Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Prométhée Participation a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 14 août 2019 par lequel le maire de Nîmes lui a refusé un permis de construire pour la modification de la toiture et des façades d'un mazet situé rue des Trois Ponts sur le territoire de cette commune.
Par un jugement n° 1903448 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019, a enjoint au maire de Nîmes de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire dans un délai de deux mois et a rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 novembre 2021 sous le n° 21MA04465 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04465 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la commune de Nîmes, représentée par la SELARL Maillot avocats et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Prométhée Participation devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de la société Prométhée Participation le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier au regard de l'article R. 741-7 du code de justice administrative en l'absence des signatures requises sur la minute ;
- le tribunal administratif de Nîmes a considéré à tort que le mazet existant devait être regardé comme un bâtiment à usage d'habitation, alors qu'il constitue une annexe non habitable ; le maire de Nîmes a donc pu légalement refuser le permis au regard des dispositions du 5) de l'article Nh 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;
- à supposer que le mazet soit regardé comme une construction à usage d'habitation, le projet ne serait pas conforme aux dispositions du 1) du même article Nh 2 ; la cour pourrait donc substituer ce nouveau motif à celui initialement opposé par le maire ;
- le moyen soulevé par la société Prométhée Participation en première instance tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux n'est pas fondé ;
- le moyen invoqué par la société pétitionnaire tiré de l'illégalité du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone Nh est inopérant et infondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2022, la société Prométhée Participation, représentée par Me Schneider, conclut au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge de la commune de Nîmes une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le motif de refus opposé dans l'arrêté en litige au regard des dispositions du 5) de l'article Nh 2 du règlement du plan local d'urbanisme était entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le mazet est à usage d'habitation ;
- le nouveau motif invoqué par la commune en appel au regard des dispositions du 1) du même article Nh 2 ne peut légalement fonder le refus de permis de construire dès lors que le projet entre dans les catégories de travaux autorisés par ces dispositions.
Par ordonnance du 5 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Schneider, représentant la société Prométhée Praticipation.
Considérant ce qui suit :
1. La société Prométhée Participation a déposé auprès des services de la commune de Nîmes (Gard), le 6 juin 2019, une première demande de permis de construire pour la modification de la toiture et des façades d'un mazet existant sur la parcelle cadastrée section CK n° 1585, située rue des Trois Ponts. Par un arrêté du 24 juin 2019, le maire de Nîmes a refusé de lui délivrer ce permis. La même société a présenté, le 9 juillet suivant, une nouvelle demande de permis de construire portant sur les mêmes travaux. Par un arrêté du 14 août 2019, le maire de Nîmes lui a opposé un nouveau refus. Par un jugement rendu le 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes, saisi par la société Prométhée Participation, a prononcé l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019 et a enjoint au maire de Nîmes d'instruire à nouveau la demande de permis de construire du 9 juillet 2019 dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par la présente requête, la commune de Nîmes relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Selon l'article Nh 1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nîmes, applicable à la zone Nh dans laquelle se situe la parcelle en litige : " Types d'occupation ou d'utilisation des sols interdits : Toutes les occupations et utilisations du sol sont interdites, sauf celles autorisées à l'article Nh 2. ". Selon l'article Nh 2 du même règlement : " Types d'occupation ou d'utilisation des sols autorisés sous condition : / (...) / Sont admises, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, les occupations et utilisations des sols suivantes : / 1) Les travaux confortatifs, l'adaptation, la réfection des habitations existantes sans création de surface supplémentaire. / 2) L'extension limitée des habitations existantes avant la date d'approbation du PLU (2018) d'une surface de plancher minimale d'au moins 50 m2 ; (...) / 3) La création de deux annexes à l'habitation d'une surface maximale de 50 m2 au total dont l'une pourra être dissociée de l'habitation sans pouvoir excéder une distance de 30 m. / 4) Les bassins d'agrément (piscines) ne devront pas dépasser une surface de 50 m2 d'emprise, les locaux techniques ne devront pas dépasser 6 m2. / 5) La restauration des masets existants, à condition qu'il demeure au moins 4/5 des murs et la majorité de la toiture. Cette restauration doit s'inscrire dans le volume existant et respecter la vocation originelle du maset, non habitable, non raccordable. (...) ".
3. Il ressort des termes de l'arrêté du 14 août 2019 en litige que, pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par la société Prométhée Participation, le maire de Nîmes a retenu que le projet consistait à modifier la toiture et, par suite, le volume du mazet existant et à réaménager l'intérieur du bâtiment pour transformer une annexe non habitable en une annexe habitable en méconnaissance des dispositions du point 5) de l'article Nh 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment du préambule du règlement de la zone Nh, éclairé par le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, que les auteurs du plan ont entendu restreindre les possibilités de construction au sein de cette zone naturelle en y interdisant toute nouvelle habitation et en y autorisant seulement des évolutions limitées des habitations existantes dans l'objectif de protéger le paysage et la biodiversité.
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet présenté par la société pétitionnaire a pour objet la réalisation de travaux sur un mazet existant présentant une surface de plancher de 34 m2 et implanté sur la parcelle CK n° 1585, laquelle est issue d'une opération de division foncière autorisée par deux arrêtés de non-opposition à déclaration préalable pris par le maire de Nîmes les 14 avril 2017 et 23 février 2018. La société Prométhée Participation soutient que le mazet en cause constitue une construction ou une annexe à usage d'habitation et qu'il n'a donc pas la vocation non habitable retenue par le maire dans l'arrêté de refus en litige. Elle se prévaut notamment en ce sens d'une attestation notariale établie le 7 août 2019 mentionnant l'usage du mazet en tant qu'habitation, d'un procès-verbal de constat d'huissier daté du 3 septembre suivant montrant la présence d'un compteur d'eau et d'un compteur électrique sur la parcelle et d'une attestation rédigée le 6 décembre 2021 par l'entreprise chargée des travaux relatant l'existence antérieure d'une cuisine et d'une salle de bains avec toilettes. Il ressort toutefois des pièces produites par la commune requérante, notamment des indications portées dans les visas de l'arrêté du 24 juin 2019 mentionné au point 1 ci-dessus, lesquelles ne sont pas contestées par la société pétitionnaire, que la déclaration préalable de division ayant fait l'objet de l'arrêté de non-opposition du 14 avril 2017 présentait le mazet en litige comme une annexe non habitable. Le seul plan de la construction existante joint à la demande de permis de construire représente le mazet comme composé de deux pièces de dimensions réduites, séparées l'une de l'autre par un mur plein dénué de toute ouverture. Le plan en cause ne comporte en outre aucune indication permettant de corroborer l'existence d'installations de cuisine ou de sanitaires, alors qu'aucune pièce du dossier ne laisse au demeurant supposer qu'un système d'assainissement serait présent sur la parcelle. L'unique photographie du bâtiment existant avant la réalisation des travaux ne montre que l'aspect extérieur du mazet et ne permet pas davantage de conclure à sa vocation habitable, ce que ne suffit pas non plus à établir l'existence de compteurs d'eau et d'électricité rapportée par le procès-verbal de constat d'huissier. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le maire de Nîmes n'a pas commis d'erreur de fait en considérant que le mazet existant avait une vocation d'annexe non habitable. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a retenu le moyen soulevé en ce sens pour annuler l'arrêté du 14 août 2019.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Prométhée Participation, tant en première instance qu'en appel, au soutien de sa demande en annulation de cet arrêté.
Sur les autres moyens invoqués par la société pétitionnaire :
6. En premier lieu, l'arrêté de refus de permis de construire en litige a été signé, pour le maire de Nîmes, par Mme B... A..., adjointe au maire en charge de l'urbanisme, laquelle était habilitée à signer une telle décision en vertu d'un arrêté de délégation pris par le maire le 22 avril 2014. La commune a produit en première instance les pièces justifiant de l'accomplissement de l'ensemble des mesures de publicité nécessaires pour rendre exécutoire l'arrêté du 22 avril 2014, lesquelles font foi en l'absence de tout élément contraire. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, si un permis de construire ne constitue pas un acte d'application de la réglementation d'urbanisme en vigueur et si, par suite, un requérant demandant son annulation ne saurait utilement se borner à soutenir, pour l'obtenir, qu'il a été délivré sous l'empire d'un plan local d'urbanisme illégal, mais doit faire valoir, en outre, que ce permis de construire méconnaît les dispositions d'urbanisme pertinentes remises en vigueur en application de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, cette règle ne s'applique pas au refus de permis de construire lorsqu'il trouve son fondement dans un plan local d'urbanisme. Dans cette hypothèse, ainsi que le prévoit l'article L. 600-12-1 du même code, l'annulation ou l'illégalité du plan entraîne l'annulation du refus de permis de construire pris sur son fondement, sauf, pour le juge, à procéder à une substitution de base légale ou de motif dans les conditions de droit commun.
8. Selon l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (...) ". Selon l'article R. 151-25 du même code : " Peuvent être autorisées en zone N : / (...) / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire couvert par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'une erreur manifeste.
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation du plan local d'urbanisme et de son projet d'aménagement et de développement durables, que la zone Nh correspond à un secteur de " garrigue habitée " situé au nord de la partie agglomérée de la commune de Nîmes, dont les auteurs du plan ont entendu préserver la vocation de " jardin habité de la ville ", au regard de ses enjeux environnementaux et paysagers, en y restreignant les possibilités de construction pour y maîtriser le développement urbain diffus. Dans cet objectif, les mêmes documents précisent que la zone Nh n'a pas vocation à accueillir des constructions nouvelles et que seules y sont autorisées les évolutions limitées des constructions existantes. Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles Nh 1 et Nh 2 du règlement du plan local d'urbanisme, rappelées au point 2 du présent arrêt, que les auteurs du plan ont subordonné les travaux d'extension des habitations existantes et la réalisation d'annexes à ces habitations au respect de conditions strictes en termes de surface de plancher ou d'emprise au sol. La société Prométhée Participation n'est dès lors pas fondée à soutenir que le règlement de la zone Nh présenterait un caractère " particulièrement permissif " et que la limitation des possibilités de modification des mazets existants, prévue au point 5) de l'article Nh 2, serait en conséquence révélatrice d'une contradiction caractérisant une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, la société pétitionnaire n'établit pas l'illégalité des prescriptions du règlement de la zone Nh sur lesquelles le maire de Nîmes s'est fondé pour rejeter sa demande de permis de construire.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des plans produits par la société Prométhée Participation à l'appui de sa demande de permis de construire, que le projet en litige consiste notamment à modifier la majorité, voire l'intégralité, de la toiture du mazet existant et, partant, son volume, ainsi qu'à réaménager l'intérieur de la construction pour y réaliser un logement en contrariété avec sa vocation originelle non habitable. Il s'ensuit que le maire de Nîmes n'a commis aucune erreur d'appréciation en estimant que le projet ne respectait pas les dispositions du point 5) de l'article Nh 2 du règlement du plan local d'urbanisme.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen de régularité soulevé à l'encontre du jugement attaqué, que la commune de Nîmes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du 14 août 2019 et a enjoint à son maire de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de la société Prométhée Participation.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Prométhée Participation au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Prométhée Participation le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Nîmes sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 septembre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Prométhée Participation devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : La société Prométhée Participation versera à la commune de Nîmes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Prométhée Participation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nîmes et à la société par actions simplifiée Prométhée Participation.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21TL04465