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20/12/2023 | FRANCE | N°22LY02306

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 20 décembre 2023, 22LY02306


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler dix titres de perception émis le 25 août 2021 par le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or pour un montant total de 13 316 euros en récupération des aides versées au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'

épidémie de Covid-19 pour les mois de mars à juin 2020, septembre à décembre 2020 et février et m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler dix titres de perception émis le 25 août 2021 par le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or pour un montant total de 13 316 euros en récupération des aides versées au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 pour les mois de mars à juin 2020, septembre à décembre 2020 et février et mars 2021, ensemble la décision du 15 octobre 2021 rejetant son recours administratif.

Par un jugement n° 2103208 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'ensemble des titres exécutoires ainsi que la décision du 15 octobre 2021 de rejet du recours administratif.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler le jugement n° 2103208 du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Dijon.

Il soutient que :

- un loueur en meublé non professionnel n'exerce pas une activité économique au sens des dispositions de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ; le dispositif d'aide institué par le gouvernement pour les entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 ne peut concerner que les activités exercées à titre professionnel ;

- en tout état de cause, l'activité de location de meublé non professionnelle exercée par M. B... ne constitue pas son activité principale, les revenus tirés de cette activité étant inférieurs à ses autres revenus et ne constituant pas une part prépondérante des revenus de son foyer fiscal ;

- l'administration n'a pas fait une inexacte application de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 en considérant qu'il ne pouvait bénéficier des aides sollicitées pour les dix mois en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2023, M. B..., représenté par Me Kovac, conclut au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- la requête présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est tardive ; qu'elle a en outre été signée par une personne ne justifiant pas de sa compétence ; qu'elle est, par suite, irrecevable ;

- l'annexe 1 au décret du 30 mars 2020 prévoit expressément la location de tourisme courte durée parmi les activités éligibles à l'aide exceptionnelle pour les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l'épidémie de Covid-19, sans exclure les locations meublées non professionnelles et le décret du 30 mars 2020 ne subordonne pas l'accès de l'aide financière qu'il prévoit au statut juridique, social ou fiscal dans le cadre duquel cette activité est exercée ;

- son activité de location meublée est une activité économique au sens des dispositions du décret du 30 mars 2020, puisqu'elle relève fiscalement des bénéfices industriels et commerciaux, selon les dispositions de l'article 35 du code général des impôts.

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Faivre, substituant Me Kovac, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... qui exerce à titre individuel, une activité de location de meublés de tourisme, a bénéficié, pour les mois de mars à juin 2020, septembre à décembre 2020, et février et mars 2021, de l'aide aux entreprises fragilisées par l'épidémie de covid-19 pour un montant total de 13 316 euros. Par dix titres exécutoires, émis le 25 août 2021, le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or a mis à sa charge le reversement des aides au titre de chacune des périodes précitées. Par une décision du 15 octobre 2021, cette même autorité a rejeté le recours administratif préalable obligatoire présenté par l'intéressé le 22 septembre 2021. Par le jugement attaqué du 24 mai 2022, dont le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique interjette appel, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'ensemble des titres exécutoires litigieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation : " Il est institué, jusqu'au 16 février 2021, un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation. / Sa durée d'intervention peut être prolongée par décret pour une durée d'au plus six mois. ". L'article 1er du décret du 30 mars 2020, pris en application de l'article 3 de cette ordonnance, définit le champ d'application du dispositif en disposant que : " Le fonds mentionné par l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : entreprises, (...) ". Ce décret, modifié à de nombreuses reprises depuis son édiction pour tenir compte de l'évolution de l'épidémie et des mesures prises pour limiter sa propagation, précise ensuite les conditions d'attribution des aides versées au titre de ce fonds. Parmi ces conditions figure, pour certaines des périodes couvertes par le dispositif d'aides, l'exercice d'une activité principale relevant de l'un des secteurs énumérés à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 du décret, au nombre desquels : " Hôtels et hébergement similaire " et " Hébergement touristique et autre hébergement de courte durée ".

3. D'autre part, aux termes du 2 du IV de l'article 155 du code général des impôts, l'activité de location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés est regardée comme exercée à titre professionnel lorsque " les deux conditions suivantes sont réunies : / (...) Les recettes annuelles retirées de cette activité par l'ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ; / (...) Ces recettes excèdent les revenus du foyer fiscal soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires au sens de l'article 79, des bénéfices industriels et commerciaux autres que ceux tirés de l'activité de location meublée, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux et des revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 ".

4. Pour l'application des dispositions du décret du 30 mars 2020, doit être regardé comme exerçant une activité économique quiconque accomplit une activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services ou se livre à des opérations comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. La circonstance que les recettes issues de la location de locaux d'habitation meublés seraient inférieures aux seuils définis par les dispositions de l'article 155 du code général des impôts n'est pas de nature à exclure l'exercice, par le loueur, d'une activité économique, et pas davantage, lorsque cette condition est applicable, l'exercice d'une activité principale dans l'un des secteurs énumérés à l'annexe 1 ou à l'annexe 2 du décret du 30 mars 2020.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. B... est enregistré au répertoire des entreprises et des établissements sous le numéro SIREN ... pour l'exercice d'une activité enregistrée sous le code APE, activité principale exercée, 5520Z " Hébergement touristique et autre hébergement de courte durée " pour l'exploitation d'un gîte meublé de tourisme d'une capacité de quatre personnes, agréé " Gites de France ", situé à .... Au titre de cette activité, il a déclaré des revenus de 8 036 euros au cours de l'année 2019 et de 3 631 euros au titre de l'année 2020. Cette activité, qui génère des recettes ayant un caractère de permanence, doit être qualifiée d'activité économique au sens et pour l'application des dispositions précitées du décret du 30 mars 2020, sans que puisse s'y opposer la circonstance que les recettes issues de la location de locaux d'habitation meublés seraient inférieures aux seuils définis par les dispositions du IV de l'article 155 du code général des impôts ou la circonstance que l'activité de loueur en meublé non professionnelle ne serait pas exercée au moyen d'une structure susceptible de faire faillite au sens du droit commercial ou de se voir appliquer les directives et règlements en matière d'aides d'Etat.

6. Par ailleurs, il résulte des termes des articles 3-8 et suivants du décret du 30 mars 2020 que la condition tenant à ce que le bénéficiaire de l'aide exceptionnelle exerce son activité principale dans un secteur mentionné dans l'une des annexes à ce décret s'applique à l'activité de l'entreprise et non à celle de son gérant. Or il n'est pas contesté que l'entreprise individuelle de M. B... n'a pas d'autre activité que la location du gite situé à Bligny-lès-Beaune, par suite, cette location constitue nécessairement l'activité principale de cette entreprise. Dans ces conditions, le ministre ne peut utilement soutenir que l'activité de location de meublés touristiques ne saurait être regardée comme étant exercée à titre principal au motif que les autres revenus imposables déclarés par M. B... au titre des années 2019 et 2020, notamment les revenus déclarés dans la catégorie des revenus d'associés et gérants, seraient supérieurs aux revenus tirés de son activité de location de meublés touristiques ou que la part des revenus tirés de cette activité ne serait pas significative par rapport à l'ensemble des revenus de son foyer.

7. Au regard de ce qui est précédemment exposé, le ministre n'est pas fondé à soutenir que l'activité de location de meublés touristiques exercée par M. B... ne serait pas éligible au bénéfice du dispositif d'aide aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l'épidémie de covid-19.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a annulé les dix titres exécutoires émis le 25 août 2021, ainsi que la décision du 15 octobre 2021 rejetant le recours administratif présenté à l'encontre de ces titres.

Sur les frais liés au litige :

9. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par M. B... à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02306
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-05-04 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Défense de la concurrence. - Aides d’Etat.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DGK ET ASSOCIES - CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-20;22ly02306 ?
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