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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX01241

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21BX01241


Vu la procédure suivante :



I. Par une ordonnance du 22 mars 2021 le président du tribunal administratif de Limoges a transmis à la cour la requête enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 1800870, désormais enregistrée sous le n° 21BX01242.



Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 5 juin 2018, 11 juin 2018, 20 juillet 2020, 15 septembre 2020, 3 février 2022 et 28 février 2022, l'association Berry Paysages Tranquillité, M. E... F..., Mme H... F..., M. A... I..., Mme C... I..., M. B... D... et Mme G... D..., repr

ésentés par Me Peyronne, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 5 dé...

Vu la procédure suivante :

I. Par une ordonnance du 22 mars 2021 le président du tribunal administratif de Limoges a transmis à la cour la requête enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 1800870, désormais enregistrée sous le n° 21BX01242.

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 5 juin 2018, 11 juin 2018, 20 juillet 2020, 15 septembre 2020, 3 février 2022 et 28 février 2022, l'association Berry Paysages Tranquillité, M. E... F..., Mme H... F..., M. A... I..., Mme C... I..., M. B... D... et Mme G... D..., représentés par Me Peyronne, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Indre a délivré à la société Eoliennes du Camélia l'autorisation unique nécessaire à l'édification et l'exploitation d'un parc de six éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Reboursin, ensemble la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux présenté le 30 janvier 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- le volet paysager de l'étude d'impact est insuffisant en ce qui concerne l'insertion du projet dans son environnement et l'effet de saturation visuelle résultant de la présence, dans le secteur nord de la zone 15, de 143 éoliennes ; il n'est pas tenu compte du cadrage mentionné par le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SCRAE) du 26 juillet 2012 ; le volet paysager ne fait pas mention du projet éolien de Luçay-le-Libre, situé à 5 kilomètres (km) ; il n'analyse pas le phénomène de saturation visuelle depuis le lieu-dit " La Roche " et ne présente pas le projet " à feuilles tombées " ; il minimise l'impact visuel de l'éolienne R5 depuis l'Eglise Notre-Dame de Graçay, inscrite au titre des Monuments Historiques et, à cet égard, est imprécis et incohérent ;

- le dossier de demande d'autorisation est incomplet dès lors que le département de l'Indre et l'Institut national de l'origine et de la qualité auraient dû être consultés, conformément aux dispositions respectives des articles R. 423-53 du code de l'urbanisme et R. 181-23 du code de l'environnement ; contrairement aux dispositions de l'article R. 431-13, le dossier ne comporte pas de pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; le projet architectural mentionné au b de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme est incomplet ;

- le dossier soumis à enquête publique était incomplet dès lors qu'il ne comprenait aucun des avis émis par les autorités publiques devant être consultées, à l'exception de celui émis par l'autorité environnementale ; les conclusions de la commission d'enquête sont insuffisamment motivées ; il est impossible d'identifier les modifications apportées à l'issue de l'enquête publique, de connaître l'origine de ces modifications et de savoir si ces modifications ont eu pour effet de modifier l'économie générale du projet ;

- l'étude de dangers minimise l'impact que pourrait revêtir la survenance de l'un des évènements qu'elle analyse sur la sécurité des personnes, dès lors qu'elle ne prend pas en compte la présence de la voie communale n°3, située à proximité immédiate de l'éolienne R4 ;

- la présentation des capacités financières de la société pétitionnaire est lacunaire en l'absence, notamment, d'un engagement de la société mère, la société H2air, de financer le projet et d'un engagement d'un établissement de crédit relatif à l'emprunt bancaire envisagé par le pétitionnaire ; le dossier ne comprend aucun élément permettant d'attester sérieusement des capacités financières de l'entreprise ;

- le dossier ne précise pas la nature des garanties financières permettant d'attester la possibilité de démanteler les installations à l'issue de la période d'exploitation ; aucun document ne permet d'attester que les montants nécessaires pourront effectivement être provisionnés ;

- l'implantation du parc, cumulée avec les autres parcs existants, autorisés ou projetés, provoquera un phénomène de saturation visuelle et présentera des inconvénients excessifs pour la protection de la commodité du voisinage, visée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; ce projet méconnaît, en outre, les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- eu égard aux nuisances sonores générées par le fonctionnement du parc, le projet présente un danger pour la santé des riverains ;

- la proximité des éoliennes est susceptible d'augmenter les risques de stress et de dépression, notamment pour les riverains les plus proches des machines ;

- le projet présente un danger pour la sécurité des utilisateurs de la voie communale n° 3 ;

- il existe un impact résiduel important pour la préservation des chiroptères, qui s'oppose à la délivrance de l'autorisation sollicitée ; s'agissant de l'éolienne R6, un plan de bridage aurait dû être mis en place d'office sans attendre les résultats du suivi de mortalité et d'activité ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des capacités financières du pétitionnaire ; la société H2air ne dispose pas des fonds nécessaires pour assurer la construction du projet, son exploitation ainsi que sa cessation et la remise en état du site par la société pétitionnaire ; aucune offre ferme de prêt bancaire n'a été fournie par la société Eoliennes du Camélia, ni dans son dossier de demande, ni ultérieurement ; l'audit qui serait effectué par un organisme bancaire n'aboutirait pas eu égard aux inconvénients que présente le projet ;

- le projet, en tant qu'il vaut permis de construire, est insuffisamment précisé au regard des exigences en matière d'urbanisme ; la localisation des postes de livraison, le modèle des éoliennes et les modalités d'accès au site ne sont pas définis ; le préfet n'a pu s'assurer du respect des dispositions d'ordre public posées à l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 janvier 2019, 6 décembre 2020, 5 juillet 2021 et 1er avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Eoliennes du Camélia, représentée par Me Cambus, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, au sursis à statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance des capacités techniques et financières en fixant les modalités de régularisation que la cour considèrera comme adaptées, et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance des capacités techniques et financières, à le supposer avéré, est régularisable sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

- les moyens soulevés par les requérants sont inopérants ou non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2019, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête en indiquant se rapporter aux écritures en défense présentées par le préfet de l'Indre.

II. Par une ordonnance du 22 mars 2021 le président du tribunal administratif de Limoges a transmis à la cour la requête enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 2000986, désormais enregistrée sous le n° 21BX01241.

Par une requête et des pièces, enregistrées les 24 juillet 2020 et 3 février 2022, l'association Berry Paysages Tranquillité, M. E... F..., Mme H... F..., M. A... I..., Mme C... I..., M. B... D... et Mme G... D..., représentés par Me Peyronne, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 du préfet de l'Indre modifiant l'arrêté du 5 décembre 2017, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux du 23 mars 2020.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- contrairement aux dispositions de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, l'autorité environnementale, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, la commission locale de l'eau, l'Agence régionale de santé ainsi que les collectivités compétentes en matière d'urbanisme n'ont pas été consultées ;

- les avis de la direction générale de l'aviation civile du 23 novembre 2018 et de Météo France du 14 décembre 2018 ont été émis sans que ces organismes n'aient eu connaissance de certains documents ou études établis postérieurement à ces avis et sont dès lors irréguliers ;

- l'étude démontrant le respect des critères de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux aérogénérateurs ou l'absence d'augmentation des impacts sur les radars, dont la production est préconisée par l'instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018, n'a pas été produite ;

- le dossier de porter à connaissance est incomplet dès lors qu'il ne comporte pas l'ensemble des documents dont la production est préconisée par cette instruction, notamment un document abordant la question de la conformité du projet à la réglementation d'urbanisme applicable sur le territoire ; les nouveaux photomontages produits sont insuffisamment probants quant aux modifications envisagées ;

- le pétitionnaire n'a pas actualisé ses capacités financières ;

- les modifications apportées au projet sont d'une ampleur telle qu'elles sont de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en ce qui concerne la santé des riverains, la préservation des chiroptères et l'impact visuel et paysager du projet ; ces modifications, qui présentent un caractère substantiel, rendaient nécessaires la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale et l'organisation d'une nouvelle enquête publique ;

- eu égard aux nuisances sonores générées par le fonctionnement du parc, le projet modifié présente un danger pour la santé des riverains, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- le projet modifié présente des inconvénients excessifs pour la protection des chiroptères.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2021, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- M. et Mme F..., M. et Mme I... ainsi que M. et Mme D... ne justifient pas d'un intérêt propre leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 mars 2021 et 5 juillet 2021, la société Eoliennes du Camélia, représentée par Me Cambus, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. et Mme F..., M. et Mme I... ainsi que M. et Mme D... ne justifient pas d'un intérêt propre leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par les requérants sont inopérants ou non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête en indiquant se rapporter aux écritures en défense présentées par le préfet de l'Indre.

III. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 avril 2022 et 5 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, sous le n° 22BX01127, l'association Berry Paysages Tranquillité, M. E... F..., Mme H... F..., M. A... I..., Mme C... I..., M. B... D... et Mme G... D..., représentés par Me Peyronne, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 du préfet de l'Indre modifiant l'arrêté du 5 décembre 2017 modifié, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux du 14 décembre 2021.

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- contrairement aux dispositions de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, l'autorité environnementale et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'ont pas été consultées ;

- l'étude d'impact réalisée au cours des années 2015 et 2016 pour l'instruction de l'autorisation unique initialement délivrée par le préfet le 5 décembre 2017 est désormais obsolète et aurait dû faire l'objet d'une actualisation ;

- le dossier de porter à connaissance est incomplet dès lors qu'il ne comporte pas l'ensemble des documents dont la production est préconisée par cette instruction ; les nouveaux documents et photomontages produits sont insuffisamment probants quant aux modifications envisagées, notamment s'agissant de l'aggravation d'un phénomène de saturation visuelle, de l'impact visuel du projet pour la population avoisinante, de la perception des machines depuis l'église Notre-Dame de Graçay ainsi que de son impact pour les espèces animales et la sécurité publique ;

- le pétitionnaire n'a pas actualisé ses capacités financières ;

- les modifications apportées au projet sont d'une ampleur telle qu'elles sont de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en ce qui concerne la santé des riverains, la préservation des chiroptères et l'impact visuel et paysager du projet ; ces modifications, qui présentent un caractère substantiel, rendaient nécessaires la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale et l'organisation d'une nouvelle enquête publique ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des capacités financières du pétitionnaire ; la société H2air ne dispose pas des fonds nécessaires pour assurer la construction du projet, son exploitation ainsi que sa cessation et la remise en état du site par la société pétitionnaire ; aucune offre ferme de prêt bancaire n'a été fournie par la société Eoliennes du Camélia, ni dans son dossier de demande, ni ultérieurement ; l'audit qui serait effectué par un organisme bancaire n'aboutirait pas eu égards aux inconvénients que présente le projet ;

- le projet de porter à connaissance n'est pas suffisamment défini quant au modèle des éoliennes, à leurs dimensions exactes ou à leurs caractéristiques esthétiques ; le service instructeur n'a pas pu apprécier le respect des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, n'ayant pas été saisi d'un projet précisément arrêté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2022, la société Eoliennes du Camélia, représentée par Me Cambus, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, au sursis à statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance des capacités techniques et financières en fixant les modalités de régularisation que la cour considèrera comme adaptées, et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. et Mme F..., M. et Mme I... ainsi que M. et Mme D... ne justifient pas d'un intérêt propre leur donnant qualité pour agir ;

- le moyen tiré de l'insuffisance des capacités techniques et financières, à le supposer avéré, est régularisable sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

- les moyens soulevés par les requérants sont inopérants ou non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet en faisant valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 juillet 2023 à 12h00.

Un mémoire, présenté pour l'association Berry Paysages Tranquillité et autres, a été enregistré le 29 novembre 2023, soit après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cambus, représentant la société Eoliennes du Camélia.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eoliennes du Camélia a sollicité, le 2 août 2016, la délivrance d'une autorisation unique nécessaire à l'édification et l'exploitation d'un parc de six éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Reboursin. Par un arrêté du 5 décembre 2017, le préfet de l'Indre a délivré l'autorisation sollicitée. La société a également déposé, en mai 2019 et en novembre 2020, deux dossiers de porter à connaissance informant le préfet, notamment, d'une augmentation de la puissance unitaire des turbines, de la taille des éoliennes, de la longueur des pales, du diamètre des rotors et de l'emprise au sol ainsi que d'un déplacement des six éoliennes. Par deux arrêtés complémentaires des 24 janvier 2020 et 19 octobre 2021, le préfet de l'Indre a autorisé la société pétitionnaire à modifier le parc éolien autorisé en fixant de nouvelles prescriptions. Par des ordonnances du 20 mars 2021, le président du tribunal administratif de Limoges a transmis à la cour, sur le fondement des dispositions des articles R. 311-5, R. 345-3 et R. 351-3, les requêtes de l'association Berry Paysages Tranquillité et autres tendant à l'annulation des arrêtés du 5 décembre 2017 et du 24 janvier 2020. Les intéressés demandent à la cour l'annulation de ces deux arrêtés ainsi que de l'arrêté du 19 octobre 2021.

Sur la jonction :

2. Les requêtes présentées par l'association Berry Paysages Tranquillité et autres sont relatives à la même demande d'autorisation unique et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir soulevées dans les dossiers 21BX01241 et 22BX01127 :

3. Il résulte de l'instruction que l'association Berry Paysages Tranquillité a notamment pour objet social la préservation des paysages, de la tranquillité, des espaces naturels, de la faune et de la flore du Berry et plus particulièrement des communes de Graçay, Saint-Outrille, Reboursin, Saint-Florentin ainsi que des communes environnantes, en exerçant tous droits de protection et d'amélioration de l'environnement et de l'habitat. Eu égard à son objet statutaire, à son champ d'intervention géographique et aux missions qu'elle s'est assignée cette association justifie d'un intérêt pour contester l'autorisation unique portant sur l'installation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Reboursin, ainsi que les arrêtés complémentaires relatifs à cette autorisation. Par suite, alors même que certaines des personnes physiques qui ont introduit les requêtes avec cette association ne justifieraient pas d'un intérêt à contester ces décisions, ces demandes sont recevables. Les fins de non-recevoir opposées par la société Eoliennes du Camélia et le préfet de l'Indre dans les dossiers 21BX01241 et 22BX01127 doivent donc être écartées.

Sur le cadre juridique applicable aux litiges :

4. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'e'ntrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

5. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation, la juridiction statuant comme juge de l'excès de pouvoir contre l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation qui ont régulièrement été déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit donc être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017.

6. La demande initiale d'autorisation en litige, déposée dans le cadre du dispositif expérimental de l'autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement prévu par l'ordonnance du 20 mars 2014, le 2 août 2016, et complétée le 23 mars 2017, devait être instruite et délivrée selon les modalités prévues par l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et le décret du 2 mai 2014 pris pour son application. En revanche, compte tenu de la date à laquelle l'autorisation unique a été délivrée, le 5 décembre 2017, le régime juridique applicable à la décision après sa délivrance ainsi qu'aux arrêtés modificatifs est celui régissant les nouvelles autorisations environnementales, fixé par le chapitre unique du titre VIII du code de l'environnement.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 décembre 2017 :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

7. Aux termes de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, alors en vigueur : " I. Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. (...) ". Le contenu de l'étude d'impact, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire, est défini à l'article R. 122-5 du même code. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative notamment en la conduisant à sous-estimer l'importance des conséquences du projet sur l'environnement.

8. Il résulte des dispositions du 4° de l'article R. 122-5 du code de l'environnement que les autres projets connus avec lesquels les effets cumulés d'un projet donné doivent être appréciés et analysés au sein de l'étude d'impact sont ceux qui, lors de son dépôt, ont notamment fait l'objet d'une étude d'impact au titre du même code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public.

9. L'étude d'impact recense, dans un rayon de 20 km autour de la zone d'implantation du projet, les parcs éoliens construits, autorisés ou projetés. Le volet paysager de l'étude d'impact consacre une analyse à la saturation visuelle, par l'effet du cumul des parcs, pour les paysages ainsi que pour les villages et hameaux les plus sensibles situés à proximité du projet, résultant notamment de la présence, dans le secteur d'implantation, du parc éolien des Champs d'amour et du projet de parc éolien de Montplaisir. Contrairement à ce qui est soutenu, les nombreux photomontages réalisés à proximité de la zone d'implantation du futur parc, annexés à l'étude paysagère, représentent des points d'observation pertinents pour appréhender un éventuel phénomène de saturation visuelle, quand bien-même certains d'entre eux n'ont pas été réalisés " à feuilles tombées ". Le projet éolien de Luçay-le-Libre, qui, selon les affirmations non contestées de la société Eoliennes du Camélia, était en cours d'instruction et n'avait pas encore fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale à la date de dépôt de la demande d'autorisation unique par le pétitionnaire, n'avait pas à être pris en compte. La circonstance que le volet paysager ne comporte pas d'étude de cas spécifique concernant le hameau de La Roche, dont la situation à proximité du parc des Camélias est par ailleurs analysée, ne révèle pas une insuffisance de l'étude d'impact, seuls les villages et hameaux les plus importants ayant fait l'objet de telles études de cas. Enfin, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir que la qualité des photomontages, notamment celui relatif à l'impact visuel de l'éolienne R5 depuis l'église Notre-Dame de Graçay, située à 3,7 km du projet, serait insincère ou manifestement insuffisante. L'impact du parc éolien sur ce monument historique, qualifié de modéré dans le volet paysager de l'étude d'impact, a fait l'objet d'une analyse suffisante dans le photomontage complémentaire C9. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de ce volet paysager et de l'imprécision de l'étude d'impact doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de demande :

10. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de l'instruction que, conformément aux dispositions de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, le département de l'Indre a été saisi, pour avis, le 24 mai 2017 et a rendu son avis sur le projet de parc éolien le 8 juin 2017. De même, il résulte du rapport de l'inspection des installations classées du 20 octobre 2017 que l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a émis un avis sur le projet le 31 mai 2017. Enfin, le projet de construction ne portant sur aucune dépendance du domaine public autre que celle du département, qui, dans son avis précité du 24 mai 2017, a exprimé son accord à l'occupation du domaine public routier par des canalisations électriques moyennant le versement d'une redevance, l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que, en application de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, le dossier joint à la demande de permis de construire devait comporter une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

11. En second lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, alors en vigueur : " I. ' Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : / (...) / 3° Le projet architectural mentionné au b de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis de construire : / (...) / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ".

12. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de demande de l'autorisation unique intègre une notice architecturale et paysagère comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de l'incomplétude du dossier sur ce point doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne l'enquête publique :

13. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / (...) / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. (...) ".

14. Il résulte de ces dispositions que ne doivent être joints au dossier soumis à l'enquête publique que les avis émis sur le projet lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête et non à compter de l'ouverture de l'enquête publique. Les requérants se bornent à soutenir " qu'aucun des avis émis par les autorités publiques devant impérativement être consultées sur le projet " n'a été joint au dossier d'enquête publique, sans distinguer entre les avis rendus obligatoires préalablement à l'ouverture de l'enquête et ceux, tels les avis des communes intéressées, en application de l'article R. 512-20 du code de l'environnement alors en vigueur, rendus obligatoires à compter de l'ouverture de l'enquête publique et qui n'avaient pas à figurer au dossier d'enquête publique. Par suite, le moyen, insuffisamment précisé, doit être écarté.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Si le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations formulées durant l'enquête publique, ces dispositions lui imposent d'indiquer, au moins sommairement, en tenant compte des principales observations et en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de ses conclusions.

16. Le rapport de la commission d'enquête du 31 août 2017 rappelle l'objet du projet, les principales données du dossier, dresse la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, précise l'organisation et le déroulement de l'enquête et examine, en les synthétisant, les observations formulées par le public, en en restituant la teneur et en présentant la position motivée de la commission. Ses conclusions du 2 septembre 2017, contenues dans un document séparé, comme l'exige l'article R. 123-19 du code de l'environnement, développent de manière circonstanciée les éléments l'ayant conduite à émettre un avis favorable sur le projet, sous les deux réserves tenant à l'adaptation du système de balisage lumineux et à la réalisation périodique d'une mesure des niveaux d'émission sonore par une personne ou un organisme qualifié. La commission d'enquête analyse notamment, en se référant, au besoin, au rapport d'enquête, la gouvernance du projet ainsi que les enjeux sur le paysage, le patrimoine, la biodiversité, la santé, la sécurité et le bruit. Ces conclusions sont synthétiques, personnelles et émettent différentes réserves sur le projet et ne se bornent ainsi pas à des considérations d'ordre général. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, elles sont suffisamment motivées.

17. En dernier lieu, l'association Berry Paysages Tranquillité et autres soutiennent qu'il est impossible d'identifier, à la lecture de l'arrêté litigieux, les modifications apportées au projet à l'issue de l'enquête publique, de connaître l'origine de ces modifications et de savoir si ces modifications ont eu pour effet de modifier l'économie générale du projet. Toutefois, la société Eoliennes du Camélia fait valoir, sans être contredite, qu'aucune modification n'a été apportée au projet postérieurement à l'enquête publique. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'étude de dangers :

18. Aux termes de l'article R. 512-9 du code de l'environnement, alors en vigueur : " I. L'étude de dangers mentionnée à l'article R. 512-6 justifie que le projet permet d'atteindre, dans des conditions économiquement acceptables, un niveau de risque aussi bas que possible, compte tenu de l'état des connaissances et des pratiques et de la vulnérabilité de l'environnement de l'installation. / Le contenu de l'étude de dangers doit être en relation avec l'importance des risques engendrés par l'installation, compte tenu de son environnement et de la vulnérabilité des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. (...) / L'étude comporte, notamment, un résumé non technique explicitant la probabilité, la cinétique et les zones d'effets des accidents potentiels, ainsi qu'une cartographie des zones de risques significatifs. (...) ".

19. L'étude de dangers versée au dossier de demande d'autorisation unique examine notamment, pour les habitations ainsi que les cibles matérielles les plus proches, les risques potentiels liés à l'effondrement d'une éolienne, aux chutes ou aux projections de glace, à la chute d'éléments d'une éolienne et à la projection de tout ou partie de pale. L'association Berry Paysages Tranquillité et autres soutiennent que cette étude est insuffisamment développée en ce qui concerne ces risques, eu égard au choix d'implanter l'éolienne R4 à proximité immédiate de la voie communale n° 3, fréquentée par des promeneurs, cyclistes et agriculteurs. Toutefois, il ressort des termes de cette étude qu'elle mentionne l'existence de cette voie, en indiquant qu'aucune route à forte affluence ou route départementale ne traverse la zone d'étude, seule une voie communale non bitumée et des chemins d'exploitation se situant dans la zone d'étude. L'annexe I à cette étude intitulée " méthode de comptage des personnes pour la détermination de la gravité potentielle d'un accident à proximité d'une éolienne " expose que les voies de circulation non structurantes (moins de 2 000 véhicules/jour) sont comptées dans la catégorie des terrains aménagés mais peu fréquentés et sont intégrées dans l'analyse des dangers, à raison d'une personne par tranche de 10 hectares. Les requérants ne démontrent pas, compte tenu de la rareté des risques évoqués, l'existence d'une situation particulière de danger pour les usagers de la voie communale n° 3, dont ils admettent qu'elle est peu fréquentée, qui eût nécessité des analyses plus détaillées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude de dangers doit être écarté. Pour le même motif, le moyen tiré de ce que la problématique liée à la proximité de la voie communale n° 3 n'a pu être discutée au cours de l'enquête publique doit également être écarté.

En ce qui concerne la présentation des capacités et garanties financières :

20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " (...) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, alors en vigueur : " La demande prévue à l'article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : / (...) / 5° Les capacités techniques et financières de l'exploitant ; (...) ".

21. Il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ou l'autorisation unique ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux, si ces conditions ne sont pas remplies. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public.

22. Le dossier de demande d'autorisation unique fait apparaître que la société Eoliennes du Camélia est une société de projet créée par la société H2air, qui en est l'actionnaire unique. L'investissement de la société Eoliennes du Camélia sera, selon le modèle d'éolienne, de 22,2 millions ou 24 millions d'euros et sera financé à hauteur de 30 % par des capitaux propres et à hauteur de 70 % par un emprunt bancaire. Le dossier comporte également un plan d'affaires et un tableau concernant l'échéancier de la dette bancaire et présente une analyse de rentabilité du projet et de capacité d'autofinancement de ce dernier. Cependant, ces informations figurant dans le dossier de demande n'étaient pas suffisamment précises et étayées quant aux capacités financières de la société Eoliennes du Camélia, en l'absence notamment d'un engagement d'un établissement de crédit relatif à l'emprunt bancaire envisagé par le pétitionnaire ou d'un quelconque engagement de sa société mère, la société H2air, de financer le projet. Cette insuffisance entache l'arrêté litigieux d'une irrégularité procédurale, ainsi que le soutiennent l'association Berry Paysages Tranquillité et autres.

23. Toutefois, devant la cour, afin de régulariser ce vice, la société pétitionnaire a produit une note actualisée au 28 septembre 2020 relative à la mise à jour de ses capacités financières ainsi qu'une lettre d'engagement du 30 novembre 2020 établie par la société H2air selon laquelle elle dispose des fonds nécessaires à la construction et l'exploitation du projet et les fournira à la société Eoliennes du Camélia. Ainsi qu'il sera exposé au point 38, ces éléments permettent de s'assurer que la société Eoliennes du Camélia dispose des capacités financières suffisantes pour assurer, outre la construction du projet, son exploitation ainsi que sa cessation et la remise en état du site et sont, en l'espèce, de nature à régulariser le vice affectant le dossier de demande d'autorisation unique. Si ces documents ont été produits en cours d'instance, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des éléments déjà présents au dossier soumis à enquête publique, qui permettaient au public de comprendre que les capacités financières de la société pétitionnaire devraient être appréciées à travers celles de sa société mère, que cette circonstance aurait été de nature à nuire à l'information du public ni à exercer une influence sur le sens de la décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation unique sur les capacités financières de la société Eoliennes du Camélia doit être écarté.

24. En second lieu, aux termes du I de l'article R. 553-1 alors applicable du code de l'environnement : " La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre de l'article L. 512-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 553-6. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. (...) ". Aux termes de l'article R. 512-5 du même code, alors applicable : " Lorsque la demande d'autorisation porte sur une installation mentionnée à l'article R. 516-1 ou R. 553-1, elle précise, en outre, les modalités des garanties financières exigées à l'article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution ".

25. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation mentionne le montant des garanties financières, calculé conformément à l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, soit en l'espèce 300 000 euros, et expose les conditions d'actualisation de ce montant. Il précise également le délai dans lequel elles seront constituées, c'est-à-dire à partir de la réception de l'arrêté préfectoral d'autorisation et au plus tard avant la mise en service de l'installation. La nature des garanties prévues est également expressément mentionnée, la société Eoliennes du Camélia indiquant qu'elle entend recourir à l'engagement d'un établissement de crédit, modalité de garantie prévue au a du I de l'article R. 516-2 du code de l'environnement. Ainsi, le moyen tiré de ce que la société n'aurait pas précisé dans sa demande les modalités des garanties financières qu'elle entendait mettre en œuvre manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement et l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

26. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". La circonstance que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement incluent la protection des paysages ne fait pas obstacle à ce que l'impact visuel d'un projet, en particulier le phénomène de saturation visuelle qu'il est susceptible de produire, puisse être pris en compte pour apprécier ses inconvénients pour la commodité du voisinage au sens de cet article. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents. Enfin, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

27. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude d'impact et de son volet paysager, que le site d'implantation du projet de parc éolien du Camélia se situe en frange nord des plaines de Champagne berrichonne sur un plateau ouvert, voué à la grande culture et offrant de larges perspectives, dans un environnement déjà marqué par la présence, dans un rayon de 20 km autour de la zone d'implantation du projet, de parcs éoliens d'ores et déjà construits ou autorisés, représentant une centaine d'éoliennes. Le projet s'insère au sein d'une zone identifiée au sein du schéma régional éolien annexé au schéma régional du climat de l'air et de l'énergie (SRCAE) de la région Centre comme étant la " zone 15 ", correspondant à la partie est du département, favorable à l'éolien.

28. Il résulte de l'analyse du volet paysager de l'étude d'impact que, s'agissant du village de Vatan, situé à environ 5 km du projet, la réalisation de ce dernier entraînerait, eu égard à la présence de 6 autres parcs éoliens réalisés, autorisés ou projetés dans un rayon de 10 km, un léger dépassement de deux des trois indices d'alerte de saturation visuelle. Ainsi, l'indice de densité sur les horizons occupés serait de 0,19 alors que le seuil d'alerte est évalué à 0,1 et l'espace de respiration serait de 132° alors qu'il est généralement admis qu'il doit être compris entre 160° et 180° pour qu'il n'en résulte pas une atteinte excessive à la commodité des riverains. Toutefois, alors que les requérants ne produisent aucun cliché, il résulte de l'instruction, en particulier des photomontages 19, 20, 37, 38 et 39 annexés à l'étude paysagère, réalisés au sein ou à proximité de cette commune, que, compte tenu de la topologie des lieux, de la végétation ainsi que de la distance entre les différents parcs éoliens existants, autorisés ou projetés et leur agencement, l'adjonction de six éoliennes n'engendrera pas un phénomène de saturation visuelle réel pour le grand paysage ou le cadre de vie des habitants. Par ailleurs, le dépassement de deux des trois indices d'alerte pour le village de Reboursin et le hameau de La Foucauderie résulte uniquement de la prise en compte du parc de Montplaisir, dont il n'est pas contesté qu'à la date de dépôt de l'étude d'impact, il se trouvait en cours d'instruction et n'avait pas fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale et qui ne doit donc pas être pris en compte au titre de l'appréciation des effets cumulés. Enfin, il ne résulte pas des éléments versés à l'instance que, s'agissant d'autres habitations, hameaux ou villages, notamment le lieu-dit La Roche évoqué par les requérants, l'édification du parc éolien litigieux entraînerait un tel phénomène. Les circonstances que le préfet a refusé des projets voisins au titre de la saturation visuelle et que des riverains ont exprimé des craintes ou des interrogations au cours de l'enquête publique sont sans influence sur le bien-fondé de l'arrêté contesté. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'implantation du parc des Camélias, cumulée avec les autres parcs existants, autorisés ou projetés, présenterait des inconvénients excessifs pour la protection de la commodité du voisinage et la protection des paysages, visées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et méconnaîtrait, en outre, les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

29. De deuxième part, l'étude d'impact comporte en annexe une étude acoustique qui a été réalisée par la société Eréa Ingénierie en février 2017. Une campagne de mesures, portant sur huit points fixes d'enregistrement en continu du bruit résiduel préexistant à l'installation des éoliennes a été mise en œuvre du 1er au 17 septembre 2015. Un mât météorologique a également été installé dans une configuration représentative du site d'implantation des machines, permettant de mesurer la vitesse et la direction du vent et de relever la pluviométrie. Pour pallier un risque de dépassement des seuils réglementaires des émergences et du bruit ambiant à la Roche, à la Foucauderie, à Paincourt et à Chaillot, est préconisé l'instauration d'un plan de bridage optimisé consistant à brider et/ou arrêter une partie ou toutes les éoliennes sur chacune des périodes réglementaires diurne et nocturne afin de respecter la réglementation. L'étude acoustique indique que les seuils réglementaires seront respectés après mise en place de ce plan de bridage, repris à l'article 2.6 de l'arrêté préfectoral d'autorisation. A cet égard, la circonstance que les campagnes de mesures acoustiques ont été réalisées en septembre 2015 n'altère pas, par principe, la pertinence des résultats de cette étude. L'article 2.7 dudit arrêté prévoit, par ailleurs, que, dans les trois mois suivant la mise en service des aérogénérateurs, l'exploitant engage une mesure des niveaux d'émissions sonores en périodes diurne et nocturne et qu'un contrôle acoustique sera réalisé tous les cinq ans. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le projet présenterait un danger pour la santé doit être écarté.

30. De troisième part, aucune donnée scientifique acquise ne permet d'identifier précisément, avant même la mise en service de l'installation, un " syndrome éolien " systématique qui justifierait des mesures préventives scientifiques ou un refus d'autorisation. Dès lors, en se bornant à se prévaloir d'un rapport de l'Académie de médecine du 9 mai 2017, les requérants n'établissent pas que la proximité des éoliennes serait susceptible d'augmenter les risques de stress et de dépression et ainsi de porter atteinte à la santé humaine.

31. De dernière part, il résulte de ce qui a été exposé au point 19 que l'étude de dangers versée au dossier de demande d'autorisation unique prend en compte l'existence de la voie communale n° 3 située à proximité du lieu d'implantation de l'éolienne R4. Cette étude analyse les risques potentiels liés à la foudre, à l'effondrement d'une éolienne, aux chutes ou aux projections de glace, à la chute d'éléments d'une éolienne et à la projection de tout ou partie de pale. Elle conclut que, compte tenu de l'ensemble des mesures de protection intégrées à la structure des éoliennes, tenant notamment à l'installation de dispositifs de protection contre la foudre et de détection de givre, d'un système de régulation et de freinage par rotation des pales et de rétentions d'huile sous le multiplicateur et en tête de mât, conjugué avec une maintenance préventive régulière, les accidents majeurs identifiés lors de cette étude de dangers constituent un risque acceptable pour les personnes. L'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne produisent aucun élément permettant d'établir qu'eu égard à ce qui précède, les utilisateurs de la voie communale n° 3 seraient exposés à un danger particulier, qui n'aurait pas été pris en compte par l'étude de dangers. Par suite, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le projet présenterait un danger pour la sécurité doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance du schéma régional éolien :

32. Aux termes de l'article L. 515-44 du code de l'environnement : " (...) L'autorisation d'exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien (...) si ce schéma existe. (...) ".

33. Si cette disposition implique que l'autorité administrative tienne compte, avant de délivrer une autorisation pour l'exploitation des éoliennes, des parties du territoire régional favorables au développement des aérogénérateurs, elle ne confère pas aux indications contenues dans le schéma éolien régional une valeur normative. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été exposé au point 28 que le projet litigieux n'engendrera pas un phénomène de saturation visuelle pour le grand paysage ou le cadre de vie des habitants situés à proximité du parc éolien. Par suite, l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté contesté est incompatible avec le schéma régional éolien annexé au SRCAE de la région Centre, en ce qu'il indique qu'en Champagne berrichonne, si la poursuite du développement éolien paraît possible, il faudra en priorité densifier ou étendre les parcs déjà autorisés, sans créer d'effet de saturation visuelle.

En ce qui concerne l'impact sur les chiroptères :

34. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. (...) / II. Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : (...) / 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; (...) ". Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement : " La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. ".

35. Il résulte de l'étude biologique annexée à l'étude d'impact qu'en phase d'exploitation, la perte ou perturbation d'habitat d'alimentation et d'axe de déplacement est qualifiée de nulle pour les espèces de chiroptères. En ce qui concerne le risque de mortalité par collision directe ou par barotraumatisme, celui-ci est qualifié de modéré pour la zone d'implantation de l'éolienne R6 en raison de sa proximité avec des espaces d'enjeu modéré ou fort. En tenant compte de la présence et des habitudes de vol de chacune des espèces concernées, l'étude conclut, s'agissant de l'éolienne R6, à un risque d'impact résiduel modéré pour la Pipistrelle commune, la Noctule commune et la Sérotine commune et très faible pour la Noctule de Leisler et la Pipistrelle de Kuhl. Cette étude préconise des mesures d'évitement tenant notamment à un écartement inter-éolien suffisant pour le passage des chauves-souris et à une adaptation de l'éclairage du parc éolien afin de réduire l'attractivité du site pour les chiroptères. Elle indique que, pour l'éolienne R6, le suivi d'activité et de mortalité en première année d'exploitation sera renforcé afin de proposer, si nécessaire, un protocole de bridage adapté aux résultats de ce suivi et conclut, pour cette machine, à un impact résiduel très faible à faible en fonction des espèces. Enfin, l'article 2.3 de l'arrêté contesté du 5 décembre 2017 prévoit que l'éolienne R6 sera bridée dès sa mise en service par vents inférieurs à 6 mètres par seconde, température supérieure à 10 °C et précipitations inférieures à 0,2 mm/h, du coucher jusqu'au lever du soleil, entre le 1er avril et le 31 octobre. En se bornant à soutenir que, s'agissant de l'éolienne R6, un plan de bridage aurait dû être mis en place d'office sans attendre les résultats du suivi de mortalité et d'activité, ce qui est le cas en définitive, les requérants ne démontrent pas l'existence d'un impact résiduel du projet tel, pour les chiroptères, qu'il s'opposerait à l'autorisation sollicitée.

En ce qui concerne l'appréciation des conditions de fond relatives aux capacités financières :

36. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". Selon l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation ; (...) ".

37. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'ils posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

38. Il résulte de l'instruction que la société exploitante, société de projet créée par la société H2air, qui en est l'actionnaire unique, a mis à jour ses capacités financières par une note du 28 septembre 2020 qui précise que le projet, dont le coût est estimé entre 22,6 millions et 27,2 millions d'euros selon qu'il est financé en fonds propres ou, en partie, par emprunt bancaire, sera financé, soit par un apport de la société H2air à hauteur de 30 % et un emprunt bancaire pour le complément, remboursé sur une durée de vingt ans, soit intégralement sur fonds propres de la société H2air. La société de projet s'inscrit dans la stratégie définie par la société mère, qui a mené à bien le financement de quatre autres parcs éoliens entre les années 2016 et 2020 sur le territoire national ou en Allemagne et a signé le 30 novembre 2020 une lettre d'engagement selon laquelle elle dispose des fonds nécessaires à la construction et l'exploitation du projet et les fournira à la société Eoliennes du Camélia par un apport en fonds propres de 30 % ou de 100 % du coût total du projet selon l'obtention ou non d'un prêt bancaire. Compte tenu du volume des fonds propres de la société H2air, s'élevant au 31 décembre 2020 à 28 millions d'euros, et des résultats nets qu'elle a présentés au titre de l'exercice 2020, s'élevant à 3,9 millions d'euros, et, eu égard à ses capacités d'emprunt, même en l'absence de production d'un engagement ferme, précis et certain d'un établissement bancaire, la société Eoliennes du Camélia apparaît disposer de capacités financières suffisantes pour assurer, outre la construction du projet, son exploitation ainsi que sa cessation et la remise en état du site, s'agissant d'un parc éolien qui n'a pas encore été mis en service. Les allégations non étayées des requérants quant à l'insuffisance des fonds de la société H2air ne permettent pas de douter de la fiabilité de ces informations et ne sont pas de nature à révéler le caractère erroné des calculs relatifs à la rentabilité financière de l'opération. Par suite, le moyen tiré de l'erreur qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation des capacités financières du pétitionnaire doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère insuffisamment défini du projet en tant qu'il vaut permis de construire :

39. L'association Berry Paysages Tranquillité et autres soutiennent que le préfet n'a pas pris parti sur la localisation exacte des postes de livraison, sur le modèle d'éolienne qui sera choisi et sur les modalités d'accès au site. Toutefois, ils ne précisent pas les normes ou règles d'urbanisme sur lesquelles l'autorité administrative aurait, ce faisant, dû prendre parti. Par suite, le moyen tiré de ce que le service instructeur n'a pas été mis en mesure de se prononcer sur l'ensemble des aspects du projet, en tant qu'il vaut permis de construire, au regard des règles d'urbanisme est inopérant et doit être écarté. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que le préfet n'a pas pu s'assurer du respect des dispositions d'ordre public posées à l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, ils n'assortissent ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

40. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Indre du 5 décembre 2017, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux du 30 janvier 2018.

Sur la légalité de l'arrêté modificatif du 24 janvier 2020 :

41. Il résulte de l'instruction que le 7 mai 2019, la société Eoliennes du Camélia a porté à la connaissance du préfet de l'Indre les modifications du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté du 5 décembre 2017. Par un arrêté du 24 janvier 2020, le préfet a modifié l'autorisation unique délivrée. Ces modifications consistent en une augmentation de la puissance unitaire des turbines passant de 3 MW à 3,7 MW et en une modification de gabarit des six machines, le diamètre des rotors passant de 117 mètres à 142 mètres, la hauteur des mâts de 122,5 mètres à 106,98 mètres, la hauteur du moyeu de 124 mètres à 109 mètres, la longueur des pales de 57,3 mètres à 69,3 mètres, la largeur en base des pales de 2,4 mètres à 4 mètres, la hauteur entre le sol et le bas de pale de 64 mètres à 38 mètres et la hauteur totale des éoliennes de 179,90 mètres à 180 mètres. De plus, un déplacement de deux mètres pour l'éolienne R4 et de douze mètres pour l'éolienne R6 a été prévu. Enfin, à l'article 4 de cet arrêté, le préfet a étendu le plan de bridage de l'éolienne R6, explicité au point 35, à l'ensemble des éoliennes du parc.

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

42. Par un arrêté du 1er octobre 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Indre a donné délégation à Mme Lucile Josse, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Indre, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions portant modification des arrêtés d'autorisation environnementale. Le moyen tiré de ce que l'arrêté du 24 janvier 2020 a été pris par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne les consultations préalables :

43. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-31. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-21 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45. ".

44. En premier lieu, la consultation de l'autorité environnementale, prévue à l'article R. 181-19 du code de l'environnement, n'est pas au nombre des consultations qui, en application de l'article R. 181-46 du même code, sont susceptibles d'être menées par le préfet lors de l'examen d'une modification apportée à un projet. Il en est de même de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dont la consultation est prévue, hors le cas où le projet est situé dans un site classé ou dans une réserve naturelle, à l'article R. 181-39 du code de l'environnement, et de la commission locale de l'eau, dont la consultation prévue par l'article R. 181-22 du code de l'environnement ne s'impose que pour certains projets, relevant notamment de l'autorisation environnementale au titre de la loi sur l'eau, ce qui n'est pas le cas du projet litigieux. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de consultation de ces autorités.

45. En deuxième lieu, il résulte de l'étude d'impact acoustique réalisée le 10 décembre 2018 qu'en tenant compte du plan de bridage des éoliennes exposé au point 29 et repris à l'article 2.6 de l'arrêté préfectoral initial d'autorisation du 5 décembre 2017, les seuils réglementaires admissibles seront respectés pour l'ensemble des zones à émergence réglementée concernées par la modification du projet éolien, quelles que soient les périodes de jour ou de nuit et les conditions de vent. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la nature et l'ampleur des modifications apportées dans l'arrêté du 24 janvier 2020 rendaient nécessaire la consultation de l'Agence régionale de santé, prévue à l'article R. 181-18 du code de l'environnement.

46. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que les collectivités compétentes en matière d'urbanisme auraient dû être consultées, ils n'assortissent ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

47. En dernier lieu, en application de l'article R. 181-32 du code de l'environnement, la société Eoliennes du Camélia a joint à son dossier de projet modifié les avis de la direction générale de l'aviation civile du 23 novembre 2018 et de Météo France du 14 décembre 2018. En se bornant à relever que certains documents ou études tels le document intitulé " présentation du dossier modificatif " ou l'étude liée à l'incidence sur la faune et la flore ont été établis postérieurement à ces avis, les requérants n'établissent pas que ces organismes n'auraient pas exprimé leur avis, portant sur la présence dans le secteur d'implantation du parc de servitudes aéronautiques ou de radars météorologiques, de façon éclairée. Par ailleurs, si les lignes directrices contenues dans l'instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l'appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres, qui, contrairement à ce que fait valoir le préfet de l'Indre, a été publiée le 17 juillet 2018 sur le site Légifrance et se trouve donc invocable en application des dispositions combinées des articles L. 312-2 et R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration, préconise, pour les radars météo, la production d'une étude démontrant le respect des critères de l'arrêté précité du 26 août 2011 ou l'absence d'augmentation des impacts sur les radars, ce document renvoie, sur ce point, à son annexe 2 qui concerne les éléments attendus pour les projets de modification de parcs éoliens situés en deçà des distances d'éloignement des radars météorologiques, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de porter à connaissance :

48. Il résulte des termes de l'instruction précitée du 11 juillet 2018 qu'afin d'apprécier le caractère substantiel d'un projet de modification, l'exploitant fournit au service instructeur un dossier de porter à connaissance comprenant notamment une analyse proportionnée aux enjeux permettant d'évaluer les impacts de la modification envisagée sur les nuisances sonores, les perturbations sur les radars et la navigation aérienne, le paysage, le patrimoine, la biodiversité, la réalisation des travaux et, en cas de déplacement des éoliennes, la remise en état du site, ainsi que les éléments permettant de s'assurer de la conformité du projet selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction. A l'appui de la présentation de son projet modifié, la société Eoliennes du Camélia a notamment produit une étude d'impact acoustique prenant en compte les nouvelles caractéristiques des éoliennes et la modification de l'emprise au sol, un carnet de photomontages complémentaires, une étude d'incidence sur la faune et la flore, une note relative aux impacts sur les servitudes, une étude d'incidence sur l'étude de dangers, les avis des services de l'aviation civile et de Météo France, un dossier architectural et des plans actualisés. L'ensemble de ces éléments a permis au préfet d'appréhender, de manière proportionnée aux enjeux, la nature et l'ampleur des modifications envisagées, conformément aux exigences précitées de l'instruction du 11 juillet 2018, et de s'assurer en outre du respect, par le pétitionnaire, des règles d'urbanisme en vigueur sur le terrain d'implantation du projet. Les requérants n'apportent, à cet égard, aucun élément permettant d'estimer qu'eu égard à l'ampleur et à la nature des modifications apportées, notamment, au gabarit des éoliennes, le nombre de nouveaux clichés serait insuffisant pour apprécier leur impact visuel ou que les points de vue choisis pour les prises de vue auraient été erronés. Il en résulte que le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de porter à connaissance doit être écarté.

En ce qui concerne la présentation des capacités financières :

49. Il ne résulte pas de l'instruction que les modifications apportées au projet auraient un impact quelconque sur les capacités de la société Eoliennes du Camélia à assumer financièrement l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, contrairement à ce que soutiennent l'association Berry Paysages Tranquillité et autres, la société n'avait pas à actualiser ses capacités financières lors de la présentation du dossier de porter à connaissance.

En ce qui concerne l'absence de nouvelle autorisation environnementale et d'enquête publique :

50. Il résulte de l'analyse des pièces versées au dossier de porter à connaissance que l'augmentation de la puissance de chaque éolienne ainsi que la modification de leur gabarit et le déplacement de deux d'entre elles procèdent d'une démarche d'optimisation de la capacité du parc éolien, pour tenir compte des nouvelles technologies améliorant les performances des machines. Il résulte de l'étude acoustique réalisée le 10 décembre 2018 à l'occasion de cette modification que le changement de modèle d'aérogénérateurs et le déplacement de certaines machines n'auront aucune incidence sur le respect des seuils d'émergence réglementaires, moyennant un plan de bridage adapté, déjà prescrit par l'arrêté initial du 5 décembre 2017. A cet égard, la circonstance que les campagnes de mesures acoustiques ont été réalisées en septembre 2015 n'altère pas, par principe, la pertinence des résultats de cette étude. Par ailleurs, il ressort de l'expertise sur la faune et la flore réalisée en janvier 2019 que la modification du gabarit des machines ainsi que le léger décalage des éoliennes R4 et R6 n'induisent aucun effet négatif supplémentaire significatif quant à l'impact du projet sur les chiroptères, compte tenu des mesures de bridage d'ores et déjà préconisées par le préfet dans l'arrêté initial du 5 décembre 2017 pour l'éolienne R6, désormais étendues à l'ensemble des éoliennes. L'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne produisent aucun élément précis de nature à remettre sérieusement en cause les conclusions de ces études techniques. Enfin, il résulte des éléments photographiques complémentaires produits par la pétitionnaire à l'appui de son dossier de porter à connaissance que l'impact visuel et paysager du projet ne sera pas significativement modifié. Ces modifications ne sont dès lors pas de nature, à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement auquel renvoie l'article L 181-3 du même code. Par suite, ces modifications ne présentent pas un caractère substantiel au sens des dispositions précitées des articles L. 181-14 et R. 181-46 du même code et le projet modifié ne nécessitait ni la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale ni l'organisation d'une nouvelle enquête publique.

En ce qui concerne les articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement :

51. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 50, il résulte des conclusions de l'étude acoustique réalisée le 10 décembre 2018 que les seuils réglementaires des émergences et du bruit ambiant seront respectés après mise en place du plan de bridage des machines préconisé à l'article 2.6 de l'arrêté préfectoral initial d'autorisation du 5 décembre 2017, y compris après la réalisation des modifications autorisées par l'arrêté du 24 janvier 2020. L'article 2.7 de l'arrêté initial prévoit, par ailleurs, que, dans les trois mois suivant la mise en service des aérogénérateurs, l'exploitant engage une mesure des niveaux d'émissions sonores en périodes diurne et nocturne et qu'un contrôle acoustique sera réalisé tous les cinq ans. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le projet modifié présenterait un danger pour la santé doit être écarté.

52. En second lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 35, l'article 2.3 de l'arrêté initial du 5 décembre 2017 prévoit que, pour prévenir les effets spécifiques liés à la présence de chiroptères, l'éolienne R6 sera bridée dès sa mise en service par vents inférieurs à 6 mètres par seconde, température supérieure à 10 °C et précipitations inférieures à 0,2 mm/h, du coucher jusqu'au lever du soleil, entre le 1er avril et le 31 octobre. Il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce qu'a conclu l'expertise sur la faune et la flore réalisée en janvier 2019, les modifications autorisées par l'arrêté modificatif du 24 janvier 2020 rendraient nécessaires une amplification de ce plan de bridage en ce qui concerne l'éolienne en cause. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet modifié d'implantation du parc des Camélias présenterait des inconvénients excessifs pour la protection des chiroptères, visée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

53. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté modificatif du préfet de l'Indre du 24 janvier 2020, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux du 23 mars 2020.

Sur la légalité de l'arrêté modificatif du 19 octobre 2021 :

54. Il résulte de l'instruction que le 6 novembre 2020, la société Eoliennes du Camélia a porté à la connaissance du préfet de l'Indre les modifications du projet de parc éolien autorisé par l'arrêté du 5 décembre 2017 et par l'arrêté modificatif du 24 janvier 2020. Par un arrêté du 19 octobre 2021, le préfet a modifié l'autorisation unique délivrée. Ces modifications consistent en une diminution de la puissance unitaire des turbines passant de 3,7 MW à 3 MW et en une modification de gabarit des six machines, le diamètre des rotors passant de 142 mètres à 150 mètres, la hauteur des mâts de 106,98 mètres à 125 mètres, la largeur du mât de 4,3 mètres à 5,3 mètres, la longueur des pales de 69,3 mètres à 75 mètres, la largeur en base des pales de 4 mètres à 2,9 mètres, la hauteur entre le sol et le bas de pale de 38 mètres à 50 mètres et la hauteur totale des éoliennes de 180 mètres à 200 mètres. De plus, un déplacement de l'ensemble des éoliennes est prévu, de l'ordre de 4,6 mètres pour l'éolienne R1, de 3,3 mètres pour la R2, de 7,9 mètres pour la R3, de 4,8 mètres pour la R4, de 2,2 mètres pour la R5 et de 32,9 mètres pour la R6.

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

55. Par un arrêté du 8 mars 2021, régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Indre a donné délégation à M. Stéphane Sinagoga, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Indre, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions portant modification des arrêtés d'autorisation environnementale. Le moyen tiré de ce que l'arrêté du 19 octobre 2021 a été pris par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne les consultations préalables :

56. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 44, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions citées au point 43 de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, du défaut de consultation de l'autorité environnementale et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

En ce qui concerne l'absence d'actualisation de l'étude d'impact initiale :

57. Il résulte des dispositions citées au point 43 des articles L. 181-14 et R. 181-46 que le pétitionnaire sollicitant la modification d'un projet pour lequel une autorisation environnementale a d'ores et déjà été délivrée est seulement tenu d'adresser au préfet l'ensemble des éléments permettant à ce dernier d'apprécier le caractère éventuellement substantiel ou notable de cette modification. Par suite, l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne sont pas fondés à soutenir que, par principe, l'étude d'impact réalisée au cours des années 2015 et 2016 pour l'instruction de l'autorisation unique initialement délivrée par le préfet le 5 décembre 2017 aurait dû faire l'objet d'une actualisation complète, en raison de son caractère obsolète.

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de porter à connaissance :

58. Il résulte des termes de l'instruction du Gouvernement du 11 juillet 2018 relative à l'appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres qu'afin d'apprécier le caractère substantiel d'un projet de modification, l'exploitant fournit au service instructeur un dossier de porter à connaissance comprenant notamment une analyse proportionnée aux enjeux permettant d'évaluer les impacts de la modification envisagée sur les nuisances sonores, les perturbations sur les radars et la navigation aérienne, le paysage, le patrimoine, la biodiversité, la réalisation des travaux et, en cas de déplacement des éoliennes, la remise en état du site. A l'appui de la présentation de son projet modifié, la société Eoliennes du Camélia a notamment produit un dossier de présentation des modifications envisagées, accompagné d'un dossier architectural et de plans, une expertise acoustique, un carnet de photomontages complémentaires, une actualisation de l'étude de dangers, une étude de l'impact des modifications sur la faune et la flore, les avis du 3 juin 2021 et du 19 août 2021 du service national d'ingénierie aéroportuaire et de la direction de la circulation aérienne militaire, une carte de consultation localisant l'emplacement du projet, des plans d'élévation des éoliennes ainsi que l'impact des modifications sur les servitudes d'utilité publique. L'ensemble de ces éléments a permis au préfet d'appréhender, de manière proportionnée aux enjeux, la nature et l'ampleur des modifications envisagées, conformément aux exigences précitées de l'instruction du 11 juillet 2018. Les requérants n'apportent, à cet égard, aucun élément permettant d'estimer que le nombre de nouveaux clichés ou les points de vue choisis pour les prises de vue, ainsi que les autres documents nouvellement produits par le pétitionnaire, auraient été insuffisants pour permettre au préfet d'apprécier, eu égard notamment à la modification du gabarit des éoliennes, l'existence ou l'aggravation d'un phénomène de saturation visuelle, l'impact visuel du projet modifié pour la population avoisinante, ainsi que son impact pour les espèces animales ou pour la sécurité publique. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les modifications envisagées par la société Eoliennes du Camélia entraineraient une modification notable de la perception des machines depuis l'église Notre-Dame de Graçay, située à 3,7 km du projet, de sorte qu'elle eût dû entrainer la réalisation d'un nouveau photomontage. Il en résulte que le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de porter à connaissance doit être écarté.

En ce qui concerne la présentation des capacités financières :

59. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 49 et alors, au demeurant, que la société Eoliennes du Camélia a produit une note actualisée au 28 septembre 2020 relative à la mise à jour de ses capacités financières, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le pétitionnaire aurait dû actualiser ses capacités financières lors de la présentation du dossier de porter à connaissance.

En ce qui concerne l'absence de nouvelle autorisation environnementale et d'enquête publique :

60. Il résulte de l'analyse des pièces versées au dossier de porter à connaissance que la diminution de la puissance de chaque éolienne ainsi que leur déplacement et la modification de leur gabarit procèdent d'une démarche d'adaptation du parc éolien, pour tenir compte de l'évolution des catalogues des turbiniers. Il résulte de l'étude acoustique réalisée le 14 octobre 2020 à l'occasion de cette modification que le changement d'emplacement et de gabarit des aérogénérateurs n'aura aucune incidence sur le respect des seuils d'émergence réglementaires, moyennant un plan de bridage adapté, déjà prescrit par l'arrêté initial du 5 décembre 2017. A cet égard, la circonstance que les campagnes de mesures acoustiques ont été réalisées en septembre 2015 n'altère pas, par principe, la pertinence des résultats de cette étude. Par ailleurs, il ressort de l'expertise sur la faune et la flore réalisée en octobre 2020 que la modification du gabarit des machines ainsi que le décalage des éoliennes entrainent deux effets positifs quant à l'impact du projet sur les chiroptères par rapport au projet modifié en janvier 2020, en raison de l'absence de défrichement et de l'augmentation de la hauteur en bas de pale de 38 mètres à 50 mètres, et, pour le surplus n'induisent aucun effet négatif supplémentaire significatif, compte tenu des mesures de bridage d'ores et déjà préconisées par le préfet dans l'arrêté initial du 5 décembre 2017 pour l'éolienne R6, étendues à l'ensemble des éoliennes dans l'arrêté complémentaire du 24 janvier 2020. L'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne produisent aucun élément précis de nature à remettre sérieusement en cause les conclusions de ces études techniques. Enfin, il résulte des éléments photographiques complémentaires produits par le pétitionnaire à l'appui de son dossier de porter à connaissance que l'impact visuel et paysager du projet ne sera pas significativement modifié. Ces modifications ne sont dès lors pas de nature, à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement auquel renvoie l'article L 181-3 du même code. Par suite, ces modifications ne présentent pas un caractère substantiel au sens des dispositions précitées des articles L. 181-14 et R. 181-46 du même code et le projet modifié ne nécessitait ni la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale ni l'organisation d'une nouvelle enquête publique.

En ce qui concerne l'appréciation des conditions de fond relatives aux capacités financières :

61. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 38, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation des capacités financières de la société Eoliennes du Camélia.

En ce qui concerne le caractère insuffisamment défini du projet :

62. Il résulte des termes du rapport de présentation du dossier modificatif qu'en raison de l'évolution des catalogues des turbiniers, le pétitionnaire n'a pas entendu solliciter une modification du projet en faveur d'un modèle précis d'éolienne mais en faveur d'un gabarit, dit " enveloppe ", intégrant les hypothèses de modification les plus impactantes susceptibles d'être constatées. Dès lors, le porter à connaissance ne portant pas sur une modification des caractéristiques esthétiques des machines, l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne peuvent utilement soutenir que le préfet n'a pu se prononcer, en toute connaissance de cause, sur ces éléments. De même, en se prononçant sur des aérogénérateurs d'une hauteur maximale en bout de pale de 200 mètres, le préfet s'est prononcé sur la version de la modification du projet la plus hypothétiquement impactante, quand bien-même, en définitive, des machines moins hautes seraient choisies par le pétitionnaire. Enfin, contrairement à ce qui est également soutenu, il résulte de ce qui a été exposé au point 48 qu'eu égard à la nature et à l'ampleur des modifications envisagées ainsi qu'aux nouveaux documents transmis par la société Eoliennes du Camélia à l'appui de son dossier de porter à connaissance, le préfet a été mis à même de s'assurer du respect, par le pétitionnaire, des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré du caractère insuffisamment défini du projet doit être écarté.

63. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Berry Paysages Tranquillité et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté modificatif du préfet de l'Indre du 19 octobre 2021, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux du 14 décembre 2021.

Sur les frais liés aux instances :

64. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les sommes que l'association Berry Paysages Tranquillité et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association Berry Paysages Tranquillité et autres une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Eoliennes du Camélia et non compris dans les dépens dans ces instances.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de l'association Berry Paysages Tranquillité et autres sont rejetées.

Article 2 : L'association Berry Paysages Tranquillité et autres verseront, ensemble, à la société Eoliennes du Camélia une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., désigné en qualité de représentant unique des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Eoliennes du Camélia et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Michaël KauffmannLe président,

Luc Derepas

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, chacun en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 21BX01241, 21BX01242, 22BX01127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01241
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx01241 ?
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