Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiés (SAS) Institut ostéopathique animalier a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 février 2020 par laquelle la rectrice de la région académique Nouvelle-Aquitaine a refusé de lui délivrer un récépissé de déclaration d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur.
Par un jugement n° 2001531 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et enjoint à la rectrice de la région académique de Nouvelle-Aquitaine de délivrer sans délai à la SAS Institut ostéopathique animalier le récépissé prévu par les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'éducation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Institut ostéopathique animalier devant le tribunal.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'être signé conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'Institut ostéopathique animalier dispensait des cours d'enseignement supérieur.
Par des mémoires en défense enregistrés le 3 novembre 2021 et le 21 février 2022, la SAS Institut ostéopathique animalier, représentée par Me Heudjetian, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation de la décision du 7 février 2020 de la rectrice de l'académie de Bordeaux ;
3°) à ce qu'il soit enjoint à la rectrice de l'académie de Bordeaux de lui délivrer un récépissé de déclaration d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 19 avril 2017 précisant les conditions selon lesquelles les personnes mentionnées à l'article D. 243-7 du code rural et de la pêche maritime sont réputées détenir les connaissances et savoir-faire nécessaires à la maîtrise des compétences exigées pour la réalisation d'actes d'ostéopathie animale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Heudjetian, représentant la SAS Institut ostéopathique animalier.
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 décembre 2019, le directeur de l'Institut ostéopathique animalier a déposé un dossier de déclaration d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur privé, en application de l'article L. 731-3 du code de l'éducation. Par une décision du 7 février 2020, la rectrice de l'académie de Nouvelle-Aquitaine a refusé de délivrer à cette société un récépissé de déclaration d'ouverture. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de l'Institut ostéopathique animalier tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " Le service public de l'enseignement supérieur comprend l'ensemble des formations postsecondaires relevant des différents départements ministériels (...) ". L'article L. 123-3 du même code dispose : " Les missions du service public de l'enseignement supérieur sont : / 1° La formation initiale et continue tout au long de la vie ; (...) / 3° L'orientation, la promotion sociale et l'insertion professionnelle (...) ". Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " L'enseignement supérieur est libre ". L'article L. 613-2 du même code, relatif aux règles générales de délivrance des diplômes, prévoit : " Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'éducation : " Tout Français ou tout ressortissant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen, âgé de vingt-cinq ans, n'ayant encouru aucune des incapacités prévues par l'article L. 731-7, ainsi que les associations formées légalement dans un dessein d'enseignement supérieur, peuvent ouvrir librement des cours et des établissements d'enseignement supérieur, aux seules conditions prescrites par le présent titre. (...) ". L'article L. 731-3 du même code dispose : " L'ouverture de chaque cours doit être précédée d'une déclaration signée par l'auteur de ce cours. / Cette déclaration indique les nom, qualité et domicile du déclarant, les locaux où seront faits les cours, et l'objet ou les divers objets de l'enseignement qui y sera donné. / Elle est remise au recteur de région académique dans les départements où est établi le chef-lieu de l'académie, et à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation dans les autres départements. Il en est donné immédiatement récépissé. / L'ouverture du cours ne peut avoir lieu que dix jours francs après la délivrance du récépissé. Toute modification aux points qui ont fait l'objet de la déclaration primitive doit être portée à la connaissance des autorités désignées à l'alinéa précédent. Il ne peut être donné suite aux modifications projetées que cinq jours après la délivrance du récépissé. " Aux termes de l'article L. 731-14 du même code : " Les établissements d'enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d'universités. Les certificats d'études qu'on y juge à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat. " Il résulte de ces dispositions que l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation dans l'académie doit, sans délai, donner récépissé aux déclarations d'ouverture d'un établissement d'enseignement supérieur, à condition que ces demandes entrent dans le champ d'application des articles L. 731-1 à L. 731-4 du code de l'éducation.
5. Aux termes de l'article L. 243-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " Outre les soins de première urgence autres que ceux nécessités par les maladies contagieuses, qui peuvent être réalisés par toute personne, des actes de médecine ou de chirurgie des animaux peuvent être réalisés par : (...) / 12° Dès lors qu'elles justifient de compétences définies par décret et évaluées par le conseil national de l'ordre, les personnes réalisant des actes d'ostéopathie animale, inscrites sur une liste tenue par l'ordre des vétérinaires et s'engageant, sous le contrôle de celui-ci, à respecter des règles de déontologie définies par décret en Conseil d'Etat ; (...) ". L'article D. 243-7 du même code dispose : " I.- Sont réputées détenir les compétences prévues au 12° de l'article L. 243-3 les personnes ayant réussi une épreuve d'aptitude composée d'une épreuve d'admissibilité et d'une épreuve pratique accessible après cinq années d'études supérieures et attestant : / - de leur capacité à évaluer une situation clinique, à établir un diagnostic ostéopathique et à déterminer et mettre en œuvre les manipulations ostéopathiques adaptées ; / - de leur capacité à identifier les cas nécessitant une prise en charge par un vétérinaire et excluant toute manipulation pouvant aggraver l'état de l'animal ou porter préjudice au diagnostic, notamment d'une maladie ; / - qu'elles détiennent les connaissances biologiques, anatomiques et physiologiques concernant les animaux traités et les méthodes d'élevage des animaux, ainsi que les connaissances théoriques sur les maladies des animaux. / Les connaissances et savoir-faire nécessaires à la maîtrise de ces compétences ainsi que les modalités d'organisation de l'épreuve et la composition du jury sont précisées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture. (...) ". Enfin, l'arrêté du 19 avril 2017 précisant les conditions selon lesquelles les personnes mentionnées à l'article D. 243-7 du code rural et de la pêche maritime sont réputées détenir les connaissances et savoir-faire nécessaires à la maîtrise des compétences exigées pour la réalisation d'actes d'ostéopathie animale prévoit à son article 1er : " Le présent arrêté fixe les conditions dans lesquelles les personnes mentionnées à l'article D. 243-7 du code rural et de la pêche maritime sont réputées détenir les connaissances et savoir-faire nécessaires à la maîtrise des compétences exigées pour la réalisation d'actes d'ostéopathie animale. " L'article 5 de ce texte dispose : " L'épreuve écrite d'admissibilité est un questionnaire à choix multiples. / En application de l'article D. 243-7 du code rural et de la pêche maritime, ce questionnaire à choix multiples porte sur les connaissances théoriques en biologie, en anatomie, en physiologie et en matière de maladies des espèces habituellement présentées en consultation d'ostéopathie animale. / Elles sont regroupées en trois thématiques : / -les disciplines fondamentales, notamment l'anatomie et la physiologie animales, l'histologie ou la biochimie ; / -les disciplines transversales incluant, outre les bases de zootechnie et d'alimentation, des aspects de droit, d'éthique et de santé publique ; / - les disciplines cliniques portant essentiellement sur le diagnostic d'exclusion et les disciplines ostéopathiques. " L'article 6 de ce texte prévoit : " I.- L'épreuve pratique est une démonstration sur un animal domestique issu des groupes d'espèces animales possibles suivants : soit un chien (Canis lupus) ou un chat (Felis silvestris), soit un équidé (Equus caballus, Equus asinus ou un hybride des deux) ou un bovin (Bos taurus). / Les groupes d'espèces animales sont affectés à chaque candidat par tirage au sort selon des modalités précisées dans le règlement prévu à l'article 2. / Le président du jury est en charge de l'organisation du tirage au sort et puis de l'attribution des animaux à chaque candidat. / Elle a pour objectif de vérifier que les personnes pratiquant des actes ostéopathie animale sont en capacité : / 1° D'aborder et de contenir un animal en toute sécurité pour l'animal et pour les personnes présentes, dans le respect des règles du bien-être animal et de l'éthique, de donner toutes les instructions pour se faire aider de façon efficace ; / 2° De procéder à l'anamnèse et mettre en œuvre des tests en adéquation avec la sémiologie clinique spécifique à l'ostéopathie animale afin d'établir des propositions de manipulations ostéopathiques ; / 3° D'identifier les cas nécessitant une prise en charge par un vétérinaire et en s'abstenant de toute manipulation pouvant aggraver l'état de l'animal, porter préjudice au diagnostic d'une affection intercurrente, notamment d'une maladie légalement réputée contagieuse ; / 4° De savoir en référer au professionnel compétent et disposant des moyens techniques nécessaires, autant que de besoin ; / 5° De mettre en œuvre les manipulations ostéopathiques adaptées ; / 6° De savoir donner les consignes de suivi et de rééducation de l'animal permettant d'optimiser le résultat de la manipulation ; / 7° De démontrer la connaissance d'une éthique professionnelle respectant la confiance du propriétaire. / II. - La première partie de l'épreuve pratique comprend : / 1° La conduite du recueil des commémoratifs et l'examen d'un animal au regard de la sémiologie clinique spécifique à l'ostéopathie ; / 2° La formulation de propositions de manipulation ostéopathique ; / 3° L'élaboration de recommandations. / III. - La deuxième partie de l'épreuve pratique comprend : / 1° La réalisation pratique de manipulations demandées par l'examinateur ; / 2° L'analyse et la discussion d'une situation rencontrée communément. / Il résulte de ces dispositions que les établissements d'enseignement supérieur privés ne délivrent pas nécessairement de diplôme aux étudiants mais que si tel est le cas ils doivent informer les étudiants de la reconnaissance ou non de ce diplôme par l'Etat. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du programme de formation de l'Institut ostéopathique animalier, que cet organisme dispense un enseignement d'une durée totale de 3 675 heures destiné à toute personne titulaire du baccalauréat général, technique ou professionnel souhaitant se former à l'ostéopathie animale et couvrant le programme des compétences évaluées par le conseil national de l'ordre des vétérinaires en application de l'arrêté du 19 avril 2017 précisant les conditions selon lesquelles les personnes mentionnées à l'article D. 243-7 du code rural et de la pêche maritime sont réputées détenir les connaissances et savoir-faire nécessaires à la maîtrise des compétences exigées pour la réalisation d'actes d'ostéopathie animale. Cet organisme doit ainsi être regardé comme dispensant une formation postsecondaire au sens de l'article L. 123-1 du code de l'éducation précité et comme un établissement d'enseignement supérieur au sens de l'article L. 731-1 du même code. La circonstance, dont se prévaut la ministre, que cet établissement ne délivre pas de diplôme est sans incidence sur cette qualification. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par la ministre que le dossier de déclaration déposé par la SAS Institut ostéopathique animalier aurait été incomplet au regard des prescriptions énoncées par les dispositions rappelées au point 4. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'était illégal le refus de la rectrice de l'académie de Nouvelle-Aquitaine de délivrer à l'Institut ostéopathique animalier un récépissé de déclaration d'ouverture.
7. Il résulte de ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de la rectrice de l'académie de Nouvelle-Aquitaine du 7 février 2020 et enjoint à cette autorité de délivrer sans délai à l'Institut ostéopathique animalier le récépissé prévu par les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'éducation.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Institut ostéopathique animalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS Institut ostéopathique animalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi qu'à la société par actions simplifiés Institut ostéopathique animalier.
Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique de Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX03656 2