Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, en premier lieu, de prononcer, à titre principal, la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti à raison de la plus-value immobilière réalisée le 27 mai 2016, restant à sa charge à hauteur de 1 777 534 euros ou, à titre subsidiaire, la réduction de ces prélèvements sociaux à concurrence de 409 626 euros, et d'ordonner la restitution de cette somme assortie des intérêts moratoire, en deuxième lieu, de prononcer la réduction, à concurrence de 30 181 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016 et d'ordonner la restitution de cette somme, assortie des intérêts moratoires, en troisième lieu, de prononcer la réduction, à concurrence de 8 996 euros, de la taxe prévue à l'article 1609 nonies G du code général des impôts et d'ordonner la restitution de cette somme, assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1907882 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de décharge présentées par M. B... à concurrence des sommes dégrevées en cours d'instance, pour un montant total de 27 637 euros, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 février 2022 et 28 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Brosemer, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1907882 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge des prélèvements sociaux restant à sa charge, pour un montant de 1 777 534 euros, et d'ordonner la restitution de cette somme assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'en application du principe d'unicité de législation sociale résultant du règlement (CE) n° 883/2004, alors qu'il est affilié à un régime de sécurité sociale en Suisse en 2016, il n'est dès lors pas redevable des prélèvements sociaux auxquels la plus-value immobilière réalisée en France le 27 mai 2016 a été assujettie.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par M. B... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, notamment son article 29 ;
- la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, notamment son article 24 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 février 1990, Robin Swaddling (C-90/97) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a perçu au titre de l'année 2016 des revenus tirés d'une plus-value réalisée lors de la cession d'un bien immobilier situé 31, boulevard Edouard Baudoin à Antibes (Alpes-Maritimes). Cette plus-value a été soumise à l'impôt sur le revenu au taux de 19%, ainsi qu'à la taxe prévue par l'article 1609 nonies G du code général des impôts. En application des dispositions de l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012, ces revenus ont également été soumis à des prélèvements sociaux. La réclamation formée par l'intéressé le 28 décembre 2018 a été implicitement rejetée. L'administration fiscale a procédé le 28 avril 2020 au dégrèvement des prélèvements sociaux à concurrence de 25 410 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à concurrence de 1 692 euros et de la taxe prévue par l'article 1609 nonies G à concurrence de 535 euros. M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux restant à sa charge.
Au regard du droit interne :
2. Les revenus tirés de biens immobiliers situés en France perçus par des résidents, comme par des non-résidents, en application de l'article 29 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, sont soumis aux prélèvements sociaux, sans qu'ait une incidence l'affiliation du contribuable à la sécurité sociale française
3. Aux termes du I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur : " Sont également assujetties à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques (...) " ; aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts : " I. - 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis (...) " ; Aux termes de l'article 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, dans sa version applicable au litige : " I.- Il est institué, à compter du 1er février 1996, une contribution prélevée sur les produits de placement désignés aux I et I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale (...) " ;. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 245-15 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur : " Les produis de placement assujettis à la contribution prévue aux I à II de l'article L. 136-7 sont assujettis à un prélèvement social (...) " ; Aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable au litige : " Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : (...) 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 0,3 % (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts, dans sa version issue de l'article 24 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, alors en vigueur : " I. - Il est institué : (...) 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 (...) II. - Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. (...) ".
4. L'administration fiscale était, conformément à ces dispositions et à la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012, fondée à imposer au regard du droit interne, la plus-value réalisée par M. B... le 27 mai 2016 lors de la cession d'un bien immobilier situé en France.
Au regard du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du
29 avril 2004 :
5. Aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, applicable depuis le 1er mai 2010 : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants ". Selon le j) de l'article 1er de ce même règlement, " le terme ''résidence'' désigne le lieu où une personne réside habituellement ". Dans son arrêt du 25 février 1999, Robin Swaddling (C-90/97), la Cour de justice de l'Union européenne a précisé, s'agissant de dispositions similaires du règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971, qui a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 883/2004, que le lieu de résidence est celui dans lequel la personne concernée réside habituellement et où se trouve également le centre habituel de ses intérêts. Pour déterminer ce lieu, il convient, selon la Cour, de considérer en particulier la situation familiale du travailleur, les raisons qui l'ont amené à se déplacer, la durée et la continuité de sa résidence, le fait de disposer, le cas échéant, d'un emploi stable et l'intention du travailleur, telle qu'elle ressort de toutes les circonstances utiles.
6. Il résulte clairement de ces dispositions que le règlement du 29 avril 2004 ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs Etats membres de l'Union européenne, ou des Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, Etats auxquels l'application du règlement a été étendue par voie d'accords internationaux.
7. M. B... soutient qu'il réside en Suisse et est affilié au régime de sécurité sociale suisse et qu'en conséquence, en application du principe d'unicité de législation sociale résultant du règlement (CE) n° 883/2004, il n'est pas redevable des prélèvements sociaux auxquels la plus-value immobilière réalisée en France le 27 mai 2016 a été assujettie sur le fondement du droit interne. Il se prévaut également d'une pension de retraite allemande qui lui est versée depuis 2003.
8. L'administration conteste la résidence en Suisse de M. B..., en faisant valoir qu'il a travaillé de très nombreuses années à l'étranger, notamment à Hong-Kong, que la fondation A... Anke B... (Jaf) qu'il préside a une branche aux Etats-Unis, pays dans lequel elle soutient sans être contestée qu'il y possédait en 2016 deux biens immobiliers dont une villa située à Southampton, ce qui correspond à l'adresse à laquelle l'avis lui annonçant la liquidation de sa pension de retraite, en 2003, lui a été envoyé. L'administration soutient par ailleurs, en défense, que M. B... n'a pas produit d'attestation de résidence des autorités fiscales suisses, en dépit des demandes qui lui ont été faites en ce sens. Les seuls documents produits au dossier de l'instance par M. B..., à savoir l'attestation de la commune de Saint-Moritz indiquant que l'intéressé y est domicilié depuis le 8 décembre 2011, les avis de revalorisation de sa pension de retraite allemande adressés, en 2015, à l'adresse qui est celle du siège de la fondation Jaf à Zürich et, en 2016, à l'adresse de Saint-Moritz, le contrat de vente de la propriété située à Antibes en France, signé le 27 mai 2016, qui mentionne l'adresse à Saint-Moritz, le formulaire Cerfa n° 2725 relatif à l'impôt sur la fortune 2015, qui mentionne comme adresse, au 1er janvier 2015, l'adresse de la fondation Jaf à Zürich, pas plus que la circonstance que l'administration française a envoyé, en 2020, un avis de dégrèvement à l'adresse de Zürich, ne suffisent pour établir sa résidence habituelle en Suisse en 2016, l'intéressé ne donnant par ailleurs aucune information, notamment, sur sa situation familiale, la durée et la continuité de sa résidence en Suisse. Ainsi M. B... n'établit pas, pour l'année en litige, sa résidence en Suisse ou dans un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, au sens du règlement (CE) n° 883/2004. Par suite, alors même qu'il aurait été affilié au régime de sécurité sociale obligatoire suisse, à raison des revenus annuels de 10 540 CHF qui lui ont été versés en 2016 par la Fondation Jaf, M. B... ne peut pas se prévaloir du règlement (CE) n° 883/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge et de restitution, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2023.
La rapporteure,
C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00761 2