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22/12/2023 | FRANCE | N°23MA00194

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 22 décembre 2023, 23MA00194


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titr

e subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour.



Par un jugement n° 2206...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2206411 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Zerrouki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône :

- à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;

- à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'existe pas un traitement approprié dont elle pourrait effectivement bénéficier au Kosovo ; elle ne peut ni bénéficier d'une transplantation rénale dans son pays d'origine, ni même d'une dialyse ;

- l'annulation de la décision de refus de titre de séjour emporte, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un mémoire enregistré le 16 novembre 2023, l'Office français de l'intégration et de l'immigration a produit, en qualité d'observateur, des observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau ;

- les observations de Me Zerrouki, pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante kosovare née le 13 mars 1966, a déclaré être entrée en France le 3 mars 2019. Elle a sollicité le 25 février 2021 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Elle s'est vue octroyer une autorisation provisoire de séjour valable du 6 mai 2021 au 5 novembre 2021. Le 14 décembre 2021, elle a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté daté du 2 mai 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Par un jugement du 22 décembre 2022, dont Mme C... fait appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande aux fins d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'Office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. Pour l'application des dispositions précitées l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour.

Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler un titre de séjour à Mme C... en raison de son état de santé, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur l'avis du 28 mars 2022 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale de stade 5 depuis 2016, qui a nécessité, suite à son entrée en France en mars 2019, son hospitalisation à l'hôpital de la conception à Marseille et un suivi en néphrologie ainsi qu'un traitement antibiotique. Elle a ensuite été transférée au centre de l'association dialysés Provence et Corse (ADPC) de Marseille et a bénéficié d'un traitement par hémodialyse à raison de trois séances de quatre heures par semaine.

6. Pour établir l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié au Kosovo, la requérante soutient qu'elle a suivi à compter du 30 mars 2016 un traitement par hémodialyse à l'origine de nombreuses complications et d'infections, révélant l'impossibilité d'une prise en charge adaptée à son état de santé au Kosovo, et que la transplantation rénale qui lui est indispensable à terme n'existe pas dans ce pays. Toutefois, il ne ressort pas des éléments médicaux produits par Mme C... que la transplantation rénale présenterait un caractère urgent et impérieux. Le certificat médical d'un néphrologue du centre d'hémodialyse de Peja et le rapport du directeur de la clinique de néphrologie du service hospitalier universitaire du Kosovo, peu circonstanciés et datant de décembre 2018, ne sauraient suffire à établir que le seul traitement possible de son insuffisance rénale à la date de l'arrêté en litige serait une greffe de rein. En tout état de cause, il est constant que, à la date de la décision contestée, aucune greffe de rein n'était programmée et que le caractère indispensable de cette transplantation d'organe ne ressort pas du rapport médical de l'ADPC mis à jour au 24 janvier 2022, lequel se limite à mentionner sur ce point la " situation irrégulière du point de vue administrative " de la patiente, sans pour autant indiquer que sa régularisation permettrait de préconiser une greffe d'organes et de l'inscrire sur la liste des receveurs. La nécessité d'un tel traitement n'est pas davantage évoquée dans le rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, joint à l'instance après l'acceptation de la levée du secret médical par Mme C..., et qui mentionne en outre une " stabilisation " de son état de santé.

7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'hémodialyse demeure pour Mme C... un traitement approprié, comme en attestent les soins qui lui sont dispensés en France, et en l'absence de toute pièce médicale établissant, ainsi qu'il a été dit, le caractère impérieux du recours à une greffe dans son cas. Si la requérante se prévaut d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés de décembre 2013, ce document, eu égard à son ancienneté, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII concernant la possibilité pour l'intéressée d'accéder à des soins appropriés à son état de santé. Il en va de même des photographies produites, au demeurant non datées, qui attesteraient selon la requérante des infections de la peau qu'elle aurait contractées, avant sa venue en France, dans le cadre de son traitement par hémodialyse dans son pays d'origine. Enfin et au vu des éléments précités, la requérante ne saurait se prévaloir de la circonstance qu'elle a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour qui lui avait été précédemment accordée pour une durée de six mois, laquelle ne saurait en tout état de cause démontrer par elle-même que les soins médicaux ne pourraient être dispensés dans le pays d'origine à la date de la décision contestée.

8. Dans ces circonstances, en refusant à Mme C... le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la mesure d'éloignement :

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.

10. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 8 du présent arrêt, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

12. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme C....

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Mme C... n'a pas demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle. En tout état de cause, les conclusions présentées par la requérante, partie perdante, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à l'OFII.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00194
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ZERROUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23ma00194 ?
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