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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX03720

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 21BX03720


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 16 septembre 2021 et un mémoire enregistré le

1er mars 2022, la société en nom collectif (SNC) Brive-la-Gaillarde Développement, prise en la personne de son président en exercice et représentée par Me Robert-Védie, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le maire de la commune de Brive-la-Gaillarde a refusé de lui accorder un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction d'un ensemble com

mercial d'une surface de vente de 5 588,93 m² comprenant quatre magasins du secteur non-alimen...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 septembre 2021 et un mémoire enregistré le

1er mars 2022, la société en nom collectif (SNC) Brive-la-Gaillarde Développement, prise en la personne de son président en exercice et représentée par Me Robert-Védie, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le maire de la commune de Brive-la-Gaillarde a refusé de lui accorder un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 5 588,93 m² comprenant quatre magasins du secteur non-alimentaire de surfaces de vente respectives de 2 050,67 m², 898,41 m², 1 724,43 m² et 915,42 m² et un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, de deux pistes de ravitaillement de 40 m² d'emprise au sol affectées au retrait des marchandises, sur un terrain situé dans la ZAC du Mazaud sur les parcelles cadastrées section

EP n° 200, 198, 196 et 195 à Brive-la-Gaillarde, refus délivré à la suite de l'avis défavorable de la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 10 juin 2021.

2°) d'enjoindre au maire de Brive-la-Gaillarde de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision à intervenir, après un nouvel avis de la commission nationale d'aménagement commercial qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier ;

3°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial d'émettre un avis favorable au projet, ou à tout le moins, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté en litige est entaché d'une incompétence de son auteur en l'absence, d'une part, de visa de la délégation du maire au conseiller municipal signataire de la décision en litige et d'autre part, de justification du caractère régulier et exécutoire de cette délégation ;

- ce refus ne répond pas aux exigences de motivation fixées à l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- contrairement à ce que soutiennent les sociétés auteurs du recours devant la commission nationale d'aménagement commercial, le titre délivré par la société Total Marketing le 4 novembre 2020 l'autorisant à présenter une demande d'autorisation d'exploitation commerciale sur les parcelles dont elle est propriétaire n'est pas erroné et apparaît suffisamment précis pour justifier de sa maîtrise du foncier pour mener à bien son projet ; compte tenu de cette pièce, la commission nationale d'aménagement commercial a pu considérer le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale comme incomplet ;

- la commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait critiquer la localisation du projet prévu dans une zone d'activité concertée sur des parcelles identifiées comme pôle urbain au schéma de cohérence territoriale (SCOT) et actuellement à l'état de friche industrielle, à proximité immédiate de nombreuses autres activités économiques et desservie par des axes structurants ; le projet s'intègre donc parfaitement dans ce tissu urbain ; la circonstance qu'il se situe à plus de cinq kilomètres du centre-ville de Brive ne saurait à elle-seule induire que le projet ne répond pas à l'objectif d'aménagement du territoire ;

- si les sociétés auteurs du recours devant la commission nationale d'aménagement commercial soutiennent que le projet est incompatible avec plusieurs orientations du SCOT opposables, la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas relevé ce motif dans son avis ; par ailleurs, l'implantation de nouvelles unités de plus de 1 000 m² de surface de vente sur la friche industrielle en cause est expressément envisagée dans ce document ;

- la commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur de droit dès lors que si l'évolution démographique de la commune d'implantation peut être prise en compte dans l'appréciation portée sur un projet sur le critère de l'aménagement du territoire, la baisse identifiée sur la commune de Brive et dans la zone de chalandise n'apparaît pas significative, alors que la tendance laisse au contraire apparaître la jugulation d'un tel déclin voire une reprise de croissance démographique au regard des nombreux projets de construction de logement, et ne saurait ainsi fonder l'avis défavorable porté sur le projet ;

- la commission ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du

12 mars 2020, émettre un avis défavorable sur le projet en cause en retenant l'influence préjudiciable que celui-ci est supposé avoir sur l'attractivité des commerces de centre-ville et sur l'animation de la vie locale ; au contraire, le juge administratif retient de façon constante que la création d'un ensemble commercial n'affecte pas négativement l'animation de la vie urbaine dès lors qu'il permet de diversifier l'offre locale et de limiter l'évasion commerciale vers des pôles plus lointains ; au-delà du faible nombre de locaux commerciaux vacants, les enseignes devant occuper les cellules commerciales du projet proposant des meubles et des appareils électroménagers ou encore un grand nombre de références recherchent des surfaces de vente conséquentes leur permettant de présenter la majorité de leurs produits, lesquelles n'existent pas dans le centre-ville de Brive ;

- contrairement à ce qu'a estimé la commission nationale d'aménagement commercial, la seule attribution de fonds FISAC au soutien des commerces du centre-ville ou l'inscription de la commune dans un programme de revitalisation du centre-ville n'implique pas nécessairement qu'un projet tel que celui en cause entraînera des conséquences négatives sur l'animation de la vie locale dès lors que les surfaces commerciales existantes en centre-ville ne sont pas adaptées aux commerces proposant des produits nécessitant une surface de vente conséquente et aisément accessible ;

- la commission ne pouvait sans erreur d'appréciation motiver son refus sur le risque de constitution d'une friche commerciale s'agissant du magasin existant de l'enseigne Cultura, laquelle dispose déjà d'un local en centre-ville dédié aux activités créatives et doit intégrer l'ensemble commercial en cause, dès lors que des négociations sont en cours avec une autre enseigne pour la reprise de tout ou partie des locaux du magasin existant, lequel est par ailleurs de bonne facture et dispose d'une localisation préférentielle suscitant l'intérêt d'autres grandes marques, dans l'hypothèse où les discussions en cours n'aboutiraient pas ;

- la commission nationale d'aménagement commercial a mal apprécié les incidences du projet sur les flux de circulation aux abords du site dès lors que le réseau viaire, en particulier le giratoire situé au droit du projet, ne connaît aucune difficulté de circulation comme l'indique l'étude de trafic ; les flux de circulation observés ne seront pas bouleversés par le projet puisque celui-ci va générer un trafic supplémentaire limité à 217 véhicules en heure de pointe du samedi après-midi, lesquels se répartiront sur l'ensemble des branches du rond-point Rhin et Danube, sans obérer de façon significative les réserves de capacité de ces voies ; en outre, des aménagement routiers sont prévus dans le secteur de la zone d'activités située en face du projet en cause et auront nécessairement des incidences positives sur la réduction du trafic sur la RD 1090 ;

- de même, la commission a commis une nouvelle erreur d'appréciation en relevant à tort que le site du projet est éloigné des zones d'habitat et que la clientèle devra essentiellement se déplacer en voiture dès lors que les aménagements cyclables et piétonniers récents réalisés permettent de rapprocher le projet des différents quartiers d'habitation entourant la ZAC du Mazaud, laquelle est d'autant plus accessible qu'elle est desservie par plusieurs arrêts de bus dont l'un sur la RD 1090 spécialement créé à cet effet.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2022 la commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 novembre 2021, 29 avril et30 mai2022, la société par actions simplifiée (SAS) Septmode et les sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) Innovation Sport et BV Brive, représentées par Me Vendé, concluent, dans le dernier état de leurs écritures, au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Brive-la-Gaillarde Développement et de la commune de Brive-la-Gaillarde, de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial aurait pu également être motivé par le caractère incomplet du dossier de demande.

Par un mémoire enregistré le 28 mars 2022, la commune de Brive-la-Gaillarde, prise en la personne de son maire en exercice et représentée par Me Peynet, conclut au rejet de la requête et à ce que le la cour mette à la charge de la société Brive-la-Gaillarde Développement une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 mai 2022, la commune de Brive-la-Gaillarde demande à la cour de prendre acte de son renoncement à ses précédentes demandes.

Elle fait valoir qu'elle souscrit aux différents moyens et arguments invoqués par la société requérante au soutien de sa requête et de son mémoire en réplique, auxquels elle entend se reporter.

Par une ordonnance du 6 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée

au 21 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Vendé, représentant la société par actions simplifiée (SAS) Septmode et les sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) Innovation Sport et BV Brive.

Considérant ce qui suit :

1. La société Brive-la-Gaillarde Développement a déposé le 30 décembre 2020 auprès de la commune de Brive-la-Gaillarde une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial d'une surface de plancher totale de 8 233 m² comprenant quatre magasins du secteur non-alimentaire de surfaces de vente respectives de 2 050,67 m², destiné aux biens culturels et de loisirs,

898,41 m² pour une grande enseigne d'ameublement, 1 724,43 m² pour un magasin spécialisé dans l'équipement de la maison et 915,42 m² pour un magasin de chaussures, soit une surface de vente totale de 5 589 m², d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, de deux pistes de ravitaillement de 40 m² d'emprise au sol affectée au retrait des marchandises, sur un terrain situé dans la ZAC du Mazaud sur les parcelles cadastrées section EP n° 200, 198, 196 et 195. Le 5 mars 2021, la commission départementale d'aménagement commercial de la Corrèze a émis un avis favorable au projet. Les sociétés SAS Septmode et SARL Innovation Sport et BV Brive ont déposé devant la commission nationale d'aménagement commercial un recours contre cet avis favorable. Lors de sa séance du 10 juin 2021, la commission nationale d'aménagement commercial a admis ce recours et donné un avis défavorable au projet. La société Brive-la-Gaillarde Développement demande à la cour d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 par lequel le maire de Brive-la-Gaillarde a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour ce projet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'avis émis par la commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable :a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique (...) ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; (...) III.-La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires ".

3. Il résulte de ces dispositions combinées à celles de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme précité, que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

4. La commission nationale d'aménagement commercial a émis, à l'unanimité des membres présents, un avis défavorable au projet présenté par la société Brive-la-Gaillarde Développement en retenant plusieurs motifs liés au critère de l'aménagement du territoire énoncé à l'article L. 752-6 du code de commerce.

5. Ainsi, en premier lieu, la commission relève que le projet se situe à plus de cinq kilomètres à l'ouest du centre-ville de la commune, sur un terrain actuellement à l'état de friche industrielle et que le projet s'implante dans une zone de chalandise qui connaît une baisse de la population continue entre 2008 et 2018 de 1%, et que sur la seule commune de Brive, cette baisse est de l'ordre de 6%. Elle estime en outre que le projet aura une influence préjudiciable sur l'attractivité des commerces de centre-ville et sur l'animation de la vie locale eu égard au taux de vacance important des locaux commerciaux, notamment dans le cœur marchand où ce taux atteint 15 %, et alors par ailleurs que cette commune a obtenu d'importantes dotations au titre du fonds FISAC en 2017 et 2019 et fait actuellement l'objet d'une opération de revitalisation de territoire dont l'objectif est de favoriser le commerce de centre-ville.

6. Si la société requérante soutient que la commission nationale d'aménagement commercial a entaché son avis d'une erreur de droit en estimant, après avoir constaté une baisse de la population dans la zone de chalandise, que le projet ne répond pas à une demande résultant d'une hausse de la population, il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 752-6 du code de commerce que la commission doit évaluer les effets du projet sur différents points dont fait partie l'évolution démographique. Par suite le moyen doit être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que l'implantation du projet est prévue au sein de la ZaCo Ouest 2 identifiée par le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Sud Corrèze. Le terrain d'assiette du projet, situé en périphérie ouest de la commune à plus de cinq kilomètres à l'ouest du centre-ville de la commune de Brive, est éloigné des lieux de vie, les premières habitations étant distantes de près d'un kilomètre de ce terrain. Par ailleurs, le projet est prévu dans une zone de chalandise qui connaît une baisse de la population continue entre 2008 et 2018 de 1%, sur la commune de Brive cette baisse est de l'ordre de 6%, et la pétitionnaire ne démontre pas en quoi la tendance à la baisse de l'évolution démographique de la zone de chalandise constatée ces dix dernières années, et plus prononcée encore pour ce qui concerne la commune de Brive, pourrait s'inverser et permettrait l'émergence d'une demande supplémentaire. Si la société requérante fait valoir que les locaux vacants du centre-ville sont pour la plupart vétustes et non proposés à la vente ou à la location, et que la taille de ces locaux n'est pas adaptée à l'accueil des commerces prévus par le projet, il ressort des pièces du dossier que l'une de ces enseignes envisagerait également une implantation en centre-ville. Par ailleurs, le taux de vacance important des commerces du centre-ville, évalué à 15 %, l'obtention de subventions au titre du fond FISAC pour un montant de plus de 470 000 euros et l'inscription de la commune de Brive au sein de l'opération " Action cœur de ville ", révèlent la fragilité et le déclin du tissu commercial de la commune. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que le projet conduira nécessairement au renforcement du pôle commercial à l'ouest de la commune à proximité de l'échangeur 51 de l'autoroute A20, au détriment du centre-ville de Brive, mais également au détriment de la zone est de l'agglomération. Dans ces conditions, en considérant que le projet porterait préjudice au tissu commercial du centre-ville de Brive, la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas inexactement appliqué les critères fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne les conséquences du projet quant à ses effets sur l'animation de la vie urbaine et la préservation du tissu commercial du centre-ville. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions par la commission nationale d'aménagement commercial et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante à la place d'une friche commerciale. Par suite, la circonstance relevée par la commission nationale d'aménagement commercial qu'il existerait un risque de création d'une friche commerciale s'agissant du local actuellement exploité par une des enseignes prévue par le projet ne suffit pas à caractériser une méconnaissance des critères du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

9. En troisième et dernier lieu, le projet sera accessible en entrée-sortie depuis la rue Henri Lecat (à l'ouest de la parcelle, via un accès existant) et en entrée sur l'avenue Jean Charles Rivet D 1089 (au nord, via un accès à créer). Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'ensemble des avis des services consultés, que l'impact des flux de circulation supplémentaires générés par le projet sont sous-estimés dans l'étude d'impact, le secteur connaissant des difficultés de circulation importantes proches de la saturation et de faibles réserves de capacité, notamment le samedi, les comptages ayant de surcroît été réalisés durant une période de confinement en novembre 2020 et ayant omis d'indiquer les flux provenant de l'autoroute A 20. Si la société requérante a produit un comptage réalisé en mai 2021, les nouveaux chiffres attestent encore d'une diminution des réserves de capacité du giratoire desservant le projet. Par ailleurs, si la société pétitionnaire se prévaut de la réalisation d'un accès au nord de la zone d'activité concertée de Brive Laroche permettant de diminuer l'intensité du trafic sur la RD 1089, elle ne démontre pas que ces aménagements seraient de nature à diminuer l'impact négatif du projet sur les flux routiers. Par suite, la commission n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 752-6 du code de commerce et n'a pas commis d'erreur d'appréciation en relevant que les infrastructures routières situées à proximité du projet connaissent des difficultés de circulation et que les réserves de capacités des aménagements existants sont peu élevées, alors que le site du projet est éloigné des zones d'habitat et que, ainsi que le mentionne le dossier de demande, la part prévisible d'accès du projet en mode automobile est de 70 %.

10. Il résulte de l'instruction que la commission nationale d'aménagement commercial aurait émis le même avis défavorable sur la demande d'autorisation en litige si elle s'était uniquement fondée sur les motifs tirés de ce que le projet en cause est de nature à compromettre la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire, d'une part, en portant atteinte tant à l'animation de la vie urbaine qu'à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune de Brive, et, d'autre part, au regard de ses effets sur les flux de transport, lesquels permettent de justifier légalement le sens de cet avis. Il s'ensuit que la société Brive-la-Gaillarde Développement n'est pas fondée à soutenir que l'avis rendu par cette commission le 10 juin 2021 serait illégal.

En ce qui concerne les autres moyens :

11. Aux termes de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, le permis de construire ne peut être délivré en cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. ".

12. Il résulte des motifs énoncés aux points 2 à 10 que le projet présenté la société Brive-la-Gaillarde Développement a régulièrement fait l'objet d'un avis défavorable de la commission nationale d'aménagement commercial. En conséquence, le maire de Brive étant tenu de rejeter la demande de permis de construire, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de la motivation insuffisante de l'arrêté attaqué sont inopérants.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Brive-la-Gaillarde Développement n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction doivent donc également être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties une quelconque somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Brive-la-Gaillarde Développement est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Brive-la-Gaillarde Développement, à la société par actions simplifiée Septmode, aux sociétés anonymes à responsabilité limitée Innovation Sport et BV Brive, à la commune de Brive-la-Gaillarde, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et à la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La présidente-assesseure,

Christelle Brouard-Lucas

Le président-rapporteur,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03720


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03720
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SELARL BRG

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx03720 ?
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