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22/12/2023 | FRANCE | N°23PA03381

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 23PA03381


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer la décision du 9 décembre 2021 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, le compte de campagne déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la région Grand Est pour y réintégrer la somme de 54 457 euros qu'elle en a retranchée, et de fixer le montant du remboursement

dû par l'État à la somme de 901 411 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer la décision du 9 décembre 2021 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, le compte de campagne déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la région Grand Est pour y réintégrer la somme de 54 457 euros qu'elle en a retranchée, et de fixer le montant du remboursement dû par l'État à la somme de 901 411 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement avec capitalisation.

Par un jugement n° 2202453 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande en fixant le montant du remboursement dû par l'État à M. C... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 873 896 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, M. B... C..., représenté par Me Vos, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 2202453 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en ce qu'il a écarté la somme de 12 880 euros des dépenses présentant un caractère électoral et fixé le montant du remboursement dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 873 896 euros ;

2°) de fixer le montant du remboursement dû par l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 901 411 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce que les premiers juges n'ont pas explicité la raison de la réintégration dans les seules dépenses du compte de campagne, et non également dans les recettes, de la somme par eux retenue au titre des dépenses électorales omises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

- le tribunal administratif a méconnu le droit électoral et entaché sa décision d'une erreur matérielle manifeste, dans la mesure où, s'il a bien réintégré en dépenses les sommes susvisées, il ne les a pas corrélativement réintégrées en recettes, ce qui vient réduire d'autant le montant de l'apport personnel du candidat, alors même que ces dépenses ont bien été réglées sur cet apport personnel ;

- la somme de 12 880 euros correspondant aux frais de flocage, nettoyage et transport d'un véhicule n'était pas irrégulière, dès lors que les dispositions de l'article L. 51 du code électoral ne sont pas applicables en l'espèce, et présente donc le caractère d'une dépense électorale, de sorte qu'elle devait être prise en compte dans la détermination du montant du remboursement à eux dû par l'État.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2023, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- le remboursement de suppléments de conditionnement et de transport d'affiches est contraire aux dispositions de l'arrêté du 7 mai 2021 et le requérant ne remplit pas les conditions résultant de l'avis du Conseil d'Etat du 11 octobre 2022 ;

- la requête est fondée en tant qu'elle critique la réintégration uniquement en " dépenses ", de diverses sommes dans le compte de campagne en cause ;

- les frais de flocage d'un bus, qui constituent une dépense d'affichage irrégulière, ont été retranchés à bon droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Vos, avocat de M. C...,

- et les observations de Mme A..., pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 9 décembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé après réformation le compte de campagne déposé par M. B... C..., candidat tête de liste dans la région Grand Est à l'élection des conseillers régionaux qui s'est déroulée les 20 et 27 juin 2021, en arrêtant le montant des dépenses à 861 780 euros, celui des recettes à 888 722 euros et le remboursement dû par l'État à 846 954 euros. M. C... a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer cette décision, pour réintégrer dans l'assiette des dépenses prises en compte pour le calcul du remboursement dû par l'État la somme de 54 457 euros, et de fixer en conséquence le montant de ce remboursement à la somme de 901 411 euros. Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande en fixant le montant du remboursement qui lui est dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à la somme de 873 896 euros.

2. M. C... relève appel de ce jugement et demande à la Cour de le réformer, en ce qu'il a écarté la somme de 12 880 euros des dépenses présentant un caractère électoral et fixé le montant du remboursement dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à 873 896 euros.

3. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I. Chaque (...) candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...). / Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par (...) le candidat tête de liste ou pour son compte, à l'exclusion des dépenses de la campagne officielle. / Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) / Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission. (...) ".

4. Les dépenses électorales susceptibles de faire l'objet, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat sont celles qui ont pour finalité l'obtention des suffrages des électeurs. Il appartient au juge de se prononcer sur le droit au remboursement du candidat et de réformer le cas échéant son compte de campagne, en arrêtant le montant du remboursement auquel le candidat peut prétendre de la part de l'État.

5. En premier lieu, le requérant soutient que la somme de 12 880 euros correspondant aux frais de flocage d'un véhicule n'était pas irrégulière, dès lors que les dispositions de l'article L. 51 du code électoral ne sont pas applicables en l'espèce, et qu'elle présente donc le caractère d'une dépense électorale, de sorte qu'elle devait être prise en compte dans la détermination du montant du remboursement dû par l'État.

6. Aux termes de l'article L. 51 du code électoral : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe. / En cas d'affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d'office des affiches ". L'article L. 90 du même code dispose en outre que l'amende de 9 000 euros prévue à son premier alinéa " sera également applicable à toute personne qui aura contrevenu aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 51 ".

7. Il résulte de l'instruction que M. C... a utilisé dans le cadre de sa campagne un bus qui a circulé pendant la période précédant les élections régionales dans toute la circonscription, revêtu d'un flocage illustré notamment par sa photographie et celle de la présidente de son parti politique ainsi que par un slogan. Alors même que les candidats demeurent libres de signaler au public, par les moyens appropriés, la présence de leur permanence de campagne électorale installée à bord d'un véhicule et circulant dans la circonscription, lorsqu'il se trouve à l'arrêt, le flocage de ce véhicule, sur de larges dimensions, mentionnant le nom des candidats ainsi que la nature et les dates de l'élection à venir, illustré de leur photographie et comportant un slogan invitant à voter pour eux, excédait ce qui était nécessaire au simple signalement à la vue du public de la présence d'une permanence électorale, même mobile.

8. Ce flocage devant être regardé comme constituant un affichage électoral apposé en dehors des emplacements autorisés à cette fin, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 51 du code électoral, les dépenses y afférentes sont irrégulières et le requérant n'est donc pas fondé à demander la réintégration dans son compte de campagne de la somme de 12 880 euros correspondant aux frais de flocage de ce véhicule.

9. En second lieu, lorsqu'il décide de réformer la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour réintégrer des sommes qui ont été retranchées des dépenses comptabilisées dans le compte de campagne du candidat, le juge doit également procéder à la réintégration des sommes que la commission a, au même titre, retranchées des recettes et de l'apport personnel du candidat. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, dont seul le bien-fondé, et non la régularité, se trouve ainsi affecté, le tribunal s'est contenté de réintégrer certaines dépenses dans son compte de campagne, sans réintégrer les recettes ni l'apport personnel correspondants.

10. Compte tenu de la réintégration, qui n'est pas utilement contestée en appel par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de dépenses à hauteur de 41 577 euros à laquelle le tribunal administratif a procédé, il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander que son compte de campagne soit établi à la somme de 903 357 euros en dépenses et à la somme de 930 299 euros en recettes, dont 928 353 euros d'apport personnel. Le requérant, dont la liste a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, a droit, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, à un remboursement forfaitaire dont le montant est égal au moins élevé des trois montants suivants, à savoir 47,5 % du plafond légal des dépenses, soit 926 217 euros, le montant des dépenses de caractère électoral, soit 903 357 euros, ou le montant de son apport personnel diminué de l'excédent du compte, soit 901 411 euros. Par suite, le montant du remboursement forfaitaire de l'État auquel M. C... a droit doit être fixé à 901 411 euros et ce dernier est fondé à demander que le jugement attaqué soit réformé dans cette mesure.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le compte de campagne de M. C..., déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la région Grand Est, est modifié conformément au point 10 du présent arrêt.

Article 2 : Le montant du remboursement dû par l'État à M. C... en application de l'article L. 52-1-1 du code électoral est fixé à la somme de 901 411 euros.

Article 3 : Le jugement du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, conseillère d'État, présidente de la Cour,

- M. D..., premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03381
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL LVI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23pa03381 ?
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