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21/12/2023 | FRANCE | N°22NC00778

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 22NC00778


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 48 928,55 euros en réparation des préjudices subis, somme à parfaire, ainsi que les intérêts à taux légal à compter du 30 décembre 2019 et leur capitalisation.



Par un jugement n° 2002839 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Hayange à verser à M. B... la somme de 7 500 euros, avec int

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 48 928,55 euros en réparation des préjudices subis, somme à parfaire, ainsi que les intérêts à taux légal à compter du 30 décembre 2019 et leur capitalisation.

Par un jugement n° 2002839 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Hayange à verser à M. B... la somme de 7 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 30 décembre 2020 et à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Couronne, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 janvier 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'indemnisation des frais exposés pour sa défense devant le juge administratif ;

2°) de condamner la commune d'Hayange à lui verser la somme de 20 656,55 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 30 décembre 2019, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des frais qu'il a dû exposer pour sa défense et que la commune a refusé de prendre en charge au titre de la protection fonctionnelle.

Il soutient que :

- il a subi un préjudice moral qu'il évalue à 30 000 euros ;

- il a subi un préjudice matériel qu'il estime à 20 656,55 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, la commune d'Hayange, représentée par Me Yon, conclut à l'annulation du jugement du 20 janvier 2022, au rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Barbier-Renard, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... était un agent titulaire de la commune d'Hayange depuis le 1er février 2013 et était par ailleurs membre de la cellule syndicale UNSA de la commune. Il a été initialement affecté au sein du service " Menuiserie - Serrurerie - Sonorisation ". Le 1er août 2017, il devait obtenir sa mutation au sein de la commune de Rurange-lès-Thionville. Par un jugement n° 1504221 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 2 juin 2015 par laquelle le maire de la commune d'Hayange lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion de fonctions d'une durée de trois jours. Par un deuxième jugement n° 1506599 du 20 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 10 août 2015 par laquelle le maire de la commune d'Hayange a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle. Par un troisième jugement n° 1602789 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 4 mars 2016 par laquelle le maire de la commune d'Hayange l'a affecté à la décharge du centre technique municipal. Par un quatrième jugement n° 2002839 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Hayange à verser à M. B... la somme de 7 500 euros en réparation du préjudice moral subi en raison de l'illégalité de ces décisions qui ont toutes fait l'objet d'une annulation devenue définitive.

2. M. B... relève appel du jugement du 20 janvier 2022 en contestant le montant mis à la charge de la commune d'Hayange au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ainsi que le refus des premiers juges d'indemniser le préjudice matériel qu'il estime avoir subi. La commune d'Hayange demande l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne l'illégalité de la décision du 2 juin 2015 :

3. La décision du 2 juin 2015 est, ainsi qu'il a été jugé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Strasbourg, entachée d'illégalité et susceptible d'engager la responsabilité de la commune d'Hayange.

En ce qui concerne la discrimination syndicale :

4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction applicable au litige : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une altercation avec M. C..., adjoint au maire, en charge des travaux et de l'urbanisme et responsable des ateliers municipaux, M. B... a été sanctionné, par arrêté du 2 juin 2015, d'une suspension temporaire de fonction pour trois jours pour avoir commis des violences volontaires et menacé M. C.... Toutefois par un jugement n° 1504221 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 2 juin 2015 au motif que la matérialité des faits reprochés à l'intéressé n'est pas établie.

6. En deuxième lieu, M. B... s'estimant victime de harcèlement moral a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle que le maire d'Hayange a refusé de lui octroyer par un arrêté du 10 août 2015. Par un jugement n° 1506599 du 20 février 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision après avoir estimé que M. B... lui avait soumis des faits susceptibles de faire présumer qu'il faisait l'objet d'une discrimination syndicale et que l'administration n'a pas été en mesure de produire en sens contraire une argumentation de nature à démontrer que n'étaient pas constitutifs d'une discrimination les agissements en cause. Ces derniers sont constitués par l'animosité nourrie par le maire à l'égard des membres et des délégués du syndicat que représente M. B..., des pressions subies par les adhérents de l'UNSA et de la CGT, par le fait que M. C... a poursuivi des agents dans le local syndical et que M. B... a tenté de s'interposer, par le fait que le lendemain de cet incident le maire a adressé un courrier à l'UNSA indiquant que le syndicat devrait déménager, par le fait que M. B... a fait l'objet d'une sanction disciplinaire annulé par le tribunal administratif de Strasbourg comme il a été rappelé au point 5 ci-dessus. Chacun de ces motifs est le support nécessaire du dispositif de ce jugement revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée laquelle s'attache également à ses motifs.

7. En troisième lieu, par un jugement n° 1602789 du 20 février 2018 le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 4 mars 2016 par laquelle le maire d'Hayange a affecté M. B... à la décharge du centre technique municipal. Ce jugement est motivé d'une part par la circonstance que la décision relative au changement d'affectation de l'agent, qui a entraîné une dégradation de ses conditions de travail et n'était pas justifiée par des motifs liés à l'intérêt du service, a été prise dans le but de sanctionner les actes et comportements par lesquels l'intéressé s'est opposé à son administration et d'autre part que la mutation d'office n'est pas au nombre des sanctions applicables aux fonctionnaires territoriaux. Chacun de ces deux motifs est le support nécessaire du dispositif de ce jugement revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée laquelle s'attache également à ses motifs.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Hayange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que M. B... avait fait l'objet d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice moral :

9. Ni M. B... ni la commune d'Hayange n'apportent en appel d'élément de nature à établir que l'indemnité de 7 500 euros accordée par le tribunal administratif en réparation du préjudice moral subi par l'intéressé ne permettrait pas une réparation intégrale des préjudices qu'il a subis.

En ce qui concerne le préjudice matériel :

10. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable au litige : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le fonctionnaire est victime de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrage, il bénéficie d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause. En l'absence de convention conclue entre la collectivité publique concernée, l'avocat désigné ou accepté par l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle et, le cas échéant, cet agent, il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe que cette collectivité publique pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L'administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier.

11. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les instances dans lesquelles il était partie réparait intégralement le préjudice matériel qu'il avait subi.

12. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des litiges engagés devant le tribunal administratif de Strasbourg, l'avocat de M. B... a émis onze factures pour un montant total de 15 603,55 euros entre le 12 mai 2015 et le 12 mai 2021. Trois factures répertoriées n°s 7730, 7780 et 7 904 émises les 12 mai, 29 juin et 29 septembre 2015 pour un montant total de 5 147,84 euros ont été présentées non à M. B... mais à l'attention du syndicat qu'il représente. Il ne résulte nullement de l'instruction que l'agent se soit acquitté, directement ou indirectement de ces sommes. Par suite la commune d'Hayange ne peut pas être condamnée à verser ces sommes à M. B.... En revanche, la commune n'établit ni que les huit factures établies entre le 16 mai 2016 et le 12 mai 2021 pour un total de 10 455,71 euros soient d'un montant manifestement excessif ni qu'elles ne correspondent pas à des prestations effectivement réalisées par l'avocat de M. B... dans le cadre des procédures l'opposant à son administration.

13. Il convient toutefois de retrancher de ce montant de 10 455,71 euros la somme totale de 3 000 euros que les premiers juges ont mis à la charge de la commune au titre des frais d'instance dans ses jugements n° 1506599 du 20 février 2017 et n° 1602789 du 20 février 2018. Dès lors, M. B... est seulement fondé à demander que la commune d'Hayange soit condamnée à lui verser une somme de 7 455,71 euros en réparation du préjudice matériel subi.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 14 955,71 euros le montant de l'indemnité due par la commune d'Hayange à M. B... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Hayange est condamnée à verser à M. B... la somme de 14 955,71 euros. En application des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de réception de la demande indemnitaire préalable, et ces intérêts seront capitalisés à compter du 30 décembre 2020 et à chaque échéance annuelle.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Hayange demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune d'Hayange une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 7 500 euros que la commune d'Hayange a été condamnée à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 janvier 2022 est portée à 14 955,71 euros.

Article 2 : Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019, date de réception de la demande indemnitaire préalable, et ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à compter du 30 décembre 2020 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 janvier 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune d'Hayange versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Hayange.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC00778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00778
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : YON PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22nc00778 ?
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