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21/12/2023 | FRANCE | N°21TL02387

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21TL02387


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nîmes sous le n° 1900948, M. B... A... a demandé l'annulation de la lettre du 27 décembre 2018 par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de procéder à l'abrogation partielle de son arrêté du 30 juillet 2007 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant sud-ouest du Mont Ventoux régissant la commune de Bédoin.



Par une demande enregistrée au greffe de ce

même tribunal sous le n° 1902238, M. A... a demandé l'annulation de la décision implicite par laquel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nîmes sous le n° 1900948, M. B... A... a demandé l'annulation de la lettre du 27 décembre 2018 par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de procéder à l'abrogation partielle de son arrêté du 30 juillet 2007 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant sud-ouest du Mont Ventoux régissant la commune de Bédoin.

Par une demande enregistrée au greffe de ce même tribunal sous le n° 1902238, M. A... a demandé l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de procéder à l'abrogation partielle de l'arrêté du 30 juillet 2007.

Par un jugement nos 1900948, 1902238 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les deux demandes ainsi présentées par M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2021 sous le n° 21MA02387 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL02387 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 12 novembre 2023, M. B... A..., représenté par la SELARL Roche Bousquet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 avril 2021 ;

2°) d'annuler, à titre principal, la décision implicite par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de procéder à l'abrogation partielle du plan de prévention des risques d'inondation du bassin versant sud-ouest du Mont Ventoux régissant la commune de Bédoin, tel qu'approuvé par l'arrêté du 30 juillet 2007, en tant, d'une part, qu'il classe sa propriété en zone rouge et, d'autre part, qu'il interdit tous travaux dans la bande de 20 mètres de part et d'autre des cours d'eau ou, à titre subsidiaire, la décision du préfet du 27 décembre 2018 ayant le même objet ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder à la modification du règlement du plan de prévention des risques d'inondation dans le sens demandé, sous un délai à déterminer, le cas échéant en prononçant l'annulation partielle avec un effet différé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Nîmes n'a pas répondu de manière suffisamment précise au moyen par lequel il critiquait la légalité des interdictions prescrites par le règlement de la zone rouge au sein de la bande de 20 mètres située de part et d'autre des cours d'eau ;

- le classement de son terrain en zone rouge au titre de la bande forfaitaire de 20 mètres procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les études réalisées en 2005 et 2006 relevaient l'absence de débordement et ne plaçaient pas le terrain en zone inondable ;

- l'absence de prise en compte des travaux d'enrochement exécutés entre 2008 et 2012 procède également d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les ouvrages ainsi mis en place pour la protection des berges participent à la suppression du risque inondation ;

- l'interdiction de tous travaux au sein de la bande de 20 mètres en zone rouge, prévue à l'article 2 du chapitre 2 du titre 2 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation, n'est ni nécessaire ni proportionnée au regard des objectifs poursuivis par ledit plan.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés et renvoie au mémoire présenté par le préfet de Vaucluse en première instance.

Par une ordonnance du 27 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 novembre 2023.

Les parties ont été informées, le 30 novembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant tendant à l'annulation de la lettre du préfet de Vaucluse du 27 décembre 2018 dès lors que cette lettre ne peut être regardée comme refusant l'abrogation partielle du plan de prévention des risques d'inondation.

M. A..., représenté par la SELARL Roche Bousquet, a présenté des observations en réponse à cette information le 4 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de Vaucluse a approuvé, par un arrêté du 30 juillet 2007, le plan de prévention des risques naturels d'inondation du bassin versant sud-ouest du Mont Ventoux régissant le territoire de la commune de Bédoin. M. A... est propriétaire du bastidon n° 501 implanté sur la parcelle cadastrée ..., située au lieu-dit " Les Hauts de ... ", sur le territoire de cette commune. Par un premier courrier du 28 novembre 2018, l'intéressé a sollicité le préfet de Vaucluse en vue de l'engagement d'une concertation avec ses services sur les dispositions du plan de prévention des risques applicables à sa propriété. Par une lettre du 27 décembre 2018, le préfet lui a répondu qu'une procédure d'évolution de ce plan ne pouvait pas être envisagée tout en indiquant être disponible pour échanger sur un projet particulier. Par un second courrier du 27 février 2019, M. A... a demandé au préfet de procéder à l'abrogation partielle du plan de prévention des risques en tant qu'il classe sa propriété en zone rouge et qu'il interdit tous travaux au sein de la bande de 20 mètres située de part et d'autre des cours d'eau en zone rouge. Le préfet n'a pas apporté de réponse expresse à ce courrier reçu le 4 mars 2019. M. A... a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une première demande tendant à l'annulation de la lettre du 27 décembre 2018 et d'une seconde demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet sur le courrier du 27 février 2019. Par la présente requête, l'intéressé relève appel du jugement du 27 avril 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses deux demandes après les avoir jointes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nîmes a répondu, au point 11, au moyen soulevé par le requérant dans sa demande tiré de l'illégalité des prescriptions du titre 2 du règlement du plan de prévention des risques, dont les termes ont été rappelés au point 7 de ce jugement. Les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments exposés par l'intéressé et ont suffisamment explicité les raisons pour lesquelles ils ont estimé que les dispositions en cause n'étaient pas illégales. En conséquence, le jugement contesté ne se trouve pas entaché de l'irrégularité invoquée par l'appelant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la lettre du préfet de Vaucluse du 27 décembre 2018 :

3. Il ressort des pièces de la procédure de première instance que, par son courrier du 28 novembre 2018, M. A... s'est borné à solliciter l'engagement d'une concertation avec les services de la préfecture de Vaucluse sur les dispositions du plan de prévention des risques naturels d'inondation applicables à sa propriété. Eu égard aux termes dans lesquels il était rédigé, le courrier en cause ne constituait pas une demande d'abrogation partielle de ce plan et la lettre par laquelle le préfet y a répondu le 27 décembre 2018 ne peut dès lors être regardée comme rejetant une telle demande. Il s'ensuit que les conclusions de l'appelant tendant à l'annulation de la lettre préfectorale du 27 décembre 2018 doivent être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne la décision implicite née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur la demande d'abrogation partielle adressée par l'appelant le 27 février 2019 :

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée par le préfet :

4. L'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. / (...) ".

5. Il ne résulte ni des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, ni d'aucun autre texte ou principe, qu'un administré ne serait recevable à solliciter l'abrogation d'un acte règlementaire qu'à condition de se prévaloir de l'intervention de nouvelles circonstances de droit ou de fait. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en ce sens par le préfet de Vaucluse devant le tribunal administratif de Nîmes doit être écartée.

S'agissant du classement de la propriété de l'appelant en zone rouge du plan de prévention des risques naturels d'inondation en litige :

6. L'article L. 562-1 du code de l'environnement dispose que : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / (...) ". Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la délimitation des zones et sur le classement des terrains entre les zones.

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de présentation du plan de prévention des risques d'inondation en litige que, pour caractériser le niveau d'aléa et délimiter le zonage, l'administration s'est fondée sur les résultats de l'analyse hydro-géomorphologique réalisée par le bureau d'études H2G Eau en 2003 concernant les principaux cours d'eau du bassin versant, ainsi que, pour les petits bassins versants en amont, sur les résultats d'études hydrauliques complémentaires spécialement réalisées dans le cadre de l'élaboration du plan. Le même rapport précise que, pour les cours d'eau secondaires de type vallats ou torrents dont la zone inondable n'a été définie ni dans l'analyse hydro-géomorphologique, ni dans les études hydrauliques complémentaires, il a été tracé une " zone inondable forfaitaire ", identifiée comme présentant un aléa fort, sur une largeur de 20 mètres de part et d'autre du cours d'eau.

8. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le bastidon de M. A..., ainsi que le jardin qui lui est attenant, sont situés à proximité immédiate des berges du vallat de Malaugu, ruisseau à écoulements temporaires longeant le secteur nommé " ... ", au nord du village de Bédoin, sur le rebord sud du Mont Ventoux. Le plan de prévention des risques a classé le bastidon et le jardin du requérant au sein d'une zone rouge, correspondant au risque maximum, instituée sur une largeur de 20 mètres de part et d'autre de l'axe d'écoulement du vallat de Malaugu. Il ressort pourtant du rapport de présentation que les services préfectoraux avaient fait réaliser en mai 2005 une étude hydraulique spécifique portant sur les écoulements du vallat de Malaugu au niveau du secteur " ... ", laquelle avait notamment conduit, après modélisation hydraulique de la crue centennale, à exclure la propriété de M. A... de la zone inondable. Il résulte en particulier de cette étude que le vallat de Malaugu n'a subi aucun débordement lors de la crue de décembre 2003 à hauteur des " Hauts de ... " et que la simulation hydraulique n'a montré aucun débordement en amont ou au niveau du méandre localisé à cet endroit.

9. Le rapport de présentation du plan de prévention des risques ne mentionne pas les raisons pour lesquelles le plan de zonage a institué une zone rouge d'une largeur de 20 mètres de part et d'autre du vallat de Malaugu à hauteur du lieu-dit " Les Hauts de ... ", alors que l'étude hydraulique spécifiquement réalisée pour y préciser la zone inondable avait conclu à l'absence de risque à cette hauteur. Si le préfet de Vaucluse a relevé en première instance que l'étude en cause évoquait un écoulement torrentiel avec une pente de 8,3 % et un lit atteignant 20 mètres de large, il est constant que ces paramètres ont été pris en compte par les auteurs de l'étude et qu'ils ne sauraient donc justifier par eux-mêmes l'identification d'un aléa fort dans ce secteur. Si le préfet a également souligné la possibilité de créer dans un plan de prévention des risques des zones de précaution non directement exposées au risque, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier soumis à la cour que la réalisation de travaux sur la partie de parcelle en litige serait de nature à aggraver les risques ou à en provoquer de nouveaux, notamment pour les parcelles localisées en amont ou en aval, alors qu'il résulte au contraire de l'étude hydraulique susmentionnée que la suppression d'un passage busé situé à l'entrée des " Hauts de ... " a permis de prévenir tout risque de débordement en aval immédiat du secteur concerné.

10. Eu égard à l'ensemble des éléments qui précèdent, l'appelant est fondé à soutenir que le classement de son bien en zone rouge par le plan de prévention des risques d'inondation procède d'une erreur manifeste d'appréciation et que le préfet a donc commis une telle erreur en refusant, par la décision implicite en litige, d'abroger ledit plan sur ce premier point.

11. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen soulevé par le requérant pour contester la légalité du classement de sa propriété en zone rouge, tiré de l'absence de prise en compte des travaux d'enrochements, n'est pas de nature à justifier l'annulation de la décision litigieuse en tant qu'elle porte sur le classement en cause.

S'agissant des dispositions du règlement de la zone rouge applicables au sein de la bande de 20 mètres de part et d'autre des cours d'eau :

12. L'article R. 562-3 du code de l'environnement dispose que : " Le dossier de projet de plan comprend : / (...) / 3° Un règlement précisant, en tant que de besoin : / a) Les mesures d'interdiction et les prescriptions applicables dans chacune de ces zones en vertu des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 ; / (...) ". L'article R. 562-5 du même code mentionne que : " I. - En application du 4° du II de l'article L. 562-1, pour les constructions, les ouvrages ou les espaces mis en culture ou plantés, existant à sa date d'approbation, le plan peut définir des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde. / Toutefois, le plan ne peut pas interdire les travaux d'entretien et de gestion courants des bâtiments implantés antérieurement à l'approbation du plan (...), notamment les aménagements internes, les traitements de façade et la réfection des toitures, sauf s'ils augmentent les risques ou en créent de nouveaux, ou conduisent à une augmentation de la population exposée. (...) ". Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les mesures prescrites par le règlement d'un plan de prévention des risques.

13. L'article 1er du chapitre 2 du titre 2 du règlement du plan de prévention des risques litigieux, relatif aux règles applicables aux constructions existantes en zone rouge, dispose que sont interdits, au sein de la zone rouge, " tous les travaux, à l'exception de ceux cités à l'article suivant ". L'article 2 du même chapitre, auquel il est ainsi renvoyé, précise que peuvent être notamment autorisés, " Dans le respect des prescriptions du chapitre 3 ci-après, sous réserve que les opérations autorisées ne conduisent pas à augmenter les risques ou en créer de nouveaux ou à augmenter la population exposée, / Et à condition que l'aménagement projeté soit situé à une distance minimale de 20 mètres des berges des cours d'eau et autres axes d'écoulement et que les équipements sensibles, électriques ou de sécurité soient situés au-dessus de la cote de référence ", les travaux et les opérations d'aménagement suivants : " (...) / - la surélévation des constructions existantes au-dessus de la cote de référence : habitations (sans augmentation du nombre de logements) (...). / - les aménagements visant à améliorer la sécurité des personnes et des biens, sans augmentation de la vulnérabilité. / - le changement de destination ou d'usage des locaux, au-dessus de la cote de référence, lorsqu'il entraîne une diminution de la capacité d'accueil et de la vulnérabilité des biens (...). / - la reconstruction et la réparation d'un bâtiment existant détruit par un sinistre autre qu'une crue, sans augmentation de l'emprise au sol. / - les clôtures à condition d'être réalisées sans mur bahut. Elles doivent être transparentes à l'écoulement. / - les piscines et locaux techniques annexes avec balisage permanent afin d'assurer la sécurité des personnes et des services de secours. / - les travaux d'entretien et de gestion courants (traitement de façade, réfection de toiture, peinture...). / - les extensions limitées et travaux d'amélioration des stations d'épuration des eaux usées (...) ".

14. Les dispositions précitées du règlement du plan de prévention des risques ont notamment pour effet d'interdire au sein de la zone rouge, dans la bande de 20 mètres située de part et d'autre des berges des cours d'eau, la réalisation des travaux et aménagements pouvant normalement être autorisés, sous certaines conditions, dans le reste de la zone rouge.

15. D'une part, ainsi que le soutient l'appelant, l'interdiction posée par les dispositions précitées de procéder à des aménagements visant à améliorer la sécurité des biens et des personnes, sans augmentation de la vulnérabilité, ne trouve aucune justification au regard des buts poursuivis par le plan de prévention des risques, dès lors que les aménagements en cause sont précisément destinés à réduire les risques. De la même manière, l'interdiction prévue pour les travaux d'entretien et de gestion courants des bâtiments, tels que le traitement des façades, la réfection des toitures ou la peinture, n'apparaît ni nécessaire, ni proportionnée aux objectifs recherchés, dès lors notamment que ces travaux ne sont de nature ni à augmenter les risques, ni à en créer de nouveaux, ni à conduire à un accroissement de la population exposée.

16. D'autre part et en revanche, les autres interdictions prescrites par les dispositions règlementaires précitées ne présentent pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis par le plan de prévention des risques. Il en va notamment ainsi de l'interdiction prévue pour les travaux de reconstruction ou de réparation d'un bâtiment existant détruit par un sinistre autre qu'une crue, y compris sans augmentation de leur emprise au sol, dès lors que la réalisation de tels travaux aurait pour effet d'exposer les occupants du bâtiment reconstruit ou réparé à un risque prévisible susceptible de mettre gravement en danger leur sécurité.

17. Eu égard à ce qui a été dit aux deux points précédents, le règlement du plan de prévention des risques en litige n'est entaché d'erreur d'appréciation qu'en tant qu'il interdit, au sein de la bande de 20 mètres située de part et d'autre des berges des cours d'eau dans la zone rouge, les aménagements visant à améliorer la sécurité des biens et des personnes, sans augmentation de la vulnérabilité, ainsi que les travaux d'entretien et de gestion courants.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite du préfet de Vaucluse en tant qu'elle porte sur le classement de sa propriété en zone rouge et sur les interdictions visées au point 17.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que la préfète de Vaucluse procède à la modification du plan de prévention des risques naturels d'inondation applicable à la commune de Bédoin s'agissant, d'une part, du classement de la propriété de M. A... et, d'autre part, des dispositions du règlement de ce plan censurées au point 17 du présent arrêt. Par voie de conséquence, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de procéder à cette modification dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt

Sur les frais liés au litige :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision par laquelle le préfet de Vaucluse a implicitement rejeté la demande de M. A... tendant à l'abrogation partielle du plan de prévention des risques d'inondation régissant le territoire de la commune de Bédoin est annulée, en tant, qu'elle porte, d'une part, sur le classement de la propriété de l'intéressé en zone rouge et, d'autre part, sur les interdictions, prévues par l'article 2 du chapitre 2 du titre 2 du règlement, relatives aux aménagements visant à améliorer la sécurité des biens et des personnes sans augmentation de la vulnérabilité et aux travaux d'entretien et de gestion courants.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes nos 1900948, 1902238 du 27 avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de procéder à la modification du plan de prévention des risques d'inondation applicable à la commune de Bédoin s'agissant des points mentionnés au point 19 du présent arrêt et ce dans le délai de six mois à compter de la date de notification de cet arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL02387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02387
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21tl02387 ?
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