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21/12/2023 | FRANCE | N°23NC00593

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 23NC00593


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'une part d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022, notifié le 5 avril suivant, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours et d'autre part d'ordonner la communication de son entier dossier.



Par un jugement n° 2201089 du 13 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y a plus lieu

de statuer sur les conclusions tendant à la production de l'entier dossier de Mme B..., a annulé l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'une part d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022, notifié le 5 avril suivant, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours et d'autre part d'ordonner la communication de son entier dossier.

Par un jugement n° 2201089 du 13 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la production de l'entier dossier de Mme B..., a annulé l'arrêté du 1er avril 2022 assignant à résidence Mme B... en tant qu'il l'oblige à se présenter deux fois par semaine avec ses trois enfants mineurs au commissariat de Mont-Saint-Martin et a rejeté le surplus des conclusions.

Mme A... B... a également demandé au tribunal administratif de Nancy d'une part d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assignée à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de se présenter avec ses trois enfants mineurs les mardis et jeudis, hors jours fériés, à 9 heures, au commissariat de police de Mont-Saint-Martin et d'autre part d'ordonner la communication de son entier dossier.

Par un jugement n° 2201434 du 30 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 6 mai 2022 en tant qu'il oblige l'intéressée à se présenter deux fois par semaine avec ses trois enfants mineurs au commissariat de Mont-Saint-Martin et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de conclusions.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00593 le 23 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 1er avril 2022 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision est illégale en raison de l'absence de perspective raisonnable de transfert ;

- les modalités de l'assignation à résidence sont indissociables de cette décision qui ne peut faire l'objet d'une annulation partielle.

Par une ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juillet 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 janvier 2023.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00982 le 29 mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 6 mai 2022 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 6 mai 2022 est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne comporte aucune référence à l'ordre public ;

- la décision est illégale en raison de l'absence de perspective raisonnable de transfert.

Par une ordonnance du 27 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise née le 26 février 1995, est entrée en France selon ses dires au cours du mois d'octobre 2021 pour y solliciter l'asile. Par un premier arrêté du 25 janvier 2022, la préfète du Bas-Rhin, a ordonné le transfert de Mme B... aux autorités italiennes. Par un second arrêté du 25 janvier 2022, la préfète du Bas-Rhin a assigné Mme B... à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2200561 du 1er mars 2022, confirmé par la cour le 28 septembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté le recours formé contre ces deux arrêtés en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des deux arrêtés du 25 janvier 2022. Le 1er avril 2022, la préfète du Bas-Rhin a renouvelé l'assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un premier jugement n° 2201089 du 13 avril 2022 dont Mme B... interjette appel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la production de l'entier dossier de Mme B..., a annulé l'arrêté du 1er avril 2022 l'assignant à résidence en tant qu'il l'oblige à se présenter deux fois par semaine avec ses trois enfants mineurs au commissariat de Mont-Saint-Martin et a rejeté le surplus des conclusions.

2. Par un nouvel arrêté du 6 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin a de nouveau assigné Mme B... dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2201434 du 30 mai 2022 dont l'intéressée interjette également appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 6 mai 2022 en tant qu'il l'oblige à se présenter deux fois par semaine avec ses trois enfants mineurs au commissariat de Mont-Saint-Martin et a rejeté le surplus de ses conclusions.

3. Les requêtes n° 23NC00593 et n° 23NC00982, présentées pour Mme B..., concernent la situation d'une même personne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er avril 2022 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. (...) ".

5. Mme B... n'établit pas qu'à la date du 1er avril 2022 à laquelle a été adopté l'arrêté contesté, son transfert en Italie ne demeurait pas une perspective raisonnable au sens de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités italiennes, qui ont expressément accepté de la reprendre en charge le 29 octobre 2021, ayant, à la suite du recours formé par l'intéressée contre l'arrêté de transfert, été dûment informées de la prolongation du délai de transfert jusqu'au 1er septembre 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit en renouvelant par l'arrêté contesté l'assignation à résidence dont elle faisait l'objet alors que l'exécution de l'arrêté de transfert ne demeurait pas une perspective raisonnable ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, si une décision d'assignation à résidence prise en application des dispositions précitées doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même. Par suite, une illégalité entachant les seules modalités de contrôle n'est pas de nature à justifier l'annulation de la décision d'assignation à résidence dans sa totalité.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 mai 2022 :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin a mentionné dans son arrêté que l'assignation à résidence dont Mme B... fait l'objet se termine le 20 mai 2022 et que si un départ n'a pu être organisé pendant la durée du premier renouvellement toutes les diligences sont en cours pour le mettre en œuvre. La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sans que l'appelante ne puisse utilement se plaindre de ce que la préfète n'ait pas mentionné dans sa décision quels motifs d'ordre public imposaient le renouvellement de son assignation à résidence. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, Mme B... n'établit pas qu'à la date du 6 mai 2022 à laquelle a été adopté l'arrêté contesté, son transfert en Italie ne demeurait pas une perspective raisonnable au sens de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les autorités italiennes, qui ont expressément accepté de la reprendre en charge le 29 octobre 2021, ayant, à la suite du recours formé par l'intéressée contre l'arrêté de transfert, été dûment informées de la prolongation du délai de transfert jusqu'au 1er septembre 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit en renouvelant par l'arrêté contesté l'assignation à résidence dont elle faisait l'objet alors que l'exécution de l'arrêté de transfert ne demeurait pas une perspective raisonnable ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 23NC00593 et n° 23NC00982 de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00593-23NC00982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00593
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : KIPFFER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23nc00593 ?
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