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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX03353

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21BX03353


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Somarzo a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015.

Par un jugement n° 1901813 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête et des mémoires, enregistrés les 6 août 2021, 25 février 2022 et 27 mai 2022, la société Somarzo, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Somarzo a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015.

Par un jugement n° 1901813 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 août 2021, 25 février 2022 et 27 mai 2022, la société Somarzo, représentée par Me Chevrier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901813 du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juin 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue de fournir une évaluation des titres de la société Bureau A... et B... lors de l'apport réalisé le 26 novembre 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat des frais au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- il ressort du pacte d'associés conclu le 3 février 2014 que l'évaluation des titres de la société Bureau A... et B... est fixée selon une méthode qui aboutit à majorer le prix des titres cédés en présence d'un cessionnaire non-associé de la société ; la valeur des titres apportés à la société Somarzo, qui, par l'intermédiaire de M. B..., est l'associée indirecte de la société Bureau A... et B..., a été déterminée conformément aux dispositions de ce pacte et ne révèle pas une intention de lui accorder une libéralité ; les dispositions de ce même pacte ont également été appliquées lors de la vente de titres par M. A... et M. B... à la société Hacci, détenue par M. A..., qui n'est pas associé de la société Bureau A... et B..., et ont conduit à majorer leur valeur ;

- un apport de titres ne peut déclencher aucune imposition, ni sur le plan civil, ni sur le plan comptable, ni sur le plan fiscal dès lors qu'un tel apport n'a pas pour effet d'appauvrir l'apporteur ; l'exception appliquée par le service est limitée au cas de transmission de patrimoine par l'apporteur à ses enfants ; en tout état de cause, pour son application, il est nécessaire de tenir compte du contexte de l'apport pour démontrer l'existence d'un écart de prix et d'une libéralité ;

- la valorisation des titres de la société Bureau A... et B... telle qu'elle a été retenue est appuyée par un rapport d'évaluation réalisée par un expert-comptable en février 2014 ainsi que par une expertise réalisée en avril 2022 ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée au rehaussement en litige n'est ni motivée ni justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 janvier 2022 et le 2 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hellec, représentant la société Somarzo.

Les parties ont été informées lors de l'audience publique de la date de mise à disposition de l'arrêt le 21 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un traité d'apport du 26 novembre 2014, M. B..., associé à hauteur de 50 % du capital de la société Bureau A... et B... (BBT), a apporté 5 615 parts sur les 5 850 parts qu'il détenait dans cette société, à la SARL Somarzo, dont il est l'unique associé. Conformément à ce traité, ces titres ont été évalués à un montant de 768 000 euros, soit 136,70 euros le titre, et ont été inscrits pour cette valeur à l'actif du bilan de la société Somarzo par création de 44 065 parts de 16 euros chacune, attribuées à M. B..., ce dernier ayant perçu, pour le solde, une soulte de 62 930 euros. À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que cet apport avait été sous-évalué, au regard du prix de 100 000 euros payé par la société Hacci à M. B... et à M. A..., son associé au sein de la société BBT, pour l'acquisition, le 13 juin 2014, de 468 parts de cette société, soit 213,67 euros l'unité. Compte tenu de cette discordance, elle a regardé cette opération comme constitutive d'une libéralité à concurrence de la somme en résultant, soit 432 355 euros. Elle a, par conséquent, assujetti la société Somarzo à un rehaussement d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015, procédant de la réintégration de cette somme dans ses bénéfices sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts. La société Somarzo relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition (...) ; / b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; / c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que si les opérations d'apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n'est toutefois pas le cas lorsque la valeur d'apport des immobilisations, comptabilisée par l'entreprise bénéficiaire de l'apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l'apporteur à l'entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine des immobilisations apportées à l'entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l'actif net de l'entreprise dans la mesure de l'apport effectué à titre gratuit. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre la rémunération convenue pour l'apport et la valeur vénale du bien apporté et, d'autre part, d'une intention, pour l'apporteur, d'octroyer et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l'apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

3. La valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession ou l'apport est intervenu. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

4. Il résulte de l'instruction, notamment des termes du pacte d'associés conclu le 3 février 2014 entre M. B..., M. A... et la société BBT, que le prix de 213,67 euros la part, acquitté par la société Hacci lors de l'acquisition, le 13 juin 2014, de 468 parts de la société BBT, correspond à la valeur normale de ces titres lorsqu'une telle cession est opérée à l'endroit de cessionnaires qui n'ont pas la qualité d'associé de cette société. Il en résulte que cette valeur est aussi voisine que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où l'apport est intervenu et constitue ainsi la valeur vénale d'une telle part. Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la pertinence des méthodes alternatives proposées par le service pour déterminer la valeur de l'actif de la société BBT, l'administration était fondée à considérer qu'il existait une discordance significative entre la valeur d'apport des titres de M. B... à la société Somarzo et la valeur vénale de ces titres.

5. Pour combattre la présomption d'une intention libérale dans l'apport consenti à la société Somarzo par M. B..., qui en était le dirigeant et unique associé, ce qui suffit à caractériser une relation d'intérêts, la société se prévaut des termes du pacte d'associés conclu le 3 février 2014 desquels il ressort que le prix de cession des titres de la société BBT est ajusté, à concurrence de 40 % de leur valeur, selon que le cessionnaire est, ou non, déjà associé de cette société au moment de la vente. L'appelante justifie cet ajustement par la circonstance que la société BBT exerce une activité de courtage en vins et notamment, pour près de la moitié de son activité, de ventes de vins en cours d'élevage, dite " en primeur ", pour lesquelles il existe un décalage de 18 à 24 mois entre la conclusion des bordereaux d'achat et de vente et l'achèvement de la prestation par le courtier, au moment de la livraison conforme du vin. La personne d'ores et déjà associée de la société lors de l'acquisition de titres a, de ce fait, participé en tout ou partie à la réalisation des affaires " primeur " des 18 à 24 derniers mois, par l'intermédiaire de la société, et aux coûts que représentent de telles opérations de suivi de courtage, ce qui n'est pas le cas d'un nouvel entrant, qui n'en tirera que le bénéfice lors de l'achèvement de la prestation. Dans ces conditions, la minoration du prix de vente des parts sociales de la société BBT à un de ses associés ne saurait être regardée comme traduisant la volonté de lui octroyer une libéralité mais comme reflétant les caractéristiques spécifiques de son activité. De la même manière, et quand bien même, ainsi que le relève l'administration, la société Somarzo n'était pas, à la date de l'apport litigieux, associée de la société BBT, la minoration de la valeur vénale des titres qui lui ont été apportés par M. B... selon les modalités prévues par le pacte pour la cession à un associé, ne traduit pas, dans les circonstances de l'espèce, une libéralité, mais la prise en compte de la participation de l'intéressé à la réalisation des affaires " primeur " des 18 à 24 derniers mois de la société BBT, dans la mesure où, à cette date, M. B... détenait 50 % des parts de cette société et était l'unique gérant et associé de la société Somarzo.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Somarzo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 et à demander à être déchargée de cette imposition.

7. D'une part, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de la société Somarzo tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens doivent être rejetées. D'autre part, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'étant pas chiffrées, elles ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901813 du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La société Somarzo est déchargée, en droits, pénalités et majoration, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Somarzo est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Somarzo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03353

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03353
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LEXCO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx03353 ?
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