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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX03085

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21BX03085


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Guyane Corporation Minière a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter une mine aurifère de type alluvionnaire sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, sur la crique " Amadis ".



Par un jugement n° 1901852 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, et un mémoire complémen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Guyane Corporation Minière a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter une mine aurifère de type alluvionnaire sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, sur la crique " Amadis ".

Par un jugement n° 1901852 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 septembre 2023, la société Guyane Corporation Minière, représentée par la SCP d'avocats CGCB, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901852 du 27 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter une mine aurifère de type alluvionnaire sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, sur la crique " Amadis " ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de la Guyane a commis une erreur d'appréciation des faits en lui déniant toute expérience en matière d'exploitation minière et en retenant l'insuffisance de ses capacités financières ;

- le tribunal administratif de la Guyane a commis une erreur de droit liée à l'interprétation des dispositions du décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d'exploitation de mines dans les départements d'outre-mer ; elle respectait toutes les conditions posées par l'article 7 du décret dans son dossier de demande ; en requérant de sa part une " précision ou garantie sur la livraison effective " du matériel, le tribunal a ajouté un critère nullement prévu par le décret ;

- en rejetant sa demande au profit d'une société concurrente, qui s'est vu octroyer une autorisation pour le périmètre " Crique Amadis 2 ", le préfet de la Guyane a méconnu le principe de l'antériorité prévu par l'article 3 du décret du 6 mars 2001 ;

- le préfet de la Guyane a commis une erreur d'appréciation ; elle a produit tous les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières lui permettant d'exploiter un site minier et, a minima s'il fallait retenir la doctrine de primo exploitant dégagée par la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), le rectangle d'un km² sis " Crique Amadis 1 " ; le tribunal administratif a retenu de manière erronée que les premiers besoins de trésorerie s'élevaient à une somme de 470 997 euros durant les trois premiers mois d'exploitation ;

- l'arrêté attaqué a appliqué, de manière erronée, les critères de délivrance fixés par le décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d'exploitation de mines dans les départements d'outre-mer ; les modalités de livraison du matériel ne font pas partie des éléments requis ;

- l'article 6 n'exige pas, de la part du gérant de la société pétitionnaire, une expérience personnelle en matière d'exploitation minière, dès lors que celle de ses " cadres chargés du suivi et de la conduite des travaux " se trouve établie ; M. B... bénéficie d'une expérience de qualité dans le domaine de l'extraction minière ; aucune référence professionnelle ou liste de travaux récents auxquels auraient participé les responsables de travaux n'est exigée par les textes ; l'avis défavorable de l'Office national des forêts (ONF) qui a relevé que les travaux de prospection avaient été menés avec une pelle excavatrice de 21 tonnes au lieu des 13 tonnes mentionnées dans la déclaration loi sur l'eau est discriminatoire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février et 4 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Guyane Corporation Minière ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 27 octobre 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code minier ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;

- le décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 février 2019, la société à responsabilité limitée Guyane Corporation Minière (GCM) a sollicité du préfet de la Guyane la délivrance d'une autorisation d'exploiter une mine aurifère de type alluvionnaire sur la crique Amadis située sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni. Par un arrêté du 28 octobre 2019, le préfet de la Guyane a refusé de faire droit à cette demande. La société Guyane Corporation Minière relève appel du jugement du 27 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 611-6 du code minier : " Nul ne peut obtenir une autorisation d'exploitation s'il ne possède les capacités techniques et financières pour mener à bien les travaux d'exploitation dans les conditions prévues par les articles L. 611-14 et L. 611-35. " et aux termes de l'article L. 611-12 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation des capacités techniques et financières, les conditions d'attribution des autorisations et la procédure d'instruction des demandes. ".

En ce qui concerne les capacités techniques :

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d'exploitation de mines dans les départements d'outre-mer : " Les actes relatifs à la délivrance (...) de l'autorisation d'exploitation mentionnée aux articles 21 et 68 du code minier, ainsi que les conditions et obligations auxquelles doivent satisfaire, selon le cas, les demandeurs ou les détenteurs de ladite autorisation, sont réglés par le présent décret. ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Afin de justifier les capacités techniques mentionnées à l'article 68 du code minier, le demandeur d'une autorisation d'exploitation fournit à l'appui de sa demande, outre les documents mentionnés à l'article 5 du présent décret :/ a) Ses références professionnelles ou, s'il s'agit d'une personne morale, celles du ou des cadres chargés du suivi et de la conduite des travaux ;/ b) La liste des travaux auxquels il a participé au cours des trois dernières années, accompagnée d'un descriptif sommaire des travaux les plus importants ;/ c) Un descriptif des méthodes envisagées pour l'exécution des travaux./ Le préfet peut demander tous compléments d'information qu'il juge utile. ".

4. Pour justifier de ses capacités techniques, la société GCM fait valoir que son gérant, M. A..., a suivi la formation " introduction aux techniques minières de Guyane " du 6 au 17 octobre 2014, d'une durée de 72 heures, qu'il bénéficiera de l'accompagnement, à titre gracieux, du gérant de la société Compagnie des travaux aurifères, pendant une période de six mois, à compter de la date de délivrance de l'autorisation sollicitée, ainsi que de l'assistance technique et administrative de la société Amazonetech, à raison de quatre jours par mois, afin d'explorer de nouveaux prospects, interpréter et réaliser des cartes de synthèse, rédiger des rapports de prospection, procéder au contrôle d'exploitation, notamment environnemental et proposer des procédés d'amélioration des rendements et de la récupération de l'or. Elle fait également valoir que huit personnes travailleront sur le chantier sous la responsabilité de M. B..., technicien expérimenté, qui a aussi suivi la formation " introduction aux techniques minières de Guyane " au mois d'octobre 2013 et était libre de tout engagement à compter du 20 décembre 2017 et que les engins mécaniques nécessaires à l'exploitation feront l'objet de prêts par une société surinamaise et devront être acheminés sur place. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société appelante a pour gérant un primo-exploitant et qu'elle ne justifie ni de l'engagement ferme de M. B..., ni d'une durée suffisante de mise à disposition des pelles excavatrices, celles-ci étant prêtées pour une durée de seize mois alors qu'elle estime nécessaire, pour la bonne gestion de l'entreprise, d'obtenir les trois autorisations d'exploiter, pour une durée variant de 18 à 41 mois. L'Office national des forêts (ONF) a en outre émis un avis défavorable à son dossier au motif notamment que les travaux de recherche minière auxquels elle a procédé n'étaient pas conformes à la déclaration loi sur l'eau, ce que la société appelante ne conteste pas. La circonstance que d'autres sociétés auraient été autorisées à utiliser un matériel non autorisé par la loi sur l'eau n'est pas de nature à révéler une attitude discriminatoire de la part de l'administration à son égard. Par suite, contrairement à ce que la société soutient, pour prendre l'arrêté contesté, le préfet, qui ne s'est pas seulement fondé sur l'avis défavorable émis par l'ONF ou sur les conditions d'acheminement du matériel prêté, a pu légalement estimer que les capacités techniques présentées par la société GCM étaient insuffisantes.

En ce qui concerne les capacités financières :

5. Aux termes de l'article 7 du décret du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d'exploitation de mines dans les départements d'outre-mer : " Afin de justifier les capacités financières mentionnées à l'article 68 du code minier, le demandeur d'une autorisation d'exploitation fournit à l'appui de sa demande :/a) La liste et la valeur du matériel d'extraction et de traitement qu'il détient ou qu'il envisage d'acquérir ainsi que, dans ce dernier cas, le financement correspondant ;/b) Des déclarations bancaires ou cautions appropriées ;/c) S'il s'agit d'une société commerciale, les trois derniers bilans et comptes de résultats ;/d) Une attestation sur l'honneur certifiant qu'il est en règle au regard de ses obligations fiscales et en matière de paiement de ses cotisations sociales./Le préfet peut demander tous compléments d'information qu'il juge utile. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la société GCM évalue dans son dossier de demande, le coût du matériel nécessaire à 317 728 euros, et l'ensemble des frais relatifs à la mise en place et au premier mois d'activité à 146 243 euros, en ce compris notamment les salaires, les coûts d'infrastructure, la rampe de lavage, les frais de transport et d'intendance. Les coûts mensuels de fonctionnement sont estimés à 89 743 euros et le projet n'est fiable qu'à la condition d'obtenir les trois autorisations d'exploiter. La société appelante évalue le résultat net minimal mensuel à 32 000 euros, 172 700 euros et 46 700 euros pour chacune des trois autorisations d'exploiter, sous réserve du cours de l'or. Si la société GCM justifie d'un apport de deux fois 35 000 euros, par les sociétés Sud Energie et Amk Electricité et du prêt, à titre gracieux, de deux pelles excavatrices et de deux motopompes pour une durée de seize mois, cette dernière mise à disposition étant renouvelable tacitement, elle indique s'être vue refuser au mois d'avril 2018 un prêt bancaire d'un montant de 426 000 euros et être dans l'attente d'une réponse à sa demande d'avance remboursable de 150 000 euros déposée le 21 février 2018 auprès de la collectivité territoriale de Guyane dans le cadre du fonds régional d'avances remboursables (FRAR). Dans son rapport en date du 8 octobre 2019, la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement constate également que la société requérante, " avant même le début de l'exploitation " se trouve dans une situation financière dégradée et une capacité d'autofinancement négative. Elle relève aussi que certains salaires ont été omis dans le plan de financement initial et conclut que les capacités financières du demandeur sont trop aléatoires et limitées pour pouvoir s'engager durablement dans l'exploitation d'un site minier. Dans ces conditions, ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal administratif, la société GCM ne justifie pas de capacités financières suffisantes pour lui permettre de conduire son projet.

7. Il résulte des points qui précèdent qu'en retenant que les éléments contenus dans le dossier de demande n'apportaient pas de garanties suffisantes sur les capacités techniques et financières nécessaires à l'exploitation d'une mine alluvionnaire, le préfet de la Guyane n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation.

En ce qui concerne le principe d'antériorité :

8. Aux termes de l'article 3 du décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 : " Pour l'application des dispositions de l'article 68 du code minier, les critères de délivrance d'une autorisation d'exploitation sont, outre les capacités techniques et financières : /a) La qualité technique des programmes de travaux présentés ;/ b) La compétence dont le demandeur a fait preuve à l'occasion d'éventuelles autorisations antérieures, (...) ; /c) L'éventuelle proximité d'une zone déjà exploitée par le demandeur ; /d) La date du dépôt de la demande./ e) En Guyane, lorsque la demande d'autorisation d'exploitation porte sur un espace compris dans la zone 2 du schéma départemental d'orientation minière, la démonstration de l'existence d'un gisement qui permette d'évaluer l'importance de la ressource et sa localisation avec une précision suffisante pour à la fois éviter des atteintes à l'environnement inutiles et assurer une implantation et une conduite optimales du chantier ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité compétente d'instruire les demandes d'autorisation dont elle est saisie au regard de l'ensemble des critères ainsi énumérés sans privilégier l'un quelconque d'entre eux. Il en résulte que la société GCM, qui, ainsi qu'il a été dit aux points qui précèdent, ne remplissait pas les conditions relatives aux capacités techniques et financières, ne peut se prévaloir de la seule circonstance que sa demande a été déposée antérieurement à celle de la société Al Mactoum pour soutenir que l'autorisation en litige ne pouvait régulièrement être délivrée à cette dernière. Si la société GCM soutient également qu'elle a obtenu le 27 octobre 2017 une autorisation de recherche minière antérieurement à celle délivrée à la société Al Mactoum, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'instruire et de statuer en priorité sur les demandes d'autorisation d'exploiter présentées par les opérateurs ayant obtenu les premiers une autorisation de recherche minière. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Guyane Corporation Minière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Guyane Corporation Minière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Guyane Corporation Minière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Guyane Corporation Minière et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLe président,

Luc Derepas Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03085
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SCP CGCB & ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx03085 ?
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