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21/12/2023 | FRANCE | N°23DA01759

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 23DA01759


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 février 2023par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2300753 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.





Procéd

ure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 17 février 2023par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2300753 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Christian Nzaloussou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 de la préfète de l'Oise ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre est insuffisamment motivée ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration n'a pas examiné sa demande de titre au regard de son intégration sociale et culturelle ;

- le tribunal a également omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté aura pour effet de séparer la fratrie ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français ;

- elle engendre des risques pour sa vie et pour sa sécurité.

Par ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2023 à 12 heures.

Un mémoire en défense produit par la préfète de l'Oise a été enregistré le 4 décembre 2023 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les observations de Me Christian Nzaloussou, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République du Congo, relève appel du jugement du 25 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2023 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué comporte l'ensemble des éléments relatifs à la situation particulière de Mme B.... En particulier, le jugement fait état d'une formation et d'un emploi depuis le mois de septembre 2019. Il juge que ces éléments ainsi que l'ensemble des pièces produites ne démontrent pas que le préfet ait méconnu tant les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a ainsi nécessairement considéré que le préfet avait pris en compte l'intégration de Mme B.... De même, en indiquant que la fille ainée de l'intéressée est majeure et indépendante de sa mère, le tribunal s'est prononcé tant au regard de la situation familiale de l'intéressée que du respect de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en prenant nécessairement en compte la séparation de la fratrie qui résulterait de la décision attaquée.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

3. La décision de refus de titre cite ou vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle fait état de la présence en France des deux filles de Mme B..., de sa conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un compatriote en situation régulière, de son obtention précédemment d'un titre de séjour en raison de son état de santé et de l'avis défavorable de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à son maintien en France en raison de son état de santé ainsi que de l'absence d'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. L'arrêté motive les décisions prises au vu de ces différents éléments de fait. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision de refus de titre ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens propres à la décision refusant l'octroi du titre de séjour :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Aux termes de cet article : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

6. Mme B... est entrée en France le 14 juin 2018, munie d'un visa de court séjour. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé du 9 juillet 2019 au 8 avril 2020. Elle justifie avoir travaillé en contrat à durée indéterminée depuis octobre 2019 et son employeur témoigne de son implication et de sa volonté d'insertion. Elle vit depuis le 2 juillet 2020 avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour de résident valable jusqu'au 5 juillet 2026 avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité le 28 août 2021. Si, pour la première fois en appel, elle fait état de son suivi médical en France et si elle produit un protocole de soins jusqu'en 2027, il ressort du jugement du 20 avril 2021 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise produit en première instance, que le collège de médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis le 11 juin 2020, dans le cadre du renouvellement de son titre pour raison de santé. Cet avis concluait que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences mais qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Aucune des pièces médicales produites ne remet en cause ce constat ou ne démontre une évolution rendant caduc cet avis. Mme B... n'a d'ailleurs pas demandé un titre en raison de son état de santé. Par ailleurs, elle a fait l'objet, le 3 juillet 2020 d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours confirmée par un jugement du tribunal. Elle ne justifie pas avoir exécuté cette mesure d'éloignement. Si elle fait état des violences conjugales subies dans son pays, elle a depuis obtenu le divorce et n'établit pas de risques pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays. Enfin elle a vécu dans son pays jusqu'à l'âgé de 47 ans. Dans ces conditions, Mme B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui donnant droit à la délivrance d'un titre sur le fondement des dispositions précitées.

En ce qui concerne le respect de la convention internationale des droits de l'enfant :

7. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Mme B... est mère de deux filles, l'une née le 16 août 1999 et l'autre née le 5 avril 2010. Elle ne saurait se prévaloir des stipulations précitées à l'égard de sa fille majeure qui dispose d'une carte de séjour valide et dont les pièces du dossier établissent qu'elle a une autre adresse que celle de sa mère. Si sa fille mineure est scolarisée depuis l'année scolaire 2018-2019 et était à la date de la décision en classe de cinquième, rien ne démontre que celle-ci ne pourrait pas être scolarisée en République du Congo où elle a vécu jusqu'à l'âge de 9 ans. Si Mme B... fait état des bons résultats scolaires de sa fille, elle ne produit aucun autre élément sur l'insertion sociale ou associative de cette dernière. Alors que la cellule familiale que Mme B... forme avec sa fille mineure peut se reconstituer en République du Congo, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation :

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme B....

Sur le moyen propre à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. Il en est de même du moyen tiré de l'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour alors que la décision fixant le pays de destination n'est pas prise en application de la décision de refus de titre, qui n'en constitue pas non plus la base légale.

12. Si Mme B... indique qu'elle fait l'objet d'un suivi médical en France, elle n'établit pas, ainsi qu'il a été dit qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine. De même les certificats psychiatriques produits par l'intéressée ne suffisent pas à démontrer que son retour dans son pays engendrerait des souffrances psychiques liées aux violences conjugales qu'elle y a subies, alors qu'elle a obtenu depuis le divorce. Enfin, et ainsi également qu'il a été dit, il n'est pas établi que sa fille mineure ne pourrait pas être scolarisée en République du Congo. Dans ces conditions, Mme B... n'établit pas que son retour dans son pays entrainerait des risques pour sa vie ou sa sécurité.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 23DA01759 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01759
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : NZALOUSSOU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23da01759 ?
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