Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2210673 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023, M. B..., représenté par Me Paccard, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive et est donc recevable ;
- le tribunal administratif de Marseille a écarté à tort les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 432-13, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 22 février 1965, relève appel du jugement du 31 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'admission au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Par une décision du 30 juin 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce que la cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié : " (...) Les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
5. En l'espèce, M. B..., dont la copie du passeport valable de juin 2004 à juin 2009 fait apparaître un visa Schengen valable du 1er au 21 août 2004 avec pour seul tampon celui d'entrée à l'aéroport de Marseille le 2 août 2004, déclare être entré pour la dernière fois en France à cette date et s'y être maintenu continuellement depuis. Toutefois, les justificatifs qu'il produit, composés pour l'essentiel de justificatifs de transferts de fonds vers la Tunisie, et notamment au bénéfice de son épouse y résidant, de factures, de courriers destinés aux services de la préfecture des Bouches-du-Rhône, de ses déclarations d'avis de non-imposition, de quelques pièces médicales, ainsi que de nombreuses attestations dépourvues de précisions suffisantes quant à leur contenu, et de décisions d'admission à l'aide médicale d'État, sont insuffisantes, eu égard à leur nature, pour démontrer une présence habituelle en France durant toute la période alléguée. Les copies des passeports dont il a été titulaire pour les périodes de juin 2004 à juin 2009, d'août 2012 à août 2017 et de juillet 2017 à juillet 2022 sont incomplètes. En outre, si l'intéressé, âgé de 57 ans à la date de l'arrêté en litige, invoque la présence en France de son fils, titulaire d'une carte de résident, de sa belle-fille de nationalité française, qui l'hébergent depuis 2021, de l'enfant de ce couple née en février 2022, ainsi que de plusieurs cousins, il ressort par ailleurs des pièces du dossier que son épouse et un autre de ses fils résident en Tunisie et qu'il subvient aux besoins de cette dernière en lui adressant de nombreux versements d'argent depuis 2013, révélant ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, qu'il n'a pas rompu tout lien avec sa famille restée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors qu'il ne justifie d'aucune insertion socioprofessionnelle particulière, M. B..., qui s'est maintenu sur le territoire français malgré l'édiction à son encontre d'un arrêté du 4 octobre 2017 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par une ordonnance de la cour du 20 juin 2018, ne peut être regardé comme ayant établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, écarté les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions et de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. Aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
7. Si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En l'espèce, le requérant n'invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'au titre de sa vie privée et familiale.
8. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 5 du présent arrêt, M. B... ne justifie pas de la réalité de sa présence continue sur le territoire, comme il l'allègue, ou même habituelle sur toute la période depuis le 2 août 2004, et ne démontre pas y avoir transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par ailleurs, il ne fait pas état de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, ou même d'autres éléments qui seraient de nature à l'admettre exceptionnellement au séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ".
10. L'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Au nombre de ces dispositions figurent notamment les dispositions du 1e de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui font obligation au préfet de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls ressortissants étrangers qui remplissent effectivement les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5, et celles de procédure du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code, qui font obligation au préfet de saisir cette commission du cas des seuls ressortissants étrangers qui justifient par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.
11. Il résulte de ce qui précède que le requérant ne remplit pas les conditions de délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il ne justifie pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Le préfet des Bouches-du-Rhône n'était donc pas tenu, avant de rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., de saisir la commission du titre de séjour. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a écarté le vice de procédure soulevé par le requérant à ces deux titres.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Paccard et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,
- Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
N° 23MA01050 2