Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Garcin, substituant Me Möller, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence lui a ordonné de se dessaisir des armes en sa possession, lui a interdit d'acquérir ou détenir des armes, l'a inscrit au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) et lui a retiré la validation de son permis de chasser en lui faisant obligation de remettre son document de validation, ou, à défaut, d'annuler cet arrêté en tant seulement qu'il lui fait une telle obligation.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. / (...) Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme, de ses munitions et de leurs éléments. ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des termes de la décision attaquée que, pour estimer incompatible le comportement de M. A... avec la détention d'armes à feu, le préfet s'est fondé sur la circonstance que celui-ci était signalé dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) comme auteur de " faits de violence sur une personne vulnérable suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours entre le 1er juin 2014 et le 31 mai 2015 ". Toutefois, il en ressort également que ces faits, du reste contestés, qui s'inscrivaient dans un contexte conflictuel entre l'intéressé et son père, à la suite de l'installation du premier dans le domaine viticole du second au cours de l'année 2014, ont seulement donné lieu à une médiation pénale pour " violences réciproques ". Dès lors, et compte tenu de leur caractère mineur, isolé et ancien à la date de l'arrêté contesté, ils ne sauraient caractériser un comportement dangereux chez M. A..., lequel n'a d'ailleurs jamais fait usage de son arme dans le cadre de ce conflit et produit en outre, d'une part, des attestations de chasseurs témoignant qu'il fait preuve d'un comportement prudent durant la chasse et, d'autre part, un certificat établi le 23 juin 2020 par un psychiatre attestant que " son état de santé, compte tenu des éléments dont j'ai pu disposer, m'est apparu compatible avec l'acquisition et la détention d'armes dans un cadre légal ". Dans ces conditions, ni les faits sur lesquels s'est fondé le préfet pour prendre l'arrêté contesté, ni même ceux survenus en 2017 dont cette autorité se prévaut à l'instance, tirés de la destruction des biens commise en 2017 par le requérant et qui présentaient eux aussi un caractère mineur et pour lesquels celui-ci n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale, n'étaient de nature à faire craindre une utilisation dangereuse des armes que M. A... détient. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 312-11 et du 3° de l'article R. 312-67 du code de la sécurité intérieure que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, qui n'était pas en situation de compétence liée, a ordonné au requérant de se dessaisir des armes en sa possession. Le requérant est, par conséquent, fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, que l'arrêté du 6 décembre 2019 contesté doit être annulé.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que M. A... demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000806 du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 6 décembre 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros à verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.
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N° 22MA02715
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