Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n° 2216960 du 27 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, M. B... A..., représenté par Me Semak, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2216960 du 27 janvier 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros HT soit 2 400 euros TTC au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Concernant la régularité du jugement :
- il est insuffisamment motivé ;
Concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa demande ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré du défaut de saisine pour avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Concernant la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa demande ;
- elle méconnaît les dispositions des article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Concernant la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa demande ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Concernant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa demande ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par une décision du 28 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis M. D... E... B... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... E... B... A..., ressortissant péruvien, né le 13 octobre 1986 et entré en France en mai 2022, a été interpellé le 20 novembre 2022 pour des faits de violence avec arme, détention de produits stupéfiants et situation irrégulière sur le territoire français. Par un arrêté du
21 novembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. M. B... A... fait appel du jugement du 27 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2.Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / [...] 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de son procès-verbal d'audition en date du
20 novembre 2022, réalisé pendant sa garde à vue, que le requérant a, à quatre reprises au cours de cette audition, indiqué être porteur du VIH, évoquant d'ailleurs son souhait d'être suivi médicalement en France pour cette pathologie. Dans ces conditions il appartenait à l'autorité administrative de recueillir l'avis d'un médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration, en application des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avant de prononcer l'obligation de quitter le territoire français contestée. Il s'ensuit que M. B... A... est fondé à soutenir que cette mesure d'éloignement est entachée d'illégalité, de même que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays à destination, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
4. Il résulte dès lors ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ainsi que les autres moyens de la requête, que M. B... A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, des décisions lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5.Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution(...) " ; Aux termes de l'article L911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (....) ". Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur le cas de M. B... A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de se prononcer à nouveau sur la situation de M. B... A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième aliéna de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Me Semak, conseil de
M. B... A..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2216960 du 27 janvier 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 21 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de la situation de M. B... A..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me Semak, conseil de M. B... A... D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles du deuxième aliéna de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... B... A..., au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
La rapporteure,
M-I. C...
Le président,
I. LUBEN
La greffière
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01294