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22/12/2023 | FRANCE | N°23MA01624

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 22 décembre 2023, 23MA01624


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2210180 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une

requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juin et 26 octobre 2023, sous le n° 23MA01624, Mme C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2210180 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juin et 26 octobre 2023, sous le n° 23MA01624, Mme C..., représentée par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Leonhardt sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour :

- elle est entachée de vice de procédure tiré de la violation des dispositions du 1° de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la privant ainsi d'une garantie ;

- elle viole les dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle peut bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de Mme C....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les observations de Me Leonhardt pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., de nationalité marocaine et née le 8 octobre 2002, a été confiée à la cousine de sa mère, Mme A... résidant en France, par un acte de kafala du 14 novembre 2018. Elle est entrée sur le territoire national le 28 août 2019, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " visiteur ", valable jusqu'au 26 juillet 2020. Après sa majorité, elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", valable jusqu'au 25 janvier 2022. Le 12 mai 2022, elle en a sollicité le renouvellement et a demandé un changement de statut pour obtenir un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 25 octobre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme C... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., a été confiée à la cousine de sa mère, Mme A... résidant en France, par un acte de kafala du 14 novembre 2018. Elle est entrée sur le territoire national le 28 août 2019, à l'âge de seize ans, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " visiteur ", valable jusqu'au 26 juillet 2020. Après sa majorité, elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", valable jusqu'au 25 janvier 2022. Le 8 juin 2022, l'assistante sociale de son lycée a adressé au procureur de la République un signalement d'élève en danger la concernant, ainsi qu'une demande d'accueil provisoire " jeune majeure " auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département des Bouches-du-Rhône. Mme C... a été prise en charge par ces services depuis le 20 juin 2022 dans le cadre d'un contrat d'aide à un jeune majeur et poursuit ses études en vue d'obtenir un BTS " métiers de la chimie " depuis septembre 2022, après l'obtention de son baccalauréat professionnel avec la mention assez bien. Le 22 septembre 2022, la requérante a porté plainte contre Mme A... pour des faits constitutifs de l'infraction de traite des êtres humains à des fins d'exploitation domestique. Les faits invoqués par Mme C... sont corroborés par le témoignage circonstancié d'une assistante sociale. A la date de l'arrêté contesté, cette plainte était toujours en attente de décision, ainsi qu'il ressort des mentions d'un courrier du procureur de la République du 23 juin 2023. Par ailleurs, l'appelante a rompu tout lien avec Mme A.... D... professeurs, ainsi que l'association Fouque attestent qu'elle est une étudiante sérieuse et assidue qui s'est parfaitement intégrée au sein de sa classe et témoignent de son insertion effective en France. Par suite, en rejetant sa demande d'admission au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

5. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône implique nécessairement, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, qu'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " soit délivré à Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 mai 2023. Par suite, son avocate, Me Leonhardt, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leonhardt renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 25 octobre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait, de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Leonhardt la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leonhardt renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... C..., à Me Leonhardt et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

N° 23MA01624 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01624
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23ma01624 ?
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