La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°21TL04715

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21TL04715


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales, se substituant à la maire de Corneilla-la-Rivière, l'a mis en demeure de cesser immédiatement les travaux engagés sur la parcelle cadastrée section ... sur le territoire de cette commune.



Par un jugement n° 1906294 rendu le 21 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande

de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 12 décem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales, se substituant à la maire de Corneilla-la-Rivière, l'a mis en demeure de cesser immédiatement les travaux engagés sur la parcelle cadastrée section ... sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1906294 rendu le 21 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2021 sous le n° 21MA04715 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04715 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B... A..., représenté par Me Manya, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906294 du 21 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 12 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur d'appréciation en écartant le moyen tiré de ce que le préfet n'avait pas respecté la procédure contradictoire compte tenu de l'insuffisance du délai imparti pour la présentation de ses observations ;

- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de ce que l'arrêté préfectoral en litige procédait d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il mentionne à tort que les travaux ont été réalisés sans permis de construire alors qu'un tel permis lui avait été délivré pour la construction d'un bâtiment de stockage de matériel le 17 avril 2014 ;

- l'interruption des travaux n'était pas justifiée dès lors qu'il a déposé une demande de permis de construire modificatif en vue de la régularisation du bâtiment.

Par un mémoire en observations enregistré le 15 avril 2022, la commune de Corneilla-la-Rivière, représentée par la SCP HG et C avocats, conclut au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge du requérant une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 décembre 2022.

Par ordonnance du 28 février 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a présenté le 16 décembre 2013 une demande de permis de construire portant sur l'implantation d'un bâtiment de stockage de matériel agricole d'une surface de 180 m2, sur les parcelles cadastrées section C nos 1392 et 1388, situées lieu-dit " Los Poados ", sur le territoire de la commune de Corneilla-la-Rivière (Pyrénées-Orientales). Par un arrêté du 17 avril 2014, la maire de cette commune lui a accordé ce permis de construire. Les services de la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales ont dressé, le 5 août 2019, un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. A... concernant les travaux alors en cours de réalisation sur sa propriété. Le préfet de ce département a mis en demeure la maire de Corneilla-la-Rivière, le 21 août suivant, de prendre un arrêté interruptif de travaux à l'encontre de l'intéressé. En l'absence de réponse de la maire, le préfet s'est substitué à elle et a mis en demeure M. A..., par un arrêté du 12 septembre 2019, de cesser immédiatement les travaux de construction sur la parcelle .... Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 21 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté interruptif de travaux du 12 septembre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces de la procédure de première instance que, pour remettre en cause la légalité interne de l'arrêté interruptif de travaux, le requérant a soutenu que le préfet des Pyrénées-Orientales avait commis, d'une part, une erreur manifeste d'appréciation et, d'autre part, une erreur de fait tenant à ce que l'arrêté indiquait à tort que les travaux en cours étaient réalisés sans permis de construire alors qu'il s'était vu délivrer un tel permis le 17 avril 2014. Il ressort des motifs du jugement attaqué que, si les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation aux points 7 et 8, il se sont en revanche abstenus de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur de fait tel qu'il était soulevé par le demandeur, lequel n'était pourtant pas inopérant. En conséquence, le jugement contesté doit être annulé comme irrégulier.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, selon l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Le respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées implique que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre recommandée avec avis de réception adressée le 14 août 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a informé M. A... que les services de la direction départementale des territoires et de la mer avaient constaté, le 5 août précédent, la réalisation de travaux irréguliers en infraction avec les dispositions du code de l'urbanisme et du plan de prévention des risques d'inondation. Par cette même lettre, le préfet a indiqué au requérant qu'il envisageait d'édicter un arrêté interruptif de travaux à son encontre et l'a invité à présenter ses observations écrites ou orales dans le délai de huit jours à compter de la réception de ladite lettre. Le délai ainsi imparti à M. A... présentait un caractère suffisant et l'intéressé a d'ailleurs présenté ses observations écrites en réponse, par un message électronique le 22 août 2019, puis par un courrier le lendemain, en adressant à l'administration la copie du permis de construire obtenu le 17 avril 2014. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige serait intervenu le 12 septembre 2019 à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

6. En second lieu, aux termes du dixième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures, le représentant de l'Etat dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. / (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire délivré à M. A... par la maire de Corneilla-la-Rivière le 17 avril 2014 portait sur un bâtiment à usage de stockage de matériel agricole présentant une surface de plancher de 180 m2, implanté à cheval sur les parcelles C nos 1392 et 1388, à une distance de plus de 40 mètres de la limite nord de la première parcelle susmentionnée. Il ressort notamment de la notice et des plans joints à la demande de permis de construire que la construction autorisée devait disposer d'une structure métallique et ne comporter qu'une porte et cinq fenêtres de forme horizontale ainsi que deux portails pour l'accès des engins agricoles. Il ressort toutefois des indications, plans et photographies issus du procès-verbal d'infraction dressé par la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales le 5 août 2019, tels que reproduits dans le mémoire en défense du préfet en première instance, que les travaux en cours de réalisation portaient sur un bâtiment ayant une surface d'environ 210 m2, implanté sur la seule parcelle ..., à seulement 20 mètres de la limite séparative nord de ladite parcelle. Il en ressort également que le bâtiment litigieux a été bâti avec une structure en parpaings et qu'il comportait déjà, à la date de ce procès-verbal, une porte et six fenêtres verticales sur ses deux premières façades. Eu égard à la modification de l'assiette foncière et de l'implantation du bâtiment et à ses conséquences potentielles dans un secteur exposé à l'aléa inondation, ainsi qu'à l'importance des écarts constatés avec le projet initial s'agissant de la structure et de l'aspect extérieur de la construction, le préfet a pu légalement estimer que les travaux en cours d'exécution sur la parcelle ... n'étaient pas susceptibles de se rattacher au permis de construire obtenu le 17 avril 2014. Dès lors et sans que le requérant puisse utilement se prévaloir du dépôt d'une demande de permis de construire modificatif le 9 octobre 2019, soit postérieurement à l'arrêté en litige, l'autorité préfectorale n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation en regardant la construction comme étant réalisée sans permis de construire et en prescrivant l'interruption immédiate des travaux sur le fondement du dixième alinéa précité de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a mis en demeure de cesser immédiatement les travaux entrepris sur sa parcelle.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais non compris dans les dépens. Les mêmes dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Corneilla-la-Rivière, laquelle n'a pas la qualité de partie à l'instance s'agissant d'un acte pris par l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1906294 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier sous le n° 1906294, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Corneilla-la-Rivière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Corneilla-la-Rivière.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL04715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04715
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux. - Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : MANYA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21tl04715 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award