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21/12/2023 | FRANCE | N°20NC01053

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 20NC01053


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société le Fournil de Lorraine a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite née le 28 juillet 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'abroger l'arrêté du 15 mars 1999 imposant la fermeture au public d'une journée hebdomadaire des points de vente de pain.



Par un jugement n° 1902653 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Nancy a admis l'intervention de la société Noaremy et a rejeté la de

mande de la société le Fournil de Lorraine.



Procédure devant la cour :



Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société le Fournil de Lorraine a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite née le 28 juillet 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'abroger l'arrêté du 15 mars 1999 imposant la fermeture au public d'une journée hebdomadaire des points de vente de pain.

Par un jugement n° 1902653 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Nancy a admis l'intervention de la société Noaremy et a rejeté la demande de la société le Fournil de Lorraine.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires respectivement enregistrés le 9 mai 2020, le 17 décembre 2020 et le 27 avril 2023, la société le Fournil de Lorraine et la société Noaremy, représentées par Me Flory, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 28 juillet 2019 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'abroger l'arrêté du 15 mars 1999 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle d'abroger cet arrêté dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société le Fournil de Lorraine et à la société Noaremy de la somme de 4 500 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la procédure de consultation préalable est irrégulière dès lors que les organisations professionnelles d'employeurs des bureaux de tabac en tant que dépôt de pain, des établissements de restauration rapide, des moyennes et grandes surfaces, des commerces ambulants et des commerces de surgelés n'ont pas été invitées aux négociations préalables alors que l'union des bouchers charcutiers traiteurs l'a été ;

- il appartient à l'administration et non aux sociétés requérantes, de démontrer, par des éléments statistiques probants et objectifs, le caractère indiscutable de la majorité qu'elle allègue ;

- il n'est pas établi que l'arrêté de fermeture exprimait la majorité indiscutable des membres de la profession ni à sa date de signature, ni à la date du refus d'abroger du 28 juillet 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2020, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Zeisser, pour les sociétés le Fournil de Lorraine et Noaremy.

Une note en délibéré produite pour les sociétés le Fournil de Lorraine et Noaremy a été enregistrée le 13 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 mars 1999, le préfet de Meurthe-et-Moselle a imposé la fermeture un jour par semaine aux établissements ou parties d'établissements, dépôts, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants de ce département dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain, emballé ou non. Par un courrier du 24 mai 2019, reçu par les services de la préfecture le 27 mai 2019, la société le Fournil de Lorraine a demandé au préfet de Meurthe-et-Moselle d'abroger l'arrêté du 15 mars 1999. La société le Fournil de Lorraine et la société Noaremy relèvent appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision implicite née le 28 juillet 2019.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail, qui a repris les dispositions de l'article L. 221-17 applicables à la date de signature de l'arrêté litigieux : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos (...) A la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l'arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

3. Même si les dispositions du second alinéa de l'article L. 3132-29 du code du travail rappelées au point 2 concernent les demandes d'abrogation des arrêtés préfectoraux de fermeture hebdomadaire des établissements d'une profession d'une zone géographique concernée, émanant d'organisations professionnelles représentatives exprimant la volonté de la majorité des membres de cette profession, celles-ci ne font toutefois pas obstacle à ce que tout tiers puisse solliciter l'abrogation d'un tel arrêté auprès du préfet, qui est alors tenu d'y faire droit si les conditions prévues à l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration sont remplies, en particulier en cas de changement de la volonté de la majorité des établissements concernés.

4. Par ailleurs, d'une part, l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l'illégalité de l'acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l'excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l'abroger. A l'inverse, si, à la date à laquelle il statue, l'acte réglementaire est devenu illégal en raison d'un changement de circonstances, il appartient au juge d'annuler ce refus d'abroger pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation. Lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l'acte réglementaire dont l'abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non contredites par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. Pour soutenir que l'arrêté du 15 mars 1999 n'est plus fondé sur une majorité indiscutable à ce jour, la société le Fournil de Lorraine et la société Noaremy produisent notamment des arrêtés préfectoraux d'autres départements abrogeant des décisions ordonnant la fermeture un jour par semaine d'établissements vendant du pain, et des extraits du fichier national des entreprises, issu des données collectées par les chambres de commerce et de l'industrie, recensant le nombre d'entreprises par secteur dans le département de la Meurthe-et-Moselle, une attestation du Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide produite par la requérante, datée du 26 décembre 2019 ainsi qu'une attestation du 19 décembre 2019 de la fédération des entreprises de boulangerie qui représente 11,48 % des entreprises concernées et qui confirment leur désaccord exprimés dans de nombreux contentieux concernant la fermeture une journée par semaine au public des points de vente de pain.

6. De son côté, le préfet de Meurthe-et-Moselle à qui le tribunal administratif avait demandé de produire des éléments statistiques permettant d'apprécier le poids relatif des différentes catégories d'établissements exerçant, à titre principal ou accessoire, une activité de vente de pain, s'est borné à produire des données statistiques sur la représentativité des organisations des employeurs et salariés au niveau national mais n'a pas apporté d'éléments précis et probants relatifs à la situation et son évolution dans le département de Meurthe-et-Moselle.

7. Dès lors, afin de permettre à la cour de se prononcer en toute connaissance de cause, il y a lieu d'ordonner au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, avant de statuer sur les conclusions de la requête, tous droits et moyens des parties réservés à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par le présent arrêt, de fournir, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, tout document (lettre, délibération, motion, etc..) ou tout élément, notamment chiffré, permettant de déterminer la volonté de la majorité indiscutable des établissements dans lesquels s'effectue, à titre principal ou accessoire, la vente ou la distribution de pain dans le département de Meurthe-et-Moselle. En particulier, il est demandé au ministre d'indiquer le nombre d'établissements de ce département vendant effectivement du pain, à titre principal ou accessoire, ainsi que le nombre de ces établissements favorables et défavorables au maintien de l'accord de fermeture hebdomadaire ou, à défaut, le nombre d'entreprises qui vendent effectivement du pain adhérentes aux organisations d'employeurs qui se sont déclarées expressément favorables ou défavorables au maintien de l'arrêté en litige. Le ministre communiquera également à la cour les éléments chiffrés concernant les salariés de ces établissements et la position des organisations syndicales de salariés concernant le maintien ou l'abrogation de l'arrêté du 15 mars 1999.

D É C I D E :

Article 1er : Avant dire droit sur les conclusions de la requête, il est ordonné au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, de communiquer à la cour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, les éléments définis au point 6 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties, à l'exception de ceux sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, sont réservés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société le Fournil de Lorraine, à la société Noaremy et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC01053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01053
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AARPI ACTE DIXHUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;20nc01053 ?
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