Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) MC Chevillard Développement a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ayant abouti à un crédit à régulariser après contrôle de 21 705 euros et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016.
Par un jugement n° 2103677 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2022, la SARL MC Chevillard Développement, représentée par le cabinet d'avocats Fidufrance, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.
Elle soutient que c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice du régime de faveur dit " régime des sociétés mères " prévu par les dispositions des articles 216 et 145 du code général des impôts, dès lors que la condition de détention des titres de participation pendant un délai de deux ans avait été satisfaite en l'espèce ; bien que les statuts n'aient pu être signés que le 20 mai 2024 en raison de la nécessité d'obtenir l'accord du juge des tutelles, un projet de statuts avait déjà été signé par les associés le 24 avril 2014 ; l'existence du contrat de société à la date du 30 avril 2014 n'est d'ailleurs pas contestée par l'administration ; une société en formation pouvant disposer d'un patrimoine, l'apport des titres de participation a été rétroactivement réalisé à la suite de la levée des conditions suspensives prévues par l'acte d'apports du 30 avril 2014 ; l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne constitue que l'aboutissement du processus de formation d'une entreprise.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL MC Chevillard Développement ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,
- et les observations de Me Parat, avocat représentant la SARL MC Chevillard Développement.
Une note en délibéré présentée par Me Parat pour la société requérante a été enregistrée le 7 décembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL MC Chevillard Développement, dont Mmes A... et Clémence Chevillard sont les associées, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 30 avril 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue du contrôle, par une proposition de rectification du 13 décembre 2017, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés pour les années 2014 à 2016 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. A la suite de la présentation des observations du contribuable, les suppléments d'imposition mis à la charge de la SARL MC Chevillard Développement ont été réduits par le service dans la réponse aux observations du contribuable du 28 mars 2018. Après l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu à l'issue de la séance du 18 novembre 2019, qui s'est déclarée incompétente, les compléments d'imposition en résultant, assortis de l'intérêt de retard, ont été mis en recouvrement le 15 octobre 2020 pour un montant total de 325 495 euros en matière d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015. La SARL MC Chevillard Développement a présenté le 23 novembre 2020 une réclamation visant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires et à contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée ayant donné lieu à un crédit à régulariser après contrôle de 21 705 euros. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet du 24 mars 2021. La SARL MC Chevillard Développement relève appel du jugement du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande relative à l'impôt sur les sociétés.
2. Aux termes de l'article 216 du code général des impôts : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) ". Aux termes de l'article 145 de ce code : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : (...) c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans. En cas de non-respect du délai de conservation, la société participante est tenue de verser au Trésor une somme égale au montant de l'impôt dont elle a été exonérée indûment, majoré de l'intérêt de retard. Ce versement est exigible dans les trois mois suivant la cession (...) ". Il ressort de ces dispositions que le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés qu'elles instituent, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges égale à 5% du produit total des participations, ne s'applique qu'aux produits nets des seules participations qui remplissent les conditions prévues par l'article 145, notamment celle exigeant que ces participations aient été conservées par la société pendant un délai de deux ans. Dans le cas d'un apport en nature de titres par un associé fondateur à une société commerciale en formation, le délai de conservation des titres de participation court à compter de la date à laquelle est réalisé le transfert des droits correspondants dans le patrimoine de la société.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 1832 du code civil : " La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter (...) ". Aux termes de l'article 1842 dudit code : " Les sociétés autres que les sociétés en participation (...) jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu'à l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations ". Aux termes de l'article 1843-3 de ce code : " Chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu'il a promis de lui apporter en nature (...). Les apports en nature sont réalisés par le transfert des droits correspondants et par la mise à la disposition effective des biens. / Lorsque l'apport est en propriété, l'apporteur est garant envers la société comme un vendeur envers son acheteur (...) ". Aux termes de l'article 1179 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l'engagement a été contracté (...) ". Aux termes de l'article L. 201-6 du code de commerce : " Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (...) ". Il résulte de ces dispositions que la période de formation d'une société s'entend de celle qui s'étend entre la date de conclusion de ses statuts, qui définissent notamment les apports réalisés par les associés et son immatriculation au registre du commerce et des sociétés qui lui confère la personnalité juridique et la capacité à disposer d'un patrimoine. L'acte juridique par lequel un ou plusieurs associés fondateurs s'engagent à apporter des titres de participation à une société à responsabilité limitée en formation, en échange d'actions nouvelles de la société, ne peut entraîner le transfert des droits qu'à compter de l'acquisition de la personnalité morale par cette société, soit, au plus tôt, à la date de son enregistrement au registre du commerce et des sociétés.
4. L'administration a remis en cause le bénéfice du régime optionnel de l'exonération, sous réserve de la taxation de la quote-part de 5%, des dividendes versés à la SARL MC Chevillard Développement par ses filiales, la SARL Sadexho, la SARL Colmar Ecotel et la SCI JMC, au titre des années 2014 et 2015, au motif que la condition de conservation des titres pendant un délai de deux ans prévue par l'article 145 du code général des impôts n'a pas été satisfaite. S'agissant de la date d'acquisition des parts des filiales, le service a tout d'abord relevé que les statuts de la SARL MC Chevillard Développement signés le 20 mai 2014, auxquels est annexé le traité d'apports de droits sociaux à la société daté du 30 avril 2014, ont prévu dans leur article 6 que " la société MC Chevillard Développement a ainsi acquis la propriété divise et indivise des parts sociales (...) apportées à compter de son immatriculation au registre du commerce ". Le vérificateur a également souligné que l'article 29 des statuts stipule que " la société ne jouira de la personnalité morale qu'à dater de son immatriculation au registre du commerce ". Il a enfin constaté que la SARL MC Chevillard Développement a été immatriculée le 4 août 2014 et que les dividendes versés par ces filiales, comptabilisés en produits, ont été portés en déduction, à l'exception de la quote-part de 5% pour frais et charges, au tableau 2033-B de détermination du résultat fiscal pour un montant de 750 110 euros au titre de 2014 et au tableau 2058-A de la liasse fiscale pour un montant de 192 222 euros au titre de l'année 2015. S'agissant de la date de cession des titres de participation en cause, l'administration a indiqué prendre en compte celle de l'acte réitératif au protocole de cession du 2 mai 2016, par lequel la SARL MC Chevillard Développement a cédé, d'une part, à la société Morphée Exploitation l'ensemble des titres qu'elle détenait dans les sociétés Sadexho et Colmar Ecotel et, d'autre part, à la société Colmar Ecotel l'ensemble des titres détenus dans la société JMC. Constatant que la période au cours de laquelle la SARL MC Chevillard Développement avait détenu les titres de participation était inférieure à la durée de deux ans prévue par le c du 1 de l'article 145 du code général des impôts, l'administration a procédé au rehaussement des bases imposables de la société correspondant aux montants déduits ci-dessus précisés.
5. La SARL MC Chevillard Développement soutient que, dès lors que son existence découle de la signature du projet de statuts du 24 avril 2014, le transfert des droits sur les titres de participation en cause a été réalisé à la date du 30 avril 2014, à laquelle ont été pris les engagements d'apports des associées fondatrices, compte tenu de l'effet rétroactif prévu par l'article 1179 du code civil lorsque la levée de l'ensemble des conditions suspensives prévu à l'acte d'apport est établie. A supposer même que les statuts du 20 mai 2014 aient été précédés par la signature d'un avant-contrat le 24 avril 2014 comportant l'ensemble des éléments nécessaires à la qualification d'une société en formation, il n'en demeure pas moins que le transfert des droits n'a été réalisé, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 201-6 du code de commerce, que lorsque cette société en formation a été dotée de la personnalité morale, à la suite de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a conservé les titres de participation dans les sociétés Sadexho, Colmar Ecotel et JMC pendant le délai de deux ans requis par l'article 145 précité pour pouvoir bénéficier de l'application du régime des sociétés mères sur le fondement de l'article 216 du code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL MC Chevillard Développement n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL MC Chevillard Développement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL MC Chevillard Développement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC03134