Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, et d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Drôme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2207727-2207728 du 29 novembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et rejeté le surplus de ses demandes.
Par un jugement n° 2207727 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 février et 7 avril 2023, M. A..., représenté par Me Albertin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français et désignant le pays de destination.
3°) d'enjoindre à la préfète de la Drôme, si l'arrêté contesté est annulé pour un motif de forme, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et, si l'arrêté contesté est annulé pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, dans le délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est illégale, faute de saisine de la commission du titre de séjour, alors qu'il pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article L 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 mars 2023.
Les parties ont été informées, le 10 novembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision désignant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français, dès lors que, par le jugement contesté dans l'instance, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas statué sur ces décisions.
Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2023, qui a été communiqué, le préfet de la Drôme a présenté ses observations en réponse au moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Laval, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais, a déclaré être entré en France en octobre 2012. Sa demande d'asile, déposée en 2019, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 25 septembre 2020. Le 17 mars 2022, il a déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 15 novembre 2022, la préfète de la Drôme a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a pris à son encontre une interdiction de retour pour une durée de trois ans, a fixé le pays de destination et l'a, par une décision du même jour, assigné à résidence. Par un jugement n° 2207727-2207728 du 29 novembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de M. A... dirigées contre le refus de titre de séjour et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'assignant à résidence dans le département de la Drôme pour une durée de quarante-cinq jours. Par une ordonnance du 22 septembre 2023, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête dirigée contre le jugement du 29 novembre 2022. Par un jugement du 8 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 15 novembre 2022. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision désignant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français :
2. Les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision désignant le pays de renvoi et de l'interdiction de retour sur le territoire français du 15 novembre 2022 sont irrecevables, dès lors que, par le jugement du 8 février 2023 contesté dans la présente instance, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas statué sur ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Par un avis du 8 août 2022, dont le préfet s'est approprié les termes, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces médicales produites au dossier que M. A... est atteint du syndrome du VIH, d'affections psychiatriques et d'insuffisance rénale. Si le traitement par trithérapie Biktarvy qui lui est prescrit n'est pas commercialisé dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que la prise en charge des personnes atteintes du VIH est effective au Cameroun, où sont disponibles plusieurs traitements antirétroviraux. A cet égard, M. A... n'établit pas que le Biktarvy ne serait pas substituable en produisant un certificat médical établi par son infectiologue le 14 mars 2023, qui se borne à indiquer que la substitution de ce traitement " pourrait entraîner l'apparition de potentiels effets secondaires et altérer l'adhérence thérapeutique du patient ". Il n'apporte, par ailleurs, aucun élément probant de nature à démontrer que, contrairement à ce qu'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée au Cameroun de sa pathologie rénale débutante et de ses troubles psychiatriques. Dans ces conditions, en refusant de l'admettre au séjour, la préfète de la Drôme n'a pas méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... fait valoir qu'il réside de façon ininterrompue sur le territoire français depuis 2012, en invoquant sa scolarisation en 2013-2014, son incarcération de 2013 à 2017 et son suivi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation entre le 12 janvier 2018 et le 17 février 2022 et se prévaut de son engagement en faveur de la cause homosexuelle, de son état de santé et d'une promesse d'embauche. Il indique également s'être rapproché de sa sœur, Mme C..., également atteinte du VIH. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A..., sorti du système scolaire sans diplôme, n'a pas cherché à régulariser sa situation sur le territoire français avant 2019, que son état de santé ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, son maintien sur le territoire français et qu'il a été incarcéré pendant une durée de trois ans pour des faits d'agression sexuelle et de viol commis les 7 juillet 2013, 16 et 17 octobre 2013, faits qui ont conduit le préfet de l'Essonne à prendre, le 18 novembre 2016, un arrêté d'expulsion dont la légalité a été confirmée par un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Versailles du 15 décembre 2017. Dans ces circonstances, et alors qu'il constitue une menace à l'ordre public, il ne peut se prévaloir d'une intégration sur le territoire national. S'il présente Mme C... comme sa sœur, il ressort des pièces du dossier qu'ils n'ont pas les mêmes parents. Enfin, M. A... ne démontre pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
8. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est pas tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions précitées renvoient.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que M. A... ne remplit pas les conditions lui permettant de prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour opposé le 15 novembre 2022 par la préfète de la Drôme. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,
M. Laval, premier conseiller,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
La présidente,
A. Courbon
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00636