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27/12/2023 | FRANCE | N°19NC03624

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 27 décembre 2023, 19NC03624


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La clinique de l'Orangerie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 janvier 2014 par laquelle la ministre des affaires sociales et de la santé a notifié à l'agence régionale de santé (ARS) d'Alsace une délégation prévisionnelle de crédits accordée au projet Tamaris, devenu le projet Rhéna.



Par un jugement n° 1700361 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2019, le 17...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La clinique de l'Orangerie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 janvier 2014 par laquelle la ministre des affaires sociales et de la santé a notifié à l'agence régionale de santé (ARS) d'Alsace une délégation prévisionnelle de crédits accordée au projet Tamaris, devenu le projet Rhéna.

Par un jugement n° 1700361 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2019, le 17 janvier 2020 et le 21 octobre 2021, la clinique de l'Orangerie, représentée par Me Lorit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du 31 janvier 2014 de la ministre des affaires sociales et de la santé ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de récupérer la subvention versée auprès de l'association Rhéna ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour statuer dès lors que le présent litige s'analyse en une demande classique d'annulation d'une subvention illégalement accordée ;

- le courrier du 31 janvier 2014 attaqué fait grief dès lors qu'il est le seul document formalisant l'attribution de la subvention ;

- elle n'a pas entendu diriger son recours contre des actes contractuels mais uniquement contre la décision initiale décidant l'attribution de la subvention ;

- sa demande de première instance n'était pas tardive dès lors que la décision du 31 janvier 2014 ne lui a été notifiée à la clinique de l'Orangerie que par un courrier du 21 novembre 2016 ne mentionnant pas les voies et délais de recours ;

- la subvention litigieuse a été attribuée dans des conditions constitutives d'une fraude à la loi ; elle était conditionnée à une gestion du futur établissement à but non lucratif ainsi qu'à un objectif d'égal accès aux soins constitué par une limitation des dépassements d'honoraires des praticiens exerçant au sein de ladite clinique, tel n'étant pas le cas ;

- la subvention constituait une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée à la commission européenne, dès lors que l'association Rhéna ne constitue pas un service économique d'intérêt général (SIEG) et que le financement reçu ne respecte aucune des exigences de la décision SIEG de la commission du 20 décembre 2011 ; il appartient en conséquence au juge d'en ordonner la récupération par l'Etat.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 septembre 2021 et le 15 novembre 2021, le groupement de coordination sanitaire (GCS) Rhéna et l'association Rhéna concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la clinique de l'Orangerie une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le tribunal administratif et la cour ne sont pas compétents pour juger ce litige qui relève de la compétence du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- le recours est irrecevable dans la mesure où l'acte attaqué ne fait pas grief ;

- en sa qualité de tiers et en l'absence d'intérêt direct et certain, la requérante n'est pas recevable à agir contre les clauses contractuelles obligeant le GCS et Rhéna ; le recours est également irrecevable en raison du caractère indivisible des clauses de financement des aides à la contractualisation (AC) et de celles versées au titre du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) prévues dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) ;

- le recours est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- la décision attaquée n'est pas entachée de fraude à la loi ni d'erreur manifeste d'appréciation ; il ne ressort d'aucune pièce que le caractère lucratif ou non de l'une ou l'autre des structures aurait été une condition de l'appréciation du projet ; la clinique de l'Orangerie ne démontre pas que l'avis du comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins (COPERMO) était assorti d'une condition liée à l'obligation d'interdire les dépassements d'honoraires, ni que cet avis imposait une forme de gestion plutôt qu'une autre ; l'attribution des fonds à l'association Rhéna est cohérente dès lors qu'elle est porteuse du projet immobilier et que c'est elle qui a perçu les fonds et non le GCS Rhéna ; les fonds ont été dûment affectés à leur objet et la lettre comme l'esprit de la décision litigieuse ont été intégralement respectés ; l'association Rhéna a respecté les termes de son engagement contractuel du 24 décembre 2014 de s'engager à favoriser l'accès aux soins des habitants en maintenant voire en développant la part des praticiens exerçant en secteur 1, ainsi qu'en encourageant les praticiens à adhérer à un contrat d'accès aux soins ;

- la circonstance que la subvention litigieuse serait une aide d'Etat relève de la compétence de la Commission européenne et non de la juridiction administrative ; elle était dispensée de l'obligation de notification à la commission ; les conditions prévues par la décision de la Commission du 20 décembre 2011 ont été respectées ;

- si une décision d'annulation devait être envisagée, il y aurait lieu d'en différer la date d'effet au regard des conséquences considérables qui en résulteraient.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conditions d'attribution par l'Etat des subventions d'investissement aux établissements de santé sont définies par le décret n° 2013-1217 du 23 décembre 2013 relatif au fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés et la circulaire interministérielle du 5 juin 2013 relative à la mise en place du comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins ; tous les établissements de santé, quels que soient leur statut et leurs modes de tarification, peuvent solliciter une subvention d'investissement au titre de cette procédure ; en outre, le montage juridique permettant la création de la clinique Rhéna s'est effectué progressivement, en toute transparence ; un tel critère n'a pas été retenu par le comité ; par ailleurs, il est erroné de prétendre que l'une des conditions de l'allocation résidait dans l'engagement des promoteurs en faveur d'une limitation des dépassements d'honoraires ;

- il résulte de la décision 2012/21/UE de la commission du 20 décembre 2011 que des aides d'Etat sous la forme de compensations de service public octroyées à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l'obligation de notification préalable à condition qu'elles remplissent les conditions énoncées par cette décision.

Par une ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2021.

Un mémoire, enregistré le 4 décembre 2023, présenté pour la clinique de l'Orangerie postérieurement à la clôture d'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la décision 2012/21/UE de la Commission européenne du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides d'Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ;

- le décret n° 2013-1217 du 23 décembre 2013 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

- et les observations de Me Lorit pour la clinique de l'Orangerie et de Me Musset pour le groupement de coopération sanitaire Rhéna et l'association Rhéna.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du regroupement des cliniques privées à but non lucratif Adassa, Les diaconesses et Sainte-Odile de Strasbourg sur un site unique au sein d'un ensemble immobilier à construire, projet alors appelé Tamaris et devenu ensuite la clinique Rhéna, la ministre des affaires sociales et de la santé a notifié à l'agence régionale de santé (ARS) d'Alsace, par un courrier du 31 janvier 2014, l'accompagnement financier public national validé par le comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins (COPERMO) dans sa séance du 17 décembre 2013 pour un montant de 20 millions d'euros. La clinique de l'Orangerie à Strasbourg a sollicité l'annulation de cet acte devant le tribunal administratif. Par un jugement du 15 octobre 2019, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les recours dirigés contre les décisions prises par le représentant de l'Etat dans le département, le représentant de l'Etat dans la région, le directeur général de l'agence régionale de santé et le président du conseil départemental, séparément ou conjointement, ainsi que par le président du conseil régional et, le cas échéant, par les ministres compétents, déterminant les dotations globales, les dotations annuelles, les forfaits annuels, les dotations de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les remboursements forfaitaires, subventions obligatoires aux établissements de santé mentionnés à l'article L. 4383-5 du code de la santé publique les prix de journée et autres tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux de statut public ou privé et d'organismes concourant aux soins, sont portés, en premier ressort, devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale. ".

3. Si la subvention en cause a été versée non seulement sous la forme d'une aide en capital sur une ligne du fonds de modernisation des établissements publics et privés (FMESPP), mais aussi au titre du fonds des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), il ressort des pièces du dossier qu'elle constitue en l'espèce une aide à l'investissement destinée à la construction de l'ensemble immobilier devant former la nouvelle clinique Rhéna. Le litige relatif à cet accompagnement financier national ne se rattache ainsi pas à la détermination des tarifs des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, au sens des dispositions de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles citées ci-dessus. Il ne relève donc pas de la compétence du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale, mais se rattache au contentieux des subventions relevant de la juridiction administrative de droit commun. Par suite, l'association Rhéna et le groupement de coordination sanitaire Rhéna ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est reconnu compétent pour statuer sur la demande.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la clinique de l'Orangerie soutient que la subvention litigieuse a été attribuée dans des conditions constitutives d'une fraude à la loi dès lors qu'elle était conditionnée à une gestion à but non lucratif du futur établissement ainsi qu'à un objectif d'égal accès aux soins constitué par une limitation des dépassements d'honoraires des praticiens exerçant au sein de ladite clinique, conditions qui n'auraient pas été respectées.

5. Il ressort des pièces du dossier que, si les fonctions de soutien sont assurées par un groupement de coordination sanitaire de moyens, les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) de la clinique sont exercées, d'une part, par l'association Rhéna, association de droit privé à but non lucratif bénéficiaire du statut d'établissement de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC) et soumise à l'échelle tarifaire publique, dont les médecins salariés ne pratiquent pas de dépassements d'honoraires, et, d'autre part, par le groupement de coordination sanitaire Rhéna, établissement de santé privé également à but non lucratif mais qui relève de l'échelle tarifaire privée et porte des activités de soins pour lesquelles des dépassements d'honoraires sont susceptibles d'être pratiqués par les médecins libéraux en secteur 2 qui le composent.

6. Ni le décret du 23 décembre 2013 visé ci-dessus ni la circulaire interministérielle du 5 juin 2013 relative à la mise en place du comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins (COPERMO), qui définissent les conditions d'attribution par l'Etat des subventions d'investissement aux établissements de santé, ne comportent de critères subordonnant l'octroi d'une subvention à la structure juridique du porteur de projet, à son caractère non lucratif ou à l'absence de dépassements d'honoraires par les praticiens qui y exercent. De telles conditions ne ressortent pas davantage de l'acte attaqué du 31 janvier 2014 du ministre des affaires sociales et de la santé.

7. Si ce courrier attire l'attention des porteurs du projet sur la future tarification de l'établissement pour favoriser l'accès aux soins, l'article 5 de l'avenant du 24 décembre 2014 au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'association Rhéna mentionnant que l'établissement s'engage à cette fin " en maintenant voire en développant la part des praticiens exerçant en secteur 1 ainsi qu'en encourageant les praticiens à adhérer à un contrat d'accès aux soins ", il n'est ainsi imposé, en tout état de cause, aucun mode de gestion de la future clinique de nature à atteindre cet objectif. Il n'est au demeurant pas contesté que la clinique Rhéna s'est effectivement engagée dans cette voie dès lors qu'elle compte 30 % de praticiens en secteur 1 et 30 % de praticiens ayant signé le régime conventionnel de l'option pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), alors que la requérante ne démontre pas l'augmentation du nombre de praticiens en secteur 2 ni la baisse du nombre de praticiens en secteur 1 alléguées.

8. Enfin, il est constant que le projet a été mis en œuvre conformément au dossier présenté devant le comité interministériel de performance et de modernisation de l'offre de soins. L'association Rhéna a perçu les fonds, en sa qualité de porteur du projet immobilier, et ceux-ci ont été intégralement affectés à la réalisation du projet.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de la fraude à la loi dans l'obtention de la subvention.

10. En second lieu, la clinique de l'Orangerie soutient que la subvention litigieuse constituait une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée à la commission européenne, dès lors que l'association Rhéna ne justifie pas assurer des missions de service public de nature à la faire regarder comme chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général au sens de la décision 2012/21/UE de la Commission du 20 décembre 2011.

11. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie (...) ". Aux termes de l'article 107 de ce traité : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...). ". Selon le paragraphe 3 de l'article 108 du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. ".

12. Il résulte tout d'abord de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet. L'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées ont institué des aides d'Etat au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, c'est à bon droit que le Tribunal s'est reconnu compétent pour apprécier le moyen soulevé.

13. Ainsi que l'a relevé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 22 octobre 2015 dans l'affaire C-185-14, il résulte de la décision 2012/21/UE de la Commission du 20 décembre 2011 que des aides d'Etat sous la forme de compensations de service public octroyées à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l'obligation de notification préalable à condition qu'elles remplissent les conditions mentionnées par cette décision. Celle-ci énonce, selon son article 1er, " les conditions en vertu desquelles les aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général sont compatibles avec le marché intérieur et exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 108, paragraphe 3, du traité " et s'applique, selon son article 2, " aux aides d'État sous forme de compensations de service public accordées à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général au sens de l'article 106, paragraphe 2, du traité, et qui relèvent d'une des catégories suivantes: / (...) b) compensations octroyées à des hôpitaux fournissant des soins médicaux (...) ".

14. Il résulte des dispositions du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, dans leur rédaction applicable à la date des arrêtés attribuant les subventions litigieuses, que cette rédaction soit antérieure à la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ou qu'elle en soit issue, que les établissements de santé publics ou privés mentionnés aux a, b et c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale doivent être regardés comme s'étant vu confier des obligations de service public au sens de l'arrêt rendu le 24 juillet 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Altmark Trans GmbH C-280/00, relatif aux aides versées sous forme de compensations représentant la contrepartie d'obligations de service public. Il résulte en outre des dispositions de l'article L. 6114-1 du code de la santé publique que ces établissements doivent conclure avec l'agence régionale de santé un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, qui doit être regardé comme le mandat exigé par l'article 4 de la décision de la Commission du 20 décembre 2011. Le guide méthodologique pour l'élaboration de ces contrats, élaboré par le ministre de la santé à l'intention des agences régionales de santé et des établissements de santé, précise les mentions qui doivent y figurer pour satisfaire aux exigences de cette décision.

15. Ainsi qu'il a été dit et nonobstant la circonstance qu'à la date de la décision attaquée, l'établissement de santé privé " association Rhéna " n'avait pas encore été effectivement constitué, le projet dans le cadre duquel la subvention litigieuse a été accordée et qui a effectivement été mis en œuvre comportait le transfert à son profit des autorisations d'exercice des activités de soins de médecine en hospitalisation complète et de soins de suite et de réadaptation détenues par les anciennes cliniques sur le nouveau site sous le statut d'établissement de santé privé d'intérêt collectif. Il entrait dès lors dans le champ des établissements de santé mentionnés au b) de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. L'association s'est ainsi vu confier des obligations de service public de nature à la faire regarder comme un service d'intérêt économique général au sens des stipulations précitées du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

16. La requérante soutient cependant que les conditions prévues par la décision de la Commission du 20 décembre 2011 permettant l'exemption de l'obligation de notification ne sont pas réunies. Toutefois, l'obligation de transparence et de publication du mandat prévue par l'article 7 de la décision de la commission ne s'applique qu'aux entreprises ayant également des activités se situant en dehors du cadre général, hors activités connexes liées directement aux activités principales, alors que tel n'était pas le cas de l'association Rhéna. La clinique de l'Orangerie n'établit pas que le financement accordé aurait été disproportionné en méconnaissance de l'article 5 de la décision de la commission, alors qu'il n'est pas contesté que le montant de l'aide accordée a été déterminé de manière à permettre aux établissements d'assurer, compte tenu de leur situation financière et notamment de leur niveau d'endettement, la couverture des coûts de construction d'un nouveau bâtiment d'une superficie totale de 31 000 m² et d'une capacité de 373 lits et places. La situation financière des trois établissements a été prise en compte pour fixer le montant de l'aide, alors qu'un recours à un nouvel emprunt aurait créé un risque majeur sur la pérennité financière de la structure. Enfin, l'attribution de l'aide nationale a fait l'objet d'un contrôle d'une éventuelle surcompensation conformément à l'article 6 de la décision lors des revues annuelles des projets d'investissement, qui permettent de s'assurer de l'évolution des coûts, du respect des surfaces et des plannings, lesquelles n'ont pas mis en lumière de difficultés particulières.

17. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la subvention litigieuse était dispensée de l'obligation de notification à la Commission européenne.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en première instance, que la clinique de l'Orangerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'acte attaqué ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la clinique de l'Orangerie au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la clinique de l'Orangerie à verser une somme globale de 3 000 euros à l'association Rhéna et au groupement de coordination sanitaire Rhéna.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la clinique de l'Orangerie est rejetée.

Article 2 : La clinique de l'Orangerie versera à l'association Rhéna et au groupement de coordination sanitaire Rhéna une somme globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la clinique de l'Orangerie, au ministre de la santé et de la prévention, au groupement de coopération sanitaire Rhéna et à l'association Rhéna.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 19NC03624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03624
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : LORIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;19nc03624 ?
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