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21/12/2023 | FRANCE | N°23LY01552

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 décembre 2023, 23LY01552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par jugement n° 2300424 du 6 avril 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 2, annulé la décision portant obligation de quit

ter le territoire français dans un délai de trente jours du 8 février 2023 de la préfète de l'Al...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 février 2023 par lequel la préfète de l'Allier a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 2300424 du 6 avril 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 2, annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours du 8 février 2023 de la préfète de l'Allier et la décision fixant le pays de renvoi prise par la même autorité le même jour, dans un article 3, enjoint à la préfète de l'Allier de délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour à M. A... B..., dans un article 4, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de l'admission définitive de M. A... B... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Toupin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ou, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A... B... par le bureau d'aide juridictionnelle, mis au profit de ce dernier la somme de 1 000 euros et, dans un article 5, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 mai 2023, la préfète de l'Allier demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- la demande de titre de séjour présentée par M. A... B... le 22 janvier 2023 était tardive au regard des dispositions des articles L. 431-7 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les pièces versées au dossier relatives à l'état de santé de l'intéressé sont datées du 23 mars 2023 et sont postérieures à la décision en litige.

Par deux mémoires, enregistrés les 7 juillet 2023 et 30 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Toupin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les dispositions du 9°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant congolais né le 29 octobre 1987 et entré en France le 9 janvier 2021 selon ses déclarations, a vu sa demande d'asile rejetée définitivement par décision du 31 octobre 2022 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 8 février 2023, la préfète de l'Allier a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 4°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La préfète de l'Allier relève appel du jugement par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 2, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et, dans un article 3, lui a enjoint de délivrer à M. A... B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / (...) ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ".

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté en litige qu'après avoir vu sa demande d'asile rejetée par la CNDA le 31 octobre 2022, M. A... B... a déposé le 22 janvier 2023 une demande de titre de séjour au titre de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces médicales versées que M. A... B... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique intense associé à un syndrome dépressif pour lesquels il bénéficie d'un suivi depuis juillet 2021 au service de psychiatrie du centre hospitalier Sainte-Marie à Clermont-Ferrand et d'un traitement médicamenteux. Ainsi que le soutenait l'intéressé devant le tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant d'édicter les décisions en litige, la préfète aurait porté une appréciation sur son état de santé. Si la préfète soutient que la demande de titre de séjour présentée le 22 janvier 2023 par l'intéressé était irrecevable car tardive au regard des dispositions de l'article L. 431-2 et D. 431-7 du code précité, il est cependant constant que des éléments médicaux afférents à l'état de santé du demandeur avaient été portés à sa connaissance préalablement aux décisions en litige. En outre, ainsi que le soutenait M. A... B... devant le tribunal, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est pas soutenu par la préfète que l'intéressé aurait bénéficié de l'information prévue par les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile obligeant l'administration à inviter le demandeur d'asile à présenter une demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile si bien que la méconnaissance de cette obligation a eu pour effet de rendre inopposable à M. A... B..., non régulièrement informé, le délai pour demander un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du même code. Il s'en suit que c'est à bon droit que, pour le motif tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en litige.

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Allier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions du 8 février 2023 prises à l'encontre de M. A... B... portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et, dans un article 3, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur les frais liés au litige :

5. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Toupin, avocate de M. A... B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au profit de cet avocat, au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Allier est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Toupin, avocate de M. A... B..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... B... et à Me Toupin.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01552
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : TOUPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ly01552 ?
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