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21/12/2023 | FRANCE | N°23DA00081

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 21 décembre 2023, 23DA00081


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 3 avril 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Nord a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre à celui-ci de lui accorder le bénéfice de cette protection, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d'autre part, de condamner le département du Nord à lui verser la somme de 5

0 000 euros en réparation du préjudice résultant des agissements constitutifs de harcèl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 3 avril 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Nord a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre à celui-ci de lui accorder le bénéfice de cette protection, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d'autre part, de condamner le département du Nord à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant des agissements constitutifs de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis, avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2019 et capitalisation desdits intérêts à chaque échéance annuelle. Enfin, Mme A... a demandé au tribunal de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003156 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 13 janvier, le 1er août et le 11 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Stienne-Duwez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 3 avril 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Nord a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de condamner le département du Nord à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice résultant des agissements constitutifs de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis, avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2019 et capitalisation desdits intérêts à chaque échéance annuelle et pour la première fois le 27 décembre 2020 ;

5°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à compter du mois de septembre 2012, elle a fait l'objet, de la part de son chef de service, de reproches permanents et injustifiés sur sa manière de servir, d'une mise à l'écart conduisant à son isolement professionnel, d'un traitement différencié comparativement aux autres agents du service ; elle a fait l'objet d'appréciations erronées au titre de son évaluation de l'année 2013, a été indûment privée de tout entretien professionnel en 2015 puis de mentions dénigrantes sur ses comptes rendus d'entretien professionnel au titre des années 2016 et 2017 ;

- la hiérarchie a produit des rapports mensongers pour lui refuser l'avancement de grade ;

- elle n'a bénéficié d'aucun accompagnement à son retour de congé pour maladie en 2012 puis en 2015 ; son employeur n'a pas suivi les préconisations médicales relatives à la nécessité d'un changement d'environnement professionnel ;

- en 2019, l'administration a mis plus d'un an à la réintégrer à temps partiel thérapeutique, sur un poste ne correspondant ni à ses souhaits, ni aux restrictions médicales ; elle a également fait l'objet d'un changement d'affectation illégal ;

- il lui a été demandé de produire de faux arrêts de travail et un faux certificat de reprise d'activité ;

- elle s'est vu refuser sans motif des postes sur lesquels elle s'était portée candidate ; elle n'a pu avoir accès à son dossier administratif et son administration lui a refusé le remboursement de ses frais de déplacement pour se rendre aux expertises médicales ;

- sur la foi d'une dénonciation, sans procéder à aucune vérification, son employeur lui a demandé de justifier d'un cumul d'activité.

- ces faits répétés ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail, préjudicié considérablement à la poursuite de sa carrière et porté gravement atteinte à sa dignité ainsi qu'à son état de santé ; ils sont constitutifs d'un harcèlement moral ;

- le département n'a par ailleurs pris aucune mesure pour assurer la protection de sa santé au sens de l'article 2-1 du décret n° 85-306 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité au travail, de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 qui rend applicables les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail ;

- à raison de ces agissements de harcèlement moral et de l'absence de mesures propres à assurer sa santé au travail, elle est en droit d'obtenir une somme de 40 000 euros réparant son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ainsi qu'une somme de 10 000 euros correspondant au préjudice de carrière ;

- compte tenu de l'existence de cette situation de harcèlement moral, le refus de son employeur de lui accorder la protection fonctionnelle est entaché d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation en regard des dispositions de l'article 6 quinquies et de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juin et 28 août 2023, le département du Nord, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-306 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Stienne-Duwez pour Mme A... et de Me Marcilly pour le département du Nord.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., fonctionnaire territoriale titulaire du grade d'adjointe administrative de 1ère classe, exerçait, au sein du département du Nord, les fonctions de gestionnaire administratif et comptable de l'unité territoriale de Valenciennes rattachée à la direction des bâtiments. Victime d'un traumatisme à la cheville le 30 juin 2015, elle a été placée en arrêt de travail pour accident de service sans reprise d'activité à compter de cette date. Le 26 décembre 2019, par la voie de son conseil, Mme A... a sollicité du président du conseil départemental du Nord, d'une part, l'octroi de la protection fonctionnelle en invoquant être victime de faits de harcèlement moral et de manquements de son employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail et, d'autre part, le versement d'une indemnité réparant les préjudices qu'elle estimait en lien avec ces agissements. Par une décision du 3 avril 2020, ses demandes ont été rejetées. Mme A... relève appel du jugement du 14 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et à la condamnation du département du Nord au versement d'une indemnité réparant ses préjudices consécutifs au harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions d'annulation de la décision du 3 avril 2020 refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle :

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". L'article 11 de la même loi dispose que : " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".

3. D'une part, si la protection fonctionnelle résultant d'un principe général du droit n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

4. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

5. En premier lieu, Mme A... se plaint d'avoir été victime, à compter du mois de septembre 2012, de la part de son supérieur hiérarchique direct, responsable de l'unité territoriale de Valenciennes, de reproches permanents et injustifiés sur sa manière de servir, d'une mise à l'écart conduisant à un isolement professionnel et d'un traitement différencié comparativement aux autres agents du service. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du décès brutal de son conjoint au cours du mois de juillet 2012, Mme A... a été placée en arrêt maladie puis en congés annuels avant de revenir au service en septembre 2012. Selon Mme A..., à compter de cet événement, l'attitude de son responsable de service aurait radicalement changé, se manifestant par des demandes de justification des retards dans le traitement de factures, la mise en place d'un cahier de suivi pour ses dossiers à l'exclusion des autres agents, des rappels concernant le respect des horaires de travail, des demandes récurrentes de rendez-vous pour faire le point. Elle allègue par ailleurs avoir été placée dans un autre bureau et avoir fait l'objet d'un isolement professionnel, notamment par la privation d'une bannette pour le dépôt des courriers et l'absence d'échanges de courriels avec l'ensemble des autres agents du service. Pour contester les allégations de Mme A..., le département a produit des rapports établis par le responsable de l'unité territoriale, le 25 juin 2014, les 30 mars et 6 avril 2015, qui font état, de manière circonstanciée de certaines difficultés rencontrées par l'agent dans l'accomplissement de ses tâches, notamment des erreurs et retards dans les facturations et le paiement, de même que des départs anticipés sur l'horaire de fin de service. Il ne ressort de ces constats ni qu'ils étaient injustifiés, ni qu'ils traduiraient une animosité particulière envers l'intéressée. A cet égard, la circonstance que le responsable hiérarchique ait fait mention, dans les rapports précités, du veuvage de Mme A..., ne saurait être regardée comme une intrusion dans sa vie privée dès lors que la relation de ce fait visait à contextualiser la période difficile susceptible d'avoir affecté son travail. Au-delà de ce commentaire, ces rapports ne laissent apparaître aucun jugement de valeur ni ne révèlent un comportement discriminatoire ou vexatoire, en réaction au retour de l'agent à la suite de son placement en congé de maladie. En outre, si son responsable hiérarchique lui a refusé l'inscription à une formation professionnelle de trois jours en novembre 2013, il l'a justifiée par la mobilisation du service en fin d'exercice budgétaire. De même, si les évaluations professionnelles qui ont été rédigées par celui-ci font état de ses difficultés personnelles et de l'impact qu'elles ont pu avoir sur l'exercice de son activité professionnelle, elles reconnaissent néanmoins, globalement, un exercice professionnel satisfaisant.

6. En deuxième lieu, Mme A... soutient que les conditions dans lesquelles sa valeur professionnelle a été évaluée traduisent une volonté de la dénigrer et de lui nuire. Elle se prévaut d'abord de ce que, bien qu'elle eût obtenu, le 19 juin 2014, un avis favorable de la commission administrative paritaire (CAP) à sa demande de révision de son évaluation annuelle au titre de l'année 2013, son chef de service a décidé de maintenir l'appréciation " manque d'intérêt dans l'exécution des missions qui lui sont confiées ". S'il n'est pas contesté par le département qu'il n'a pas été tenu compte de l'avis formulé par la CAP, il n'était toutefois pas lié par cet avis suggérant d'indiquer, de manière plus atténuée, que " dans un contexte difficile vécu sur le plan personnel par Mme A..., celle-ci a fait preuve de bonne volonté et nous souhaitons l'encourager à poursuivre son projet de mobilité ". Pour regrettable que soit la décision de sa hiérarchie de n'avoir pas repris cette formulation plus nuancée des difficultés rencontrées par Mme A... durant l'année 2013, il n'apparaît pas pour autant qu'elle ait contribué à la baisse de notation de l'intéressée dès lors qu'il est constant qu'elle était portée à 16,58, soit une augmentation de 0,20 points. En ce qui concerne son évaluation professionnelle au titre de l'année 2015, Mme A... fait également valoir que bien que présente entre le 1er avril 2015 et juin 2015, elle n'a cependant fait l'objet d'aucune évaluation, à l'instar de ses collègues qui ont tous été évalués en juin. Il apparaît qu'une durée de deux mois d'activité était suffisante pour qu'elle bénéficie d'un entretien professionnel, cependant, la circonstance que celui-ci ait été différé par rapport au calendrier des autres agents ne saurait être regardée comme une volonté de la traiter différemment dès lors qu'il résulte de l'instruction, qu'alors même qu'un entretien avait été fixé en septembre 2015, par un courriel du 3 septembre, Mme A... a expressément notifié à son supérieur hiérarchique direct son souhait de ne pas s'y rendre en raison de son absence et d'indiquer uniquement ce fait, sans indiquer la raison de son absence. De même, si Mme A... reproche à l'autorité départementale d'avoir indiqué la mention " agent absent " dans ses évaluations professionnelles au titre des années 2016 et 2017, une telle indication ne revêt aucun caractère dénigrant dès lors qu'il rend compte, de manière neutre et sans porter atteinte au secret médical, de son absence régulière consécutivement à l'accident de service dont elle avait été victime.

7. En troisième lieu, Mme A... soutient que le département a constamment fait obstacle aux avis médicaux, notamment ceux du service de médecine préventive, qui recommandaient son changement d'affectation. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du congé de longue durée de Mme A... pour la période du 29 octobre 2014 au 28 mars 2015, la commission de réforme, consultée le 13 février 2015 sur son aptitude à reprendre ses fonctions, a estimé qu'une reprise était envisageable à temps complet à compter du 29 mars 2015 sous réserve d'un changement d'affectation en liaison avec la médecine préventive. Il résulte de la fiche de visite du 18 mars 2015, la simple préconisation, par le médecin de prévention, d'une affectation urgente sur Valenciennes pour éviter les transports en commun, sans indication d'un changement de service et dans ces conditions, l'appelante ne saurait reprocher au département de l'avoir maintenue dans ses fonctions de gestionnaire administratif et comptable à l'unité territoriale de Valenciennes de la direction des bâtiments. Par ailleurs, dès lors qu'il est constant que le 30 juin 2015, l'intéressée a été victime d'un accident sur le trajet domicile/travail nécessitant son placement en arrêt de travail, aucun changement d'affectation ne pouvait être envisagé par le département tant qu'elle était dans l'incapacité de reprendre ses fonctions. Or, il résulte de l'instruction qu'elle a été placée en congé d'accident de service durant la fin de l'année 2015 jusqu'au début de l'année 2018. En outre, l'intéressée ne conteste pas que, par la suite, dans la perspective de sa reprise de fonctions à mi-temps thérapeutique préconisée par la commission de réforme consultée le 20 avril 2018, elle a sollicité sa réaffectation sur le poste de gestionnaire administratif de l'unité territoriale de Valenciennes qu'elle occupait auparavant. Dans ces conditions, elle ne saurait faire grief au département, de n'avoir pas pris l'initiative de son changement d'affectation et d'avoir ainsi sciemment omis de rechercher les moyens propres à mettre en œuvre les préconisations du médecin du travail afin d'assurer sa sécurité et sa santé.

8. En quatrième lieu, Mme A... reproche à sa hiérarchie d'avoir sciemment communiqué des documents inexacts à la CAP devant examiner sa promotion au grade supérieur au titre de l'année 2016. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, elle ne saurait imputer le caractère mensonger des informations contenues dans son dossier au motif notamment que l'avis de la CAP sur sa demande de révision de son appréciation au titre de l'année 2015 n'y figurait pas. Par ailleurs, si elle reproche à sa hiérarchie d'avoir, dans la fiche rédigée à l'intention des membres de la CAP " avancement ", indiqué avoir fait l'objet de rappels à l'ordre en 2012 et 2013 et notamment concernant le grief d'avoir emmené à plusieurs reprises ses enfants sur son lieu de travail, le département justifie, par les pièces produites, que ces faits ont été relatés dans deux rapports d'incidents produits en 2015. A l'inverse, si l'appelante reproche à l'administration d'avoir éludé ses observations en réponse à la note de refus d'avancement de l'administration, elle n'établit pas qu'elle les aurait adressées le 4 novembre 2015 à la CAP avancement. En outre, et alors au demeurant que sa valeur professionnelle résultant de ses évaluations récentes ne permettait pas de la promouvoir, aucun élément ne permet de présumer que d'autres agents moins méritants auraient été promus à sa place. Et il ne résulte pas plus de l'instruction qu'aucun quota n'aurait limité le nombre d'agents promouvables de sorte que Mme A... ne saurait faire valoir qu'elle aurait nécessairement due être promue.

9. En cinquième lieu, Mme A... reproche à la collectivité d'avoir refusé sa reprise d'activité dans les fonctions de gestionnaire administrative au sein de l'unité territoriale de Valenciennes, à mi-temps thérapeutique, préconisée par la commission de réforme dès avril 2018, en prétextant la suppression de son poste et son incompatibilité avec son état de santé et d'avoir ainsi volontairement retardé sa réintégration. Il résulte de l'instruction que si la commission de réforme a rendu son avis au printemps 2018, le médecin de prévention ne l'a déclarée apte à reprendre ses fonctions qu'à partir du 8 septembre 2018. Il est en outre constant que par un courrier du 18 septembre 2018, l'administration lui a proposé une reprise de fonctions sur un poste vacant d'agent d'accueil au collège Lavoisier de Saint-Saulve en arguant de la circonstance de la suppression de son poste et de ce qu'il ne serait pas compatible avec son état de santé. Si Mme A... a contesté ce refus devant le tribunal administratif et si, par un jugement rendu le 29 juin 2021 (n° 1900561), celui-ci, ayant retenu l'illégalité de cette décision, l'a annulée puis a enjoint au département du Nord de procéder au réexamen de la situation de Mme A..., le département fait toutefois valoir que, par un jugement rendu le même jour (n°1906463 et 1905901) le tribunal a rejeté la demande de l'intéressée, tendant à l'annulation de la décision de l'affecter d'office au poste d'agent d'accueil du Lycée Lavoisier. Il résulte de ces décisions juridictionnelles, devenues définitives, que si le département du Nord ne pouvait refuser de réintégrer Mme A... dans ses fonctions de gestionnaire administrative à l'unité territoriale de Valenciennes au motif de la suppression de ce poste, il a pu en revanche légalement décider, dans l'intérêt du service, de l'affecter sur un poste d'agent d'accueil au Lycée Lavoisier de Saint-Saulve.

10. En sixième lieu, Mme A... soutient qu'en octobre 2019, son supérieur hiérarchique lui a demandé de produire de faux arrêts de travail de son médecin traitant indiquant un placement en congé de maladie ordinaire alors que sa maladie était imputable au service. Cependant, il résulte d'un courrier du 4 octobre 2019, que l'autorité hiérarchique lui a simplement indiqué que depuis sa réintégration à mi-temps thérapeutique, elle ne pouvait justifier d'une prolongation d'arrêt de travail qu'au titre de la maladie ordinaire et non de l'accident de service. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, une telle demande n'était aucunement infondée ni illégale.

11. En septième lieu, si Mme A... allègue s'être vu indûment refuser le poste de gestionnaire à la voirie, elle ne fournit aucune précision quant à l'existence de sa candidature et du refus qui lui aurait été opposé. En outre, à supposer que ce poste soit localisé dans le même bâtiment de l'unité territoriale de Valenciennes, elle ne saurait utilement se prévaloir, pour critiquer le refus de l'y nommer, du jugement n° 1900561du 29 juin 2021 précité du tribunal administratif de Lille ayant retenu que le poste de gestionnaire administratif compatible avec son état de santé n'avait pas été supprimé.

12. En huitième lieu, Mme A... se plaint d'avoir fait l'objet, en mars 2020, par sa hiérarchie, d'un rappel des règles sur le cumul d'activités à la suite d'une dénonciation lui imputant faussement une activité rémunérée non déclarée pour sa participation à un spectacle culturel organisé en 2019. Pour critiquable que soit le comportement de l'administration qui n'a pas procédé par elle-même à une vérification des informations qui lui étaient données, ce simple rappel n'était toutefois pas totalement illégitime dès lors que l'intéressée se trouvait en arrêt de travail, de sorte qu'il ne saurait être considéré comme procédant d'une intention malveillante de l'autorité hiérarchique.

13. En dernier lieu, si Mme A... allègue s'être heurtée, sans motifs légitimes, d'une part, à des refus de son administration de procéder au remboursement de frais de transport occasionnés par les convocations aux expertises médicales, de même qu'à l'accès à son dossier administratif, elle n'a produit, ni en première instance ni en appel, un quelconque élément permettant d'établir la réalité de ses griefs.

14. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier et de ce qui a été dit aux points 5 à 13 que les faits en cause ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une situation de harcèlement moral. Cette qualification ne saurait par ailleurs résulter des certificats médicaux produits, qui permettent seulement d'établir une souffrance morale et psychique en relation avec son vécu professionnel. Par suite, la décision par laquelle le président du conseil départemental du Nord a rejeté la demande de Mme A... tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, n'est entachée ni d'erreur d'appréciation, ni d'erreur de droit.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence de toute faute du département du Nord, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de cette collectivité à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 novembre 2022 attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes à fin d'annulation, d'injonction et d'indemnisation.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Nord, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A..., la somme de 5 000 euros demandée par le département du Nord au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions du département du Nord est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 23DA00081 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00081
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23da00081 ?
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