Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022, par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2206584 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 25 mars et 9 mai 2023 ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 28 novembre 2023 et non communiqué, Mme B..., représentée par Me Bozize, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206584 du 6 décembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2022 de la préfète du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans le même délai et sous la même astreinte, en lui délivrant durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle a été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui la fonde ;
- cette décision a été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire qui la fondent ;
- cette décision a été prise en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
La requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Bozize, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 10 décembre 1989, déclare être entrée en France le 25 juillet 2012. Par un arrêté du 24 mai 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
3. Mme B... soutient que la préfète du Val-de-Marne était tenue de saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans. La préfète a estimé que la requérante n'était pas en mesure d'attester de façon probante l'ancienneté de sa résidence pour la période allant d'août 2012 à mai 2014. Toutefois, les pièces produites par Mme B... pour justifier de sa résidence habituelle en France au cours de cette période, consistant notamment, en un certificat de dépôt de sa demande d'asile mentionnant une date d'entrée en France le 25 juillet 2012, une attestation de domiciliation postale à compter du 3 août 2012 ainsi qu'une offre de prise en charge d'hébergement du 21 novembre 2012, le récépissé de dépôt d'une demande d'asile le 10 décembre 2012, l'ouverture d'un compte bancaire le 24 décembre 2012, une inscription à Pôle Emploi en date du 11 janvier 2013, des relevés bancaires sur lesquels figurent des mouvements de février 2013 à mai 2014, deux attestations de remboursement de l'Assurance maladie en juin 2013 et avril 2014, deux attestations relatives à la couverture maladie universelle du 1er mars 2013 au 28 février 2014 et du 1er mars 2014 au 28 février 2015 ainsi qu'une échographie de grossesse en date du 27 mai 2014, constituent un ensemble d'éléments de justification attestant, de manière suffisamment probante, de l'ancienneté et de la continuité de la présence de l'intéressée sur le territoire français pour démontrer le caractère habituel de la résidence de Mme B... sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige. Ainsi, en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour, ce qui constitue une garantie pour la requérante, préalablement au rejet de la demande de titre de séjour de Mme B..., la préfète a entaché sa décision d'un vice de procédure.
4. Le refus de titre de séjour opposé à Mme B... étant ainsi entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti, au demeurant illégale dès lors que Mme B... est, contrairement à ce que mentionne l'arrêté litigieux, mère d'un enfant français, doit, par voie de conséquence, également être annulée, de même que la décision fixant le pays de destination.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Aucun des autres moyens soulevés n'étant de nature à fonder l'annulation de la décision, il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir saisi la commission du titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B..., Me Bozize, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2206584 du 6 décembre 2022 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer la demande de Mme B... en procédant à la saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de Mme B..., Me Bozize, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01248 2