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22/12/2023 | FRANCE | N°23MA00329

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 22 décembre 2023, 23MA00329


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de retirer son s

ignalement au système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à tit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de retirer son signalement au système d'information Schengen, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et, à titre subsidiaire, dans le même délai, de réexaminer sa demande et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois assortie d'une autorisation de travail et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2206862, 2206863 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2023, Mme A..., représentée par Me Cuzin-Tourham, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206862, 2206863 du tribunal administratif de Marseille en date du 6 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er août 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de retirer le signalement du système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation avec délivrance, dans cette attente, d'un récépissé d'une durée de validité de 6 mois autorisant à travailler, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil au titre des frais d'instance sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal ne pouvait joindre deux requêtes portant sur deux arrêtés distincts concernant deux personnes distinctes ;

- les stipulations des articles 6-5. de l'accord franco-algérien, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- la circulaire du 28 novembre 2012 a été méconnue ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- elle entend se prévaloir de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 28 avril 2023, Mme A... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 21 août 1985, a sollicité, le 1er février 2022, son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 1er août 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, avec obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme A... interjette appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dirigées contre cet arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme A... fait valoir que le tribunal ne pouvait joindre la requête n° 2206863 concernant son époux et la requête n° 2206862 dès lors qu'étaient en litige deux arrêtés distincts, ladite jonction est, en tout état de cause, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Si Mme A... fait valoir qu'elle réside en France depuis mars 2014, aux côtés de son époux, également de nationalité algérienne, et de leurs cinq enfants, dont deux sont nés en France le 16 janvier 2015 et le 10 août 2021, il est constant que, par deux arrêtés en date des 23 octobre 2018 et 29 septembre 2020 dont la légalité a été confirmée tant par le tribunal administratif de Marseille que par la Cour, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence et a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français auxquelles il n'a pas été déféré. Par ailleurs, la requérante, arrivée en France à l'âge de 29 ans après avoir passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, ne conteste pas ne pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et ne se prévaut de la présence en France d'aucun membre de sa famille, hormis son époux également en situation irrégulière sur le territoire français. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que ses quatre enfants aînés sont scolarisés en France, il n'est pas établi ni même allégué qu'ils ne pourraient, en dépit de la durée de leur résidence en France, poursuivre une scolarité normale en Algérie. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de Mme A..., la décision de refus de séjour litigieuse n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que cette circulaire aurait été méconnue doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. La décision contestée n'a ni pour effet ni pour objet de séparer Mme A... de ses enfants dès lors qu'il n'est pas établi que la famille ne pourrait se reconstruire en Algérie, pays dont tous les membres ont la nationalité et qu'ils ne pourraient, ainsi qu'il a été dit précédemment, y poursuivre une scolarité normale. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la situation de la requérante dès lors que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée comportait un délai de départ volontaire : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

10. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'énumèrent ces dispositions, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

11. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

12. Pour fixer le principe et la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de Mme A... le 1er août 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a tenu compte de l'entrée et des conditions de séjour de l'intéressée sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de circonstances tenant à sa vie privée et familiale et du fait qu'elle n'a pas exécuté spontanément les précédentes obligations de quitter le territoire français en date des 23 octobre 2018 et 29 septembre 2020. Il a ainsi suffisamment motivé la décision attaquée.

13. Par ailleurs, en fixant à une durée de deux ans, au regard des éléments cités au point précédent, la durée de l'interdiction de retour de l'intéressée sur le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

14. En dernier lieu, si la requérante fait valoir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues, elle n'assortit pas, en tout état de cause, son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 1er août 2022 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par Mme A..., en ce comprises les conclusions présentées au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse A..., à Me Cuzin-Tourham et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

N° 23MA00329 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00329
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CUZIN-TOURHAM

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23ma00329 ?
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