifier un retrait ;

- le montage juridique du projet n'est pas un critère retenu par le comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins ;

- il résulte de la décision 2012/21/UE de la commission du 20 décembre 2011 que des aides d'Etat sous la forme de compensations de service public octroyées à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l'obligation de notification préalable à condition qu'elles remplissent les conditions énoncées par cette décision ; tel est le cas en l'espèce.

Par une ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2021.

Un mémoire, enregistré le 1er décembre 2023, présenté pour la clinique de l'Orangerie postérieurement à la clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la décision 2012/21/UE de la Commission européenne du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides d'Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ;

- le décret n°2013-1217 du 23 décembre 2013 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Lorit pour la clinique de l'Orangerie, de Me Musset pour le groupement de coopération sanitaire Rhéna et l'association Rhéna et de Me Marceau pour l'agence régionale de santé du Grand Est.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du regroupement des cliniques privées à but non lucratif Adassa, Diaconesses et Sainte-Odile de Strasbourg sur un site géographique unique au sein d'un ensemble immobilier à construire, projet alors appelé Tamaris et devenu ensuite la clinique Rhéna, la ministre des affaires sociales et de la santé a notifié à l'agence régionale de santé (ARS) d'Alsace, par un courrier du 31 janvier 2014, l'accompagnement financier public national validé par le comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins (COPERMO) dans sa séance du 17 décembre 2013 pour un montant de 20 millions d'euros. La clinique de l'Orangerie à Strasbourg a sollicité l'annulation de cet acte devant le tribunal administratif, demande rejetée par un jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg. Par un arrêt de ce jour, la cour a confirmé le jugement du tribunal. Parallèlement à cette procédure, la clinique de l'Orangerie a saisi, le 24 mai 2017, le directeur général de l'agence régionale de santé d'une demande tendant au retrait de la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) et des subventions versées au titre du fonds intervention régional (FIR) en 2013 et 2014 pour un montant total de 2 492 519 euros. Par une décision du 12 juillet 2017, le directeur général de l'agence régionale de santé a expressément rejeté cette demande. La clinique de l'Orangerie a saisi également, le 24 mai 2017, le ministre des affaires sociales et de la santé d'une demande de retrait de la seule subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins, qui a été implicitement rejetée. La requérante a également sollicité l'annulation de ces deux décisions devant le tribunal administratif. Par un jugement du 15 octobre 2019, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Ainsi qu'il a été développé dans l'arrêt n° 19NC03624 rendu ce jour, le présent litige, en tant qu'il est relatif à l'octroi de subventions ne se rattachant pas à la détermination des tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, au sens des dispositions de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles, ne relève pas de la compétence du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale. Par suite, l'association Rhéna et le groupement de coordination sanitaire Rhéna ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est reconnu compétent pour statuer sur la requête.

3. La requérante soutient également qu'en ce qui concerne la décision implicite du ministre des solidarités et de la santé, le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la subvention accordée est une aide d'Etat. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce moyen n'était pas soulevé contre ladite décision. Elle soutient également, s'agissant de la décision du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand-Est, que le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré du non-respect de la condition mise à l'octroi de la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins relative à la limitation des honoraires des praticiens exerçant au sein de la clinique Rhéna. Cependant, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a répondu à ce moyen dans ses motifs. Les omissions à statuer invoquées manquent donc en fait.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées. ".

5. En l'espèce, il est constant que le délai de quatre mois permettant le retrait pour illégalité des décisions d'octroi des subventions litigieuses qui sont créatrices de droit était expiré à la date des demandes de la clinique de l'Orangerie, de sorte que leur retrait ne pouvait plus intervenir qu'en application du 2° de l'article L. 242-2 précité du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne la décision implicite du ministre des solidarités et de la santé :

6. En premier lieu, la clinique de l'Orangerie soutient que l'absence de communication des arrêtés d'attribution des subventions allouées après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins ainsi que des avenants au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'association Rhéna permet de conclure que ces documents n'existent pas et donc que les conditions d'octroi des subventions n'ont pas été respectées.

7. Toutefois, l'absence de communication des documents sollicités ne permet pas d'inférer leur inexistence et ne saurait, à elle seule, caractériser une éventuelle méconnaissance des conditions d'octroi des subventions. La clinique de l'Orangerie, en sa qualité de tiers, ne justifie pas à quel titre elle aurait dû avoir connaissance de ces informations, n'étant pas en charge du contrôle de l'utilisation des fonds. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les financements accordés ont tous fait l'objet de décisions prises sous la forme d'arrêtés et que tous les documents sollicités par la requérante lui ont été communiqués avec la décision attaquée du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé, y compris les résultats des contrôles réalisés, conformément aux textes applicables, par des revues annuelles des projets d'investissement. Il s'ensuit que ce premier moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, la clinique de l'Orangerie soutient que les documents communiqués sont insuffisamment motivés au regard de la réglementation applicable. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, s'agissant de la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins, l'avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens relatif aux crédits attribués au titre du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) signé le 20 mai 2015 répond aux exigences de l'article 8 du décret susvisé du 23 décembre 2013 en ce qu'il contient les informations relatives au bénéficiaire, à la nature, à l'objet, au coût prévisionnel et au calendrier de réalisation de l'opération, au montant, au taux et aux modalités de versement de la subvention, et aux informations et pièces justificatives que l'établissement communique à l'agence pour attester de la réalité de l'opération. Par ailleurs, l'engagement contractuel relatif à une dotation au titre de ce même fonds de modernisation signé le 4 juin 2012 ne porte que sur l'année 2011 et n'est pas concerné par la subvention en litige. S'agissant de la subvention versée au titre des fonds d'aide à la contractualisation (AC), elle est l'un des éléments de l'avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de l'association Rhéna du 24 décembre 2014, et c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la circulaire du 1er août 2011 relative à ces fonds d'aide à la contractualisation ne peut être regardée, dans les termes dans lesquels elle est rédigée, comme ayant un caractère réglementaire. Il s'ensuit, en tout état de cause, que le moyen soulevé manque en fait et doit être écarté.

9. En troisième lieu, ainsi qu'il a été développé dans l'arrêt n° 19NC03624 rendu ce jour, ni le décret du 23 décembre 2013 ni la circulaire interministérielle du 5 juin 2013 relative à la mise en place du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins, qui définissent les conditions d'attribution par l'Etat des subventions d'investissement aux établissements de santé, ne comportent de critères subordonnant l'octroi d'une subvention à la structure juridique du porteur de projet, à son caractère non lucratif ou à l'absence de dépassements d'honoraires par les praticiens qui y exercent. De telles conditions ne ressortent pas davantage de la lettre du 31 janvier 2014 de la ministre des affaires sociales de la santé.

10. Si ce courrier attire l'attention des porteurs de projet sur la future tarification de l'établissement pour favoriser l'accès aux soins, l'article 5 de l'avenant du 24 décembre 2014 au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'association Rhéna mentionnant ensuite que l'établissement s'engage à cette fin " en maintenant voire en développant la part des praticiens exerçant en secteur 1 ainsi qu'en encourageant les praticiens à adhérer à un contrat d'accès aux soins ", il n'est ainsi imposé, en tout état de cause, aucun mode de gestion de la future clinique de nature à atteindre cet objectif. Il n'est au demeurant pas contesté que la clinique Rhéna s'est effectivement engagée dans cette voie, dès lors qu'elle compte 30 % de praticiens en secteur 1 et 30 % de praticiens ayant signé le régime conventionnel de l'option pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), alors que la requérante ne démontre pas l'augmentation du nombre de praticiens en secteur 2 ni la baisse de praticiens en secteur 1 alléguées.

11. Enfin, il est constant que le projet a été mis en œuvre conformément au dossier présenté devant le comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins. L'association Rhéna a perçu les fonds, en sa qualité de porteur du projet immobilier, et les fonds perçus par l'association ont été intégralement affectés à la réalisation du projet. Ainsi c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de la fraude à la loi dans l'obtention de la subvention.

En ce qui concerne la décision du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé du Grand Est :

12. En premier lieu, la clinique de l'Orangerie soutient que l'absence de communication des arrêtés d'attribution des subventions litigieuses ainsi que des avenants au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'association Rhéna, s'agissant de la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins, ainsi que l'absence de communication de la décision attributive, de l'attestation de service fait et de l'ordre de paiement de la subvention allouée au titre du fonds d'intervention régional, permettent de conclure que ces documents n'existent pas et donc que les conditions d'octroi des subventions n'ont pas été respectées.

13. Toutefois, l'absence de communication des documents sollicités ne permet pas d'inférer leur inexistence et ne saurait, à elle seule, caractériser une éventuelle méconnaissance des conditions d'octroi des subventions. La clinique de l'Orangerie, en sa qualité de tiers, ne justifie pas à quel titre elle aurait dû avoir connaissance de ces informations, n'étant pas en charge du contrôle de l'utilisation des fonds. En tout état de cause, ainsi qu'il a été développé au point 7, il ressort des pièces du dossier que les financements accordés ont tous fait l'objet de décisions prises sous la forme d'arrêtés et que tous les documents sollicités par la requérante lui ont été communiqués avec la décision attaquée du 12 juillet 2017 du directeur général de l'agence régionale de santé, y compris les résultats des contrôles réalisés, conformément aux textes applicables, par des revues annuelles des projets d'investissement. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.

14. En deuxième lieu, la clinique de l'Orangerie soutient que les documents communiqués sont insuffisamment motivés au regard de la réglementation applicable. Ainsi qu'il a été indiqué au point 8, les documents communiqués relatifs à la subvention attribuée après avis du comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins comportent l'ensemble des mentions exigées par la réglementation applicable. S'agissant de la subvention attribuée au titre du fonds d'intervention régional, ce financement a fait l'objet de deux engagements contractuels conformément aux dispositions de l'article R. 1435-30 du code de la santé publique, lesquels mentionnent l'objet des actions, des expérimentations ou des structures financées, les conditions de leur prise en charge financière et de leur évaluation ainsi que les engagements pris par le bénéficiaire. Il s'ensuit, en tout état de cause, que le moyen soulevé manque en fait et doit être écarté.

15. En troisième lieu, ainsi qu'il a été développé aux point 9 à 11, il est constant que le projet a été mis en œuvre conformément au dossier présenté devant le comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins, de sorte que le moyen tiré de la fraude à la loi dans l'obtention de la subvention afférente doit être écarté.

16. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été développé dans l'arrêt n° 19NC03624 rendu ce jour, nonobstant la circonstance qu'à la date de la décision attaquée, l'établissement de santé privé " association Rhéna " n'avait pas encore été effectivement constitué, le projet dans le cadre duquel la subvention litigieuse a été accordée et qui a effectivement été mis en œuvre comportait le transfert à son profit des autorisations d'exercice des activités de soins de médecine en hospitalisation complète et soins de suite et de réadaptation détenues par les anciennes cliniques sur le nouveau site sous le statut d'établissement de santé privé d'intérêt collectif. Il entrait dès lors dans le champ des établissements de santé mentionnés au b) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. L'association s'est ainsi vu confier des obligations de service public de nature à la faire regarder comme un service d'intérêt économique général au sens des stipulations précitées du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. S'agissant en outre des conditions prévues par la décision de la Commission du 20 décembre 2011 permettant l'exemption de l'obligation de notification, l'obligation de transparence et de publication du mandat prévue par l'article 7 de la décision de la commission ne s'applique qu'aux entreprises ayant également des activités se situant en dehors du cadre général, hors activités connexes liées directement aux activités principales, alors que tel n'était pas le cas de l'association Rhéna. La clinique de l'Orangerie n'établit pas que le financement accordé aurait été disproportionné en méconnaissance de l'article 5 de la décision de la commission, alors qu'il n'est pas contesté que le montant de l'aide accordée a été déterminé de manière à permettre aux établissements d'assurer, compte tenu de leur situation financière et notamment de leur niveau d'endettement, la couverture des coûts de construction d'un nouveau bâtiment d'une superficie totale de 31 000 m² et d'une capacité de 373 lits et places. La situation financière des 3 établissements a été prise en compte pour fixer le montant de l'aide, alors qu'un recours à un nouvel emprunt aurait créé un risque majeur sur la pérennité financière de la structure. Enfin, l'attribution de l'aide nationale a bien fait l'objet d'un contrôle d'une éventuelle surcompensation conformément à l'article 6 de la décision lors des revues annuelles des projets d'investissement, qui permettent de s'assurer de l'évolution des coûts, du respect des surfaces et des plannings, lesquelles n'ont pas mis en lumière de difficultés particulières. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la subvention litigieuse était dispensée de l'obligation de notification à la Commission européenne.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la clinique de l'Orangerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la clinique de l'Orangerie au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la clinique de l'Orangerie à verser une somme globale de 2 000 euros à l'association Rhéna et au groupement de coordination sanitaire Rhéna.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la clinique de l'Orangerie est rejetée.

Article 2 : La clinique de l'Orangerie versera à l'association Rhéna et au groupement de coordination sanitaire Rhéna une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la clinique de l'Orangerie, au ministre de la santé et de la prévention, au groupement de coopération sanitaire Rhéna et à l'association Rhéna.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 19NC03625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03625
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : LORIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;19nc03625 ?
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